L’ADN des polygames

13 octobre 2007

À l’heure où la France cherche à réduire ses dépenses publiques, il est surprenant que ses députés et sénateurs gaspillent l’argent des contribuables dans un interminable débat sur le regroupement familial, dont on connaissait, par avance, l’issue.

Car, que révéleront les tests ADN qu’on ne sache déjà ? D’abord que « l’Homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire », d’où son retard ; ensuite qu’il reste, même loin de sa base, un indécrottable « polygame », d’où les émeutes en banlieues ; enfin que la violence est « culturelle » chez les Noirs, d’où leur incapacité à s’intégrer ; sans oublier qu’il y a « trop de Blacks chez les Bleus », d’où leur défaite à la dernière Coupe du Monde de Football !
S’ils s’étaient dispensés de ce débat, ces parlementaires auraient pu, avec les économies réalisées, enrichir la bibliothèque de l’Assemblée nationale et du Sénat, voire celle de la Présidence de la République, de quelques ouvrages essentiels, pour les aider à combler leurs lacunes sur l’Afrique, dans la perspective des futures lois sur l’immigration qu’ils ne manqueront pas de voter à nouveau.
Ils auraient pu, ainsi, acquérir le récent livre de l’historien anglais Hugh Thomas, “La Traite des Noirs”, qui rappelle, opportunément, qu’au Moyen-âge, donc bien avant l’esclavage et la colonisation qui l’ont affaiblie, « l’Afrique de l’Ouest travaillait le fer et l’acier comme l’Europe au 13ème siècle avant l’utilisation de la force hydraulique », et que « la plupart des foyers africains avaient des couteaux, des épées, des haches et des houes de ce métal ». L’évidence même !
Ils auraient pu se procurer, également, les fameuses “Descriptions de l’Afrique”, du voyageur andalou Léon l’Africain, qui visita Tombouctou, en 1526, et s’enthousiasma pour cette cité florissante et moderne, traversée « par des canaux », servant à recevoir l’eau du fleuve Niger en cas de crue. Un tiers des 70 à 80.000 habitants de la ville étaient des étudiants « pleins d’ardeur pour la science et pour la vertu ».
Ils fréquentaient l’Université de Sankoré, dont le niveau des enseignements n’avait rien à envier aux Facultés de Cordoue, Damas, Grenade, ou du Caire, comme en témoigne la surprise d’un lettré arabe, arrivé de la Mecque pour occuper une chaire de droit. « Il se fixa à Tombouctou et trouva cette ville remplie d’une foule de jurisconsultes soudanais. Aussitôt qu’il s’aperçut que ceux-ci en savaient plus que lui en matière de droit, il partit pour Fez, s’y adonna à l’étude du droit, puis il revint se fixer de nouveau à Tombouctou ».
Faut-il, par ailleurs, rappeler que l’Afrique noire connaissait, à cette époque, pas moins de... sept systèmes d’écritures qui, pour des raisons historiques, n’ont pas eu le développement de ceux des peuples asiatiques et européens : les écritures arako et nsibidi du Nigeria, giscandi du Kenya, ou encore mende de Sierra Leone, pour ne citer qu’elles.
Faut-il, également, souligner que c’est au Congo que l’archéologue belge Jean de Heinzelin de Braucourt a découvert, en 1950, la plus ancienne calculette préhistorique, connue aujourd’hui sous le nom de bâton d’Ishango ? Il s’agit d’un petit os, datant de 20.000 ans av J.C., sur lequel figure une série de nombres, et qui prouve que les Africains maîtrisaient les mathématiques bien avant tout le monde.
S’ils s’étaient dispensés de ce débat, ces parlementaires auraient pu, aussi, acheter et lire “Voyages dans l’intérieur de l’Afrique” de Mungo Park, cet aventurier écossais qui sillonna le continent noir au 18ème siècle. Il a fourni de précieuses indications sur les connaissances médicales des « Nègres » qu’il rencontra, et qui se révélèrent « meilleurs chirurgiens que médecins », tant ils excellaient « dans le traitement des fractures et des dislocations », savaient guérir les fièvres, par des bains de vapeur, et soigner la cataracte.
La lecture de ces livres, et de quelques autres, montre bien que la période précoloniale fut, pour le continent noir, une période faste, marquée par un bouillonnement culturel, un développement économique et une stabilité politique, incarnés, notamment en Afrique de l’Ouest, par trois grands empires, celui de Ghana, de Mali et du Songhaï, qui égalaient, en puissance, leurs lointains voisins arabes et européens, avec lesquels ils entretenaient des relations suivies. Leurs monarques étaient, d’ailleurs, sur bien des plans, en avance sur leur temps :

- Soundiata Keïta fit adopter, au 13ème siècle, une charte des droits de l’Homme et du citoyen, la fameuse charte de Kouroukan Fouga, dont l’article 16 stipulait, déjà, que « les femmes, en plus de leurs occupations quotidiennes, doivent être associées à tous nos gouvernements ».

- Aboubekr II entreprit de traverser l’Atlantique et de rallier l’Amérique, bien avant Christophe Colomb, comme le rapporte l’auteur égyptien du 13ème siècle Al-Omary.

- Mohamed Aboubakr créa, dès le 16ème siècle, une armée de métier et un ministère de... l’intégration pour les étrangers, arabes et européens, qui venaient dans le pays.
Il y eut, justement, parmi ces étrangers, un voyageur français du nom de René Caillié. En route pour Tombouctou, il fit une halte à Djenné, le 11 mars 1828, et découvrit, en même temps que l’hospitalité du lieu, l’histoire de cette île, dont le fondateur, le sultan Konboro, s’était converti à l’islam, au 12ème siècle. Il avait, à cette occasion, demandé, expressément, aux oulémas, les docteurs de la loi, de prier Dieu d’accorder au moins deux choses à sa ville.
La première : « Que celui qui, chassé de son pays par l’indigence et la misère, viendrait habiter cette ville, y trouva en échange, grâce à Dieu, abondance et richesse, de façon qu’il oublia son ancienne ». Et la seconde, encore plus étonnante : « Que la ville fut peuplée d’un nombre d’étrangers supérieur à celui de ses nationaux ».
Ce n’est pas aujourd’hui qu’on entendrait ça !!!

Serge Bilé *

* Né en Côte-d’Ivoire, passé par une maîtrise d’Allemand et l’ESJ de Lille, Serge Bilé est journaliste. D’abord à France 3 puis RFO, il produit et réalise aujourd’hui des documentaires sur le monde noir.
Journaliste à RFO Martinique depuis près de 10 ans, Serge Bilé est un journaliste à la carrière bien remplie. Issu de l’école de journalisme de Lille, il a travaillé sur France 3 pendant cinq ans avant de rejoindre RFO en 1993. Passionné par l’histoire des peuples noirs et de ses diasporas, il réalise plusieurs documentaires sur ce thème. Suite à la réalisation de son film “Noirs dans les camps nazis”, il écrit un livre au titre éponyme publié aux éditions du Serpent à Plumes, paru en janvier 2005.
Thèmes historiques et rares : “Les Boni de Guyane”, primé au Festival du Film de Montréal, “Noirs dans les camps nazis”, et plus récemment, “Maurice le Saint noir”.
En 1995, il fonde avec des amis martiniquais l’association Akwaba et met en place des échanges culturels et des vols charters directs entre Fort-de-France et Abidjan.
Passionné de musique, il a également écrit pour de nombreux artistes. Il est l’auteur de la chanson “Nouveau monde”
distinguée par la SACEM et enregistrée au profit de l’UNICEF par une pléiade de célébrités.

(Sources : Africultures)


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