
Mal-do-mèr dann sarèt
28 juin, parLo zour la pokor kléré, Zan-Lik, Mariz é sirtou Tikok la fine lévé, mèt azot paré. Madanm Biganbé i tir zot manzé-sofé, i donn azot, zot i manz. (…)
Conférence de Françoise Vergès : « Le ventre des femmes »
18 mars 2017, par
Jeudi, l’ancien hôtel de ville de Saint-Denis accueillait une conférence de Françoise Vergès autour de son dernier livre « Le ventre des femmes ». C’est un retour sur une période récente de notre histoire, dont nombre de témoins sont encore vivants, où une politique d’avortements et de stérilisations forcées était menée dans un climat d’anti-natalisme et de racisme. Le pouvoir avait réussi à persuader la classe moyenne émergente que si La Réunion était pauvre, alors c’était parce que les femmes noires et pauvres faisaient trop d’enfants.
Devant un public nombreux, Françoise Vergès tenait une conférence hier à l’ancien hôtel de ville de Saint-Denis. Le thème était « Le ventre des femmes », titre de son dernier ouvrage. Ce livre revient sur une période récente de notre histoire, dont nombre de victimes sont encore vivantes. C’est la campagne anti-nataliste menée par le pouvoir dans les années 1960 et 1970. Elle s’est traduite par des avortements et stérilisations forcées, ainsi que par la délivrance à grande échelle d’un contraceptif, le Depo-Provera, qui avaient pour conséquence d’importants effets secondaires : cancers, fibrome, diabète, dépression…
Comment expliquer que l’État pratiquait une politique nataliste en France, en réprimant l’avortement, et une politique anti-nataliste ailleurs ? Comment l’État décidait-il de qui avait le droit de naître ? Pourquoi le féminisme français est-il resté silencieux ? Autant de questions auxquelles Françoise Vergès s’attache à répondre, en commençant par des faits. Ce sont les avortements et stérilisations forcées pratiquées dans la clinique de Saint-Benoît appartenant à David Moreau. Une clinique dont la spécialité déclarée était pourtant l’orthopédie, et pas la gynécologie. Ces opérations étaient financées par l’aide médicale gratuite. Dès 1969, Témoignages et Croix-Sud avait dénoncé le scandale de 8.000 avortements pratiqués par an dans cet établissement, accompagné de stérilisation, et cela sans le consentement des femmes mutilées dans leur chair.
30 femmes ont eu alors le courage de porter plainte et de porter leur cause dans l’enceinte du tribunal où deux personnes furent condamnées à des peines légères : l’infirmier-chef Govindin et le docteur Ladjad. Ces derniers furent d’ailleurs bien surpris d’avoir à répondre de leurs actes devant des juges, s’estimant couverts par les autorités. Le procès de la fraude à la Sécurité sociale n’a par contre jamais eu lieu. Au cours de l’instruction de l’enquête, les registres de la clinique avaient disparu. Une manière d’effacer les traces des avortements forcés mais aussi de protéger les femmes de la bourgeoisie qui avaient volontairement eu recours à cette pratique alors interdite par la loi.
La clinique était dirigée par un proche de Michel Debré qui s’est considérablement enrichi, devenant une des plus grosses fortunes de La Réunion. David Moreau était un des premiers soutiens de Michel Debré, grâce à la fraude, il avait élu maire de Saint-Benoît avec plus de 90 % des « suffrages ». Il est également resté vice-président du Conseil général pendant 20 ans.
Françoise Vergès rappelle le contexte qui fait que ce sont les femmes noires qui ont été victimes de ces exactions. Au lendemain de l’abolition du statut colonial, les experts écrivent que la croissance démographique est le principal problème dans les départements d’outre-mer. Ils préconisent deux solutions : l’émigration et le contrôle des naissances. Et de citer quelques expressions qui étaient alors entendue : « les naissances coûtent à la France », « la poussée démographique peut mettre en péril la départementalisation ». Ces propos ne se basaient sur aucune preuve et ont débouché sur les concepts du « développement impossible », « l’avenir est ailleurs », « les femmes font trop d’enfants ». Ces discours étaient relayés par la complicité d’élus de la droite, de médecins et d’assistante sociale.
Michel Debré porte aussi une responsabilité, en disant en substance que les Réunionnais étaient des enfants, qu’ils ne comprenaient pas ce qu’ils faisaient et qu’il fallait donc intervenir.
Cette politique de contrôle des naissances étaient relayée dans la seule radio, qui diffusait des spots reproduisant des cris d’enfants. Une des premières campagnes d’affichage sur de grands panneaux publicitaires montrait une femmes entourée d’enfants avec écrit en gros le mot « assez ».
Dans le même temps, une classe moyenne émerge et commence à avoir honte des pauvres et notamment des personnes de couleur. Elle pense que si La Réunion est pauvre, c’est à cause des femmes qui font trop d’enfants.
Cette politique a été menée dans un contexte de lutte, marquée par une renaissance culturelle, et la croissance des luttes sociales. Cette période a vu aussi la montée du chômage, la destruction de l’industrie et la militarisation de l’océan Indien.
Françoise Vergès est ensuite revenue sur le peuplement de La Réunion. À l’époque de l’esclavage, elle se faisait par importation de la main d’œuvre. Les esclavagistes avaient surtout besoin de jeunes hommes pour travailler dans les plantations.
À la différence des États-Unis, le renouvellement de la main d’œuvre esclave ne se faisait pas par « la reproduction locale », mais par l’importation de bras avec la traite. Les esclavagistes réunionnais jugeaient en effet que les pertes financières liées à l’arrêt du travail de la mère, et à la durée nécessaire qu’il faille attendre avant que l’enfant puisse travailler dans les champs était un coût plus important que l’achat d’êtres humains à des marchands d’esclaves. Cette orientation a pesé sur les mentalités et sur le peuplement.
En 1848, date de l’abolition de l’esclavage, La Réunion comptait 66 % d’hommes, pour 33 % de femmes. L’engagisme qui a succédé a prolongé ce déséquilibre. Lors de l’immigration indienne, de 1828 à 1861, les bateaux ne comptaient qu’une femme pour six hommes. Cette proportion est ensuite passée à quatre femmes pour dix hommes. Ce n’est que dans les années 1930 que l’équilibre entre femmes et hommes a été atteint à La Réunion. C’est pourquoi le problème qui était posé à l’époque était celui de la sous-population.
Au lendemain de la guerre, il a été tout d’un coup question de surpopulation. Les femmes du Tiers-monde étaient accusées de faire trop d’enfants et d’être responsables de la pauvreté. « Ce postulat idéologique devient vérité ». Il est défendu par des organisations internationales telles que le FMI, l’Organisation internationale des migrants ou l’Organisation internationale de la Sécurité. Des programmes anti-natalistes sont alors mis en œuvre dans les pays du Sud, mais aussi aux États-Unis en direction des femmes afro-américaines. C’était notamment la prescription massive du Dépo-provera, un contraceptif jugé tellement dangereux qu’il était interdit en Belgique, pays de sa production. En France, il n’était délivré qu’aux femmes qualifiées de déficientes mentales et internées en hôpital psychiatrique.
Cette politique anti-nataliste était donc racialisée. Elle s’adaptait à l’évolution du capitalisme mondial qui n’avait plus besoin d’autant de bras pour travailler dans les plantations et les usines.
En conclusion, Françoise Vergès a rendu hommage à ses femmes pauvres, créolophones, qui ont porté plainte et qui sont allées au tribunal à cette époque pour faire entendre leur cause.
M.M.
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