La force des embastillés

29 juin 2007

André Hoarau, ancien Président du Comité des Fêtes de Saint-Pierre, accusé à tort de malversations, d’enrichissement personnel illicite et d’une kyrielle d’autres griefs presque tous imaginaires - qui lui ont valu huit mois de prison en détention provisoire - a exprimé lors de son procès le sentiment de honte laissé par l’« effroyable bavure judiciaire » - pour reprendre les mots de son avocat, Me Rémi Boniface - qu’il vient de traverser.
« Pour le petit peuple, on est des voyous, des voleurs et ça reste collé à notre peau toute notre vie » a-t-il dit.

Il n’y a pas que les “voyous” qui vont en prison, il ne faut pas croire ce que disent les gens, ni regarder le fonctionnement des institutions avec le regard des ravis ou des niais. « Ce qui caractérise le philosophe et le distingue du vulgaire, c’est qu’il n’admet rien sans preuve, qu’il n’acquiesce point à des notions trompeuses et qu’il pose exactement les limites du certain, du probable et du douteux », écrivait Diderot (Lettre à Sophie Voland) en 1762. L’auteur de l’Encyclopédie avait lui aussi été jeté en prison, à Vincennes, treize ans plus tôt, pour avoir écrit la Lettre sur les aveugles. Et parmi ses contemporains, ils sont nombreux à avoir tâté de la prison, à Vincennes ou à la Bastille, pour le seul crime de libre pensée : Voltaire, le chevalier de la Barre, le marquis de Sade... Pour s’en tenir à la période pré-révolutionnaire. Ou plus près de nous : Dostoïevski, Lénine, Emma Goldman, Sophie Scholl (qui fut aussi exécutée, à 21 ans), Jean Genet et combien d’autres ?
Ce mois de juin marque le 43e anniversaire de l’épilogue du procès de Rivonia, en Afrique du Sud (octobre 1963-juin 1964), qui envoya Nelson Mandela en prison pour vingt-sept longues années, d’où il renforça le combat des Sud-Africains qui refusaient l’apartheid, l’injustice et les discriminations.

C’est dans la continuation des actions ou des pensées qui leur ont été reprochées que les embastillés trouvent la force de renvoyer la honte sur les obscurs tâcherons ou monomaniaques qui ont cherché à les accabler.
La honte est à jamais sur ce procureur véreux envoyé depuis au pays des Crétins, et sur ce juge sans scrupule que son ministère a égaré au milieu du plus vaste des océans.

P. David


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