Renforçons la solidarité pour le respect d’un principe de la démocratie

La liberté de la presse ne se brûle pas

15 septembre 2010

Jeudi dernier à Maurice, une personne a brûlé publiquement un exemplaire du journal ’L’Express’ parce qu’il n’a pas apprécié un article. Cet acte est totalement opposé à la liberté d’expression et à l’essence même du débat démocratique. Il ne peut qu’être condamné par tous ceux qui militent pour le respect des principes fondateurs de la démocratie.

C’est un acte extrêmement grave qui a été commis jeudi dernier à Maurice. Parce qu’il ne partage pas le point de vue d’un confrère, un citoyen de l’île sœur a convoqué la presse et a brûlé en public un exemplaire du journal "L’Express".
Un tel comportement n’a pas sa place dans une démocratie, et il ne peut qu’être condamné par tous les démocrates, et en particulier par "Témoignages".
Depuis sa création, "Témoignages" paye le prix de sa lutte pour la liberté d’expression du peuple réunionnais. Il a été saisi 43 fois, et ses directeurs de publication ont été systématiquement poursuivis. Mais ce combat n’est pas vain, car il a permis aux Réunionnais de repousser la fraude électorale, et d’obtenir le respect de l’expression du pluralisme des opinions.
Aujourd’hui, "Témoignages" subit l’ostracisme de la Région qui a décidé de ne plus l’inviter à ses conférences de presse, ce qui rappelle les méthodes employées par le pouvoir dans les années 60.
En France, c’est un autre confrère, "Le Monde", qui est la cible du pouvoir UMP parce qu’il tente de faire la lumière sur une affaire dans laquelle est cité un membre du gouvernement.
C’est un retour en arrière encore plus dramatique qui touche un confrère de Maurice. En effet, en démocratie, les idées se discutent, le débat remplace les coups et les désaccords se confrontent dans l’argumentation. Brûler publiquement un journal pour exprimer son désaccord avec un article va totalement à l’encontre de ces principes. C’est une très grave attaque contre le principe de la liberté de la presse. C’est une négation d’un fondement de toute démocratie, et cela dans le pays le plus proche de La Réunion, avec qui le peuple réunionnais partage des liens historiques, culturels et familiaux.
L’autodafé subi par "L’Express" rappelle que la lutte pour la liberté de la presse est un combat permanent. Un tel acte ne peut que renforcer la détermination et la solidarité de tous ceux qui militent pour le respect de la démocratie.

 Témoignages 


"Jouer avec le feu"

"L’Express" a réagi à cet acte. Voici un article publié par la directrice de publication de notre confrère.

« Arrêtons-nous, d’abord, sur l’image. Prenons acte — avant même d’éclairer le lecteur, s’il le fallait, sur le choix de "L’Express dimanche", condamné au bûcher pour un dossier sur les castes et la politique — de la violence émotionnelle du geste de Somduth Dulthumun. Brûler un journal, fût-il un torchon, c’est nier le droit à la parole, c’est décider que cette opinion-là, ces faits-là, n’ont pas à être dits, c’est, symboliquement, arracher à ses concitoyens la liberté de savoir, de décider, de juger. C’est un acte dont la dangerosité est d’autant plus exacerbée qu’il est le fait d’une figure d’autorité, qui autorise, ainsi, ceux qui le suivent à des comportements agressifs similaires.

Il n’y a pas à chercher loin l’explication de cette violence. Certes, le président de la Fédération des temples hindous n’a jamais fait dans la dentelle ; ses discours sont virulents et ne servent pas toujours l’unité nationale mais, à son crédit, il a souvent décrié les méthodes costaudes de la “Voice of Hindu”. Cette fois, il n’en est pas loin. La montée d’un cran, l’escalade, elle est clairement le résultat de l’environnement de haine à l’égard des médias que cultive et nourrit le Premier ministre lui-même. Par excès de zèle ou pas, le président de la Fédération des temples hindous adopte le langage et le comportement violents de Navin Ramgoolam.

