Avant la Marche Blanche de dimanche

’La femme n’est pas un objet’

27 novembre 2004

Il faut rester optimiste, estime Jean, le frère d’une jeune femme tuée par son ex-concubin. Selon lui, on peut lutter quotidiennement et pacifiquement contre la violence. Quant à Zina, elle raconte son calvaire de 17 ans et encourage les femmes à partir : ’Vous pouvez être aidées’.

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Jean Rigoux participera à la Marche Blanche dimanche. Le frère de Florence Rigoux, la jeune femme assassinée en août par son ex-concubin à peine sorti de prison, participera également à la Marche Blanche de dimanche. Il sait déjà que pour sa maman, comme pour d’autres familles de victimes, cette démarche sera une épreuve difficile.
En participant à cette marche, la motivation première de Jean est d’accuser toutes les formes de violences quotidiennes. Sur la route, au travail, envers les enfants, à la télévision... "C’est la force qui prime, on vit dans un monde bestial, d’animalité", observe Jean, pour qui la violence appelle malheureusement la violence.
Travailleur social, il estime que les institutions ne sont pas épargnées par ce phénomène. "Quand une assistante sociale dit à une personne qu’elle ne peut pas l’aider parce qu’elle ne dépend pas de tel ou tel dispositif, c’est aussi une violence, administrative cette fois", illustre Jean. Et face à ce phénomène grandissant et généralisant, il dit non et s’engage à lutter pacifiquement contre les violences.
Jean se dit optimiste coûte que coûte et ce, malgré les faits tragiques qui entachent notre quotidien. Moins d’insultes et d’agressivité, plus d’amabilité. "Quelles que soient les circonstances, le sourire désempare, déstabilise les mauvaises intentions. On pourra me faire des procès d’intention en me qualifiant d’utopiste ou d’irréaliste, c’est avec de petites choses que l’on peut agir".
Certes, l’homme est faillible, comme ce juge qui a laissé sortir l’assassin de sa sœur, mais Jean ne lui en veut pas. Il estime seulement que les décisions juridiques de cette importance (au vu des antécédents de l’agresseur) devraient être prises de façon collégiale et ne pas peser sur les épaules d’un seul homme.
Zina sera là dimanche pour la Marche Blanche à Saint-Denis et toute la journée, "Je penserai à ces actes de violences que l’on voit au quotidien, à ces femmes qui n’ont pas eu la chance comme moi d’en réchapper, à ces femmes qui n’ont pas mérité la mort."
À 56 ans, après 17 ans de calvaire en tant que femme battue, Zina est prête à aider les autres. Elle témoigne pour lancer un appel aux femmes qui sont victimes des mêmes souffrances. "Vous pouvez être aidées. Contrairement à mon époque, il y a des assistantes sociales, des éducateurs, des associations pour vous tendre la main. Moi aussi, je peux vous aider. Quand un homme vous bat, n’attendez pas, quittez-le, partez, ne faites pas marche arrière. Pensez à vos enfants. Vous avez le droit de vivre, la femme n’est pas un objet."
Zina lance aussi un appel à la justice, au procureur, comme au préfet de La Réunion : "En tant qu’hommes de loi et de pouvoir, sans vous manquer de respect, je vous demande de faire bouger les choses. La justice est bloquée et ne protège pas les femmes menacées de mort. Il y a un gros travail à faire sur la violence à La Réunion".
Elle nous confie, en tant que membre de l’association “Femmes solidaires de Saint-André”, la fuite de certaines Réunionnaises en Métropole pour échapper aux menaces de leur concubin. "Cela n’est plus possible." Zina s’indigne. Ces trois derniers mots sont "Non à l’alcool, non à la drogue, oui à la paix."

Estéfany


Journée internationale

Condamner les violences par la loi

Il ne suffit pas de guérir les blessures des femmes, il faut faire de la prévention dès le plus jeune âge. Et, insistaient jeudi les femmes socialistes, il faut protéger les femmes et les enfants en cas de violences.

Prévention et réparation sont leurs deux priorités. Les femmes socialistes ont profité de la Journée internationale d’élimination des violences à l’égard des femmes, ce jeudi, pour rappeler leur demande d’une loi cadre, qui permettrait de balayer l’ensemble des violences quotidiennes subies par les femmes.
C’est suite à la résolution des Nations-unies du 17 décembre 1999, que le 25 novembre a été proclamé Journée internationale d’élimination des violences à l’égard des femmes. Une date qui fait nécessairement acte, même si la lutte est quotidienne et que cette résolution ne suffit pas à éradiquer ce fléau, véritable violation des droits et libertés féminines.
"Aujourd’hui, au 21ème siècle, on parle d’égalité, de parité professionnelle, mais la domination envers les femmes existe toujours, dans le couple, comme dans l’espace public, au su et vu de tout le monde et même à l’école", constate Monique Orphé, membre du PS.

