Après l’expulsion d’un étudiant

La mère d’Ahmed, dialysée, entame une grève de la faim

15 novembre 2004

Après l’expulsion d’Ahmed Mohamed Andhumoudine, un étudiant de 20 ans, un comité de soutien s’est constitué samedi ’pour demander le retour du jeune comorien Ahmed dans son île réunionnaise’. La mère d’Ahmed, dialysée, a décidé d’entamer ce lundi une grève de la faim dans les jardins de la Préfecture.

L’expulsion d’un jeune étudiant, le jour férié du 11 novembre, a créé une forte émotion autour de la famille du jeune homme et dans la communauté comorienne qui s’apprêtait, comme les autres Musulmans de La Réunion, à fêter la sortie du mois de Ramadan. Ce soutien s’est très vite élargi à des associations qui se sont constituées samedi en comité de soutien. Vendredi, une manifestation spontanée a rassemblé plusieurs personnes devant la Préfecture, où le secrétaire général a reçu l’avocat du jeune homme, Me Saïd Larifou. En soirée, le préfet a signé un communiqué dans lequel il affirme que l’étudiant de nationalité comorienne est "en situation manifestement illégale sur le territoire". Le préfet note également que les règles appliquées à ce cas individuel ont été vérifiées "par trois juges différents" : deux juges du tribunal administratif, en procédure de référé le 29 octobre 2004 et lors de l’audience sur le fond le 8 novembre 2004 et "un juge judiciaire en matière de détention administrative le 5 novembre 2004".

"Manque de souplesse et d’humanisme"

Cette justice expéditive et les raisons avancées par l’administration pour considérer "en situation manifestement illégale" un jeune homme vivant sur notre territoire depuis douze ans, confirment "le manque de souplesse et d’humanisme de l’administration" dénoncé par Saïd Larifou, dans un cas qui ne relève nullement d’une intention frauduleuse, selon lui.
"Après plus de dix ans passés sur notre territoire, Ahmed n’est plus expulsable" affirme l’avocat. Comment alors a-t-il pu être expulsé ? "Cela n’a été possible que parce que l’administration française dit avoir un doute sur l’identité du jeune homme", poursuit-il, en observant que l’état civil de Ahmed présenterait des contradictions apparentes, entre documents établis à la Grande Comore et à Mayotte. Me Saïd Larifou explique : "À un moment, quand Ahmed était encore enfant, sa mère n’a pu obtenir de l’état civil de Mayotte - où Ahmed est né - l’extrait d’acte de naissance qu’elle demandait. Tout simplement parce que son père est grand-comorien ! Elle a eu alors un réflexe de mère et a demandé à Moroni le document qu’on lui avait refusé à Mamoudzou". Le père d’Ahmed étant grand-comorien (résident à Mayotte), on a remis à la mère une transcription de la tradition orale disant que l’enfant était le fils de untel, ressortissant de la Grande Comore. Des erreurs de transcription serviraient d’alibi à la Préfecture, qui joue sur du velours, devant l’état de désorganisation et d’approximation des états-civils des pays amis de la région. Elle serait mieux inspirée de mettre rapidement sur pied un programme juridique de co-développement pour la mise en cohérence des actes administratifs, garantissant la libre-circulation des ressortissants de nos îles et autorisant les regroupements familiaux.

Une double démarche

Il est pour le moins suspect, de la part des autorités françaises - dont on sait le rôle qu’elles ont joué il y a près de trente ans dans la partition de l’archipel comorien - de se prévaloir aujourd’hui d’un document approximatif établi à la Grande Comore, pour dénier à un jeune sa double identité de Mahorais et de Réunionnais !
L’avocat de l’étudiant a entrepris dès vendredi une double démarche, saisissant le tribunal de Moroni pour qu’il établisse que l’enfant n’est pas né aux Comores et qu’il annule les actes d’état-civil qui y ont été produits, après le refus de Mayotte. Me Saïd Larifou demande simultanément au procureur de Mayotte de confirmer que l’enfant est bien né dans cette île.
Ces deux requêtes peuvent demander plusieurs mois. Mais dans l’attente, l’avocat soutient que le jeune homme peut revenir à La Réunion, d’où "sa situation est régularisable puisqu’il est arrivé ici à l’âge de 8 ans et a suivi une scolarité normale". Il préparait, lors de son expulsion, un diplôme universitaire de topographie.

Des soutiens

Qu’il revienne vite : C’est ce que souhaite la mère d’Ahmed, Roukia Anivo, 50 ans, dont le suivi médical a été interrompu toute la semaine dernière. Bien que sous dialyse, la mère du jeune homme veut débuter une grève de la faim dès ce matin, devant la Préfecture. Elle sera accompagnée du Comité de soutien* constitué samedi "pour demander le retour du jeune Comorien Ahmed dans son île réunionnaise". Ce comité envisage "une série d’actions fortes - pétitions, affiches dans les établissements scolaires, rencontres sur le parvis des Droits de l’Homme et manifestations devant la Préfecture" informe Monique Couderc, membre du comité et par ailleurs membre de l’UFR et de la CGTR.
Après avoir été expulsé vers la Grande Comore où il ne connaît personne, Ahmed pourrait être expulsé par les autorités de Moroni, pour défaut de papier d’identité comorien. Selon des témoins, les policiers français qui l’ont conduit à l’aéroport jeudi se sont opposés à ce que sa famille lui donne plus de 20 euros. "Cela suffit bien !" auraient-ils dit. Ahmed est donc aujourd’hui dans une île où il ne connaît personne - son père vit à Mayotte - dont il ne connaît pas la langue, avec très peu d’argent en poche. Sa famille de La Réunion n’a plus de nouvelle depuis vendredi.

P. David

* Le Comité de soutien est constitué de plusieurs associations. Pour tout contact, appeler Monique Couderc (0692.068.952) ou Mohamed (0692.881.710).


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