Personne n’est dupe désormais. Navin Ramgoolam essaie de détruire à petits coups la presse indépendante. Après avoir tenté d’asphyxier financièrement "L’Express", de bloquer l’information en faisant régner la terreur chez les fonctionnaires, après avoir réduit la circulation des journaux dans la fonction publique, il tente de miner la crédibilité dont jouit cette presse dans l’opinion. Il saisit toutes les occasions, même les plus inattendues. Au moment de la proclamation des résultats, c’est, ô surprise, la presse qui a les honneurs. Même quand son ministre gaffe et use — à l’évidence puisqu’il s’en dissocie — d’un langage de division, c’est… la presse qui en prend pour son grade.

Cette haine distillée lentement risque d’avoir pour résultat de faire de la presse, dans l’esprit de ceux obligés d’avaler ces discours, l’ennemi public, celui qui dérange l’ordre, qui empêche le pays d’avancer. Celui qui nuit à l’action d’un gouvernement qui ne cherche qu’à travailler, à construire le pays pour le bien de ses gens, “tous” ses gens. C’est un ennemi qu’il faut faire taire, maîtriser. Plus grave, cette stratégie s’accompagne de menaces. Le Premier ministre aura souvent oublié la mesure à laquelle l’oblige son statut pour parler comme l’homme de la rue : « Taler zot pou kone… », « zot ava cesse… », « nou pou okip zot… », des propos qui couvent les pires images de répression. Non seulement les journalistes, opprimés par ces intimidations, risquent d’être empêchés d’exercer correctement leur métier, mais qui sait à quel autre excès de zèle pourraient se livrer demain ces partisans toujours prompts à plaire au maître ?

Mais nous n’en sommes pas là. Leur métier, oui, les journalistes le font avec une conviction intacte. Et c’est parce qu’ils se sont engagés à donner à leur lecteur des clés de compréhension de l’actualité, à donner à expliquer la société dans laquelle il vit que ceux de “L’Express dimanche” ont choisi de traiter la délicate question du vrai pouvoir des castes. Délicate parce que “L’Express” a toujours, selon le souhait de ses fondateurs, évité de parler de ce qui nous divise. “La Sentinelle” de nos aînés a toujours cru que sa mission de faire avancer le pays supposait qu’elle véhicule l’image d’une nation unie. C’est toujours le cas. Mais lorsque la société elle-même, les politiques eux-mêmes portent sur l’estrade ces “réalités” qu’hier nous traitions avec discrétion et prudence, lorsqu’elles occupent une place de plus en plus prépondérante dans le discours politique, n’avons-nous pas la responsabilité de chercher à mesurer quelle est leur importance réelle ?

C’est ce journalisme-là que nous continuerons à faire. Notre seul “agenda” est d’informer, en mesurant chaque fois notre responsabilité, pas de faire ou de défaire les gouvernements. Ce n’est pas nous que le Premier ministre doit craindre. Est-ce un membre de la presse, après tout, qui s’est permis l’arrogance de dire : « C’est nous qui choisissons les vainqueurs des élections. C’est nous qui pouvons faire un parti politique, gagner une élection partielle ou générale. C’est nous qui changeons toutes les données » ? Jamais. Nous n’avons pas ce pouvoir. Cette phrase, prononcée dans une conférence de presse l’année dernière, est de Somduth Dulthumun.

Ariane Cavalot de l’Estrac
Directrice de publication de “L’Express”

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Messages

  • Que dire des actions du maire de Saint Leu qui à fait des tracts avec la photo d’un journaliste parce qu’il n’a pas apprécié un article ? Notre journal ne devrait-il pas être solidaire (des journalistes) là aussi ?

  • parlons des journalistes : un exemple à la réunion, le quotidien fut plus de 15 jours en gréve une fois repris le travail, ses journalistes ont oublié l’acharnement coté patronal à leurs encontres et dés qu’ils le peuvent s’en prennent à une municipalité de gauche st louis ! alors qu’à la réunion il y a plusieurs municipalités de droite qui méritent qu’ont s’y attarde un peu sur leurs gestions mais là le silence ! c’est ça la démocratie ? la liberté d’expression ne doit pas étre sélective, et l’information ne doit pas devenir intoctication ! à force de se mettre aux service de la droite certains journalistes ternicent l’image de la démocratie, leurs travail consiste à informer loyalement, sans parti-pris ce qui n’est pas le cas en ce moment,l’information doit-étre neutre, sans cela nous reverrons malheureusement encore des actes comme celui de Maurice !


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