Mesures gouvernementales insuffisantes

Pour les femmes socialistes, les violences envers les femmes sont un véritable problème politique que les États doivent unanimement condamner. Elles insistent sur la notion d’implication politique, car elles se disent "là pour enrichir le débat, pour mieux poser les questions et mieux y répondre". Elle souligne l’important travail associatif engagé depuis plusieurs années, qui a contribué à une prise de conscience du phénomène.
Mais les quelques propositions pénales qui résultent de cette prise de conscience restent insuffisantes. Les 10 mesures proposées mercredi en Conseil des ministres par Nicole Ameline, déléguée nationale aux droits des femmes, "restent des vœux, des mesures sans moyens et sans ambition. Le million d’euros proposé pour aider les associations nationales et des DOM est dérisoire", poursuit Monique Orphé.
Rappelant deux chiffres de l’enquête ENVEFF qui l’ont particulièrement marquée (15% des femmes réunionnaises sont victimes de violences conjugales accompagnées parfois de contraintes sexuelles et 21%, soit 22.500 femmes se disent victimes de violences dans l’espace public) (voir encadré) , Erika Bareight souligne que "notre société est marquée par la violence sexiste qu’il faut combattre par la loi, une loi émancipatrice pour extraire les femmes de leur condition de victime et ne pas cautionner la violence".

"Mobilisation contre le sexisme"

Les femmes socialistes, en revendiquant la mise en place d’une loi cadre, ne prétendent pas inventer la poudre, mais s’inspirent de leurs collègues espagnoles pour fixer une ligne de conduite juridique valable pour tous. Elles se sont fixé deux axes de travail : la réparation à la victime et la prévention, avec une sensibilisation dès le plus jeune âge. "Plutôt que de guérir ce que l’on a provoqué, il faut travailler en amont pour éviter de le provoquer", souligne Erika Bareight.
Les femmes socialistes revendiquent une "protection juridique accrue", afin que la victime soit immédiatement protégée, coupée de son agresseur et qu’en cas de maltraitance sur enfants, la garde soit refusée au père. Elles militent pour une "protection sociale sans faille", afin que les femmes étrangères qui fuient les situations de violences et de contraintes puissent accéder au droit d’asile, bénéficier d’un statut particulier.
Erika Bareight estime qu’"ici, cette situation n’est pas dévoilée". Enfin, les femmes socialistes parlent de "mobilisation contre le sexisme", à travers les outils de l’Éducation nationale que sont la mixité et l’égalité des chances filles-garçons.
Elles soutiennent le projet de campagne médiatique de sensibilisation sur les violences faites aux femmes, actuellement en préparation et montrent du doigt les publicités qui portent atteinte à la dignité féminine. "On n’a pas besoin d’une femme à moitié nue pour vendre une voiture ou un pot de yaourt", note Monique Orphé, alors que sa collègue estime que la publicité doit veiller à respecter une certaine éthique. "Il faut déclarer illégale toute image humiliante et discriminatoire à l’égard des femmes", prône Erika Bareight. Bataille juste mais périlleuse, tant on connaît les enjeux économiques liés à la publicité.

Estéfany


Violence conjugale : 15% à La Réunion, 9% en France

L’Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (ENVEFF) a aussi été menée dans les DOM.
À La Réunion, plus d’une femme sur 5 (21,5%) a subi au moins une forme de violence dans un espace public au cours des 12 derniers mois, soit un peu plus qu’en Métropole (19%). Si les agressions verbales dans l’espace public sont un peu moins fréquentes qu’en Métropole, les harcèlements à caractère sexuel, les agressions physiques et surtout sexuelles dans l’espace public sont plus fréquents, signe d’un espace plus sexiste à La Réunion.
La violence conjugale est un peu plus élevée à La Réunion qu’en Métropole. À La Réunion, l’indice global de violences conjugales s’élève à 15% contre 9% en Métropole. Près de trois femmes réunionnaises sur 10 ont déclaré être victimes d’atteintes psychologiques, dont 9% sont harcelées psychologiquement par leur conjoint (7,7% en Métropole). C’est de loin la forme de violence la plus répandue.
En outre, 3% de femmes ont été victimes d’agressions physiques de la part de leur conjoint au cours de l’année (2,5% en Métropole) et 1,3% de violences sexuelles (0,9% en Métropole). Les parts plus élevées de pressions psychologiques (jalousie du conjoint) et de pratiques sexuelles imposées par le conjoint (viol conjugal et pratiques non désirées) mettent en évidence un rapport homme-femme au sein du couple, à La Réunion, plus marqué en terme de domination et d’imposition de la part des conjoints, plus particulièrement lorsqu’il s’agit d’agressions sexuelles.
Les violences au cours de la vie sont caractérisées par une plus grande proportion d’actes commis par des proches qu’en Métropole.
Depuis leur majorité, 14% des femmes de La Réunion (15% en Métropole) ont été victimes de brutalités physiques. Au cours de leur vie, à La Réunion, 8% dénoncent des violences sexuelles (10% en Métropole).


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