La faim à financer

23 octobre 2008

Les chiffres lancés à (l’occasion de la journée mondiale de l’alimentation) par les organisations qui luttent contre la faim sont éloquents. Depuis le début de la crise, pas moins de 1000 milliards de dollars US ont été promis par les gouvernements des États-Unis et de l’Europe pour sauver de grandes banques de la faillite et 3000 milliards de dollars US ont été mis en veilleuse pour garantir des prêts interbancaires.
Pendant ce temps, un seul des 12 milliards de dollars US promis en juin, à Rome, afin de lutter contre la malnutrition croissante a effectivement été dépensé. Le Programme alimentaire mondial doit se contenter de budgets parmi les plus bas des 40 dernières années et pas moins de 36 pays comptent sur son aide d’urgence pour nourrir leur population.
Jacques Diouf, directeur général de la FAO, craint maintenant que les pays touchés par la crise financière ne sombrent dans le protectionnisme et ne révisent leurs engagements en matière d’aide internationale. Selon Oxfam Canada, l’Agence canadienne de développement international (ACDI) a déjà réduit de moitié les sommes allouées aux projets agricoles depuis 15 ans. Ceux-ci ne représentent plus que 4% de l’aide totale, contre 18% auparavant.
« C’est certain qu’en cas de crise, la première chose qu’un gouvernement est tenté de couper, c’est l’aide internationale », soupire Lydia Côté, porte-parole d’Action contre la faim. Installé depuis peu à Montréal, l’organisme non gouvernemental réclame plus d’argent pour nourrir les affamés, y compris au Canada. Mais son cri d’alarme n’a pas été entendu pendant la campagne électorale.
De son siège social londonien, Oxfam a publié jeudi un rapport établissant à 967 millions le nombre d’indigents dans le monde, comparativement aux 858 millions cités depuis deux ans. L’organisation attribue l’alourdissement de ce bilan à l’augmentation fulgurante des prix des denrées alimentaires.
« Le prix plus élevé de la nourriture signifie que des millions de foyers mangent moins et moins bien et que des enfants sont retirés de l’école parce qu’ils ne peuvent plus acquitter la facture », a déclaré Robert Fox, directeur d’Oxfam Canada dans un communiqué de presse.

Profits

Le même rapport doute que les agriculteurs des pays pauvres voient leurs revenus et leurs conditions de vie s’améliorer en même temps que les prix des matières premières agricoles. Selon ses auteurs, ce sont plutôt les multinationales qui en profitent. À preuve, les revenus record des Nestlé (transformation), Monsanto (semences) et Bunge (grains et céréales) de ce monde.

Une bonne nouvelle dans le lot des mauvaises : le Fonds monétaire international a ajusté à la baisse ses prédictions de prix pour les denrées de base (riz, blé, maïs, cacao, café, etc.), ce qui devrait permettre à plus de démunis de se les payer. En 2008, la FAO anticipe une production céréalière record de 2232 millions de tonnes, en hausse de 4,9% sur l’année précédente. C’est là l’effet d’un marché haussier : les petits agriculteurs peuvent enfin rêver de faire des profits. Mais attention, s’ils craignent de ne plus couvrir leurs frais, ils pourraient redonner une partie de leurs champs à la nature. Il suffirait alors d’une mauvaise saison pour que les prix repartent à la hausse. Comme quoi l’équilibre est plus que fragile.

Annie Morin - "
Le Soleil" (Canada)


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