L’abolition de la pauvreté, condition nécessaire à la démocratie -2-

La pauvreté pousse « à prendre des décisions impulsives, instinctives et moins rationnelles »

4 juin 2022

Shin Suzuki de BBC News Brésil a publié un article relatif à une conséquence de la pauvreté : « Argent et comportement : comment le manque d’argent nuit à l’intelligence et affecte les décisions ». Cet article se base sur les résultats de plusieurs études scientifiques. Sa première partie publiée hier dans « Témoignages » montrait que la pauvreté ne donnait aucun droit à l’erreur, ce qui accapare le cerveau qui est moins disponible pour réfléchir à la prise de décision. La seconde partie explique que la pauvreté amène une tension si importante que cela favorise les décisions impulsives qui peuvent paraître irrationnelles.

Photo Toniox.

La pauvreté et l’endettement sont constamment attribués au manque de responsabilité financière et de discipline en matière d’épargne.
Des coachs financiers influents et même le ministre de l’économie (du Brésil - NDLR) s’en font l’écho. Dans une interview accordée au journal Folha de S. Paulo, Paulo Guedes explique que « les riches capitalisent leurs ressources. Les pauvres consomment tout ».
En 2019, une enquête menée par la Confédération nationale des directeurs de magasins (CNDL) et le Service de protection du crédit (SPC Brasil) indique que 67 % des consommateurs brésiliens sont incapables d’épargner quoi que ce soit de ce qu’ils gagnent.
Sur ce total, 40 % ont justifié que leur très faible revenu ne leur permettait pas d’épargner.

« Le cerveau va faire un faux pas à un moment donné »

Mais beaucoup peuvent se demander : où intervient l’effort individuel, la responsabilité personnelle, pour sortir de la pauvreté ?
« La responsabilité personnelle est importante. Mais cela ne suffit pas si le contexte joue en votre défaveur », dit Shafir.
« Nous donnons toujours l’exemple des pilotes de ligne. Si le cockpit est bien conçu, bien construit, et que le pilote est responsable et a une bonne connaissance du métier, le pilotage se passera bien. S’il y a des problèmes structurels dans le cockpit, des pilotes très capables et responsables peuvent faire tomber un avion. »
Le spécialiste du comportement affirme que les personnes à faible revenu développent effectivement une sagesse de survie contre les conditions défavorables. « Mais ce n’est qu’une question de temps, de malchance ou de circonstances avant que la chute ne se reproduise. Le cerveau va faire un faux pas à un moment donné ».

Décisions impulsives

Flavia Ávila, experte en économie comportementale et fondatrice de la société de conseil InBehavior Lab, affirme que « l’un des points essentiels de la pauvreté est qu’en période de pénurie, qu’il s’agisse d’argent ou de temps, on a tendance à prendre des décisions impulsives, instinctives et moins rationnelles dans l’ensemble ».
« On disait autrefois que le pauvre manquait d’informations. Mais je dis que l’information seule ne suffit pas à générer l’action. Si c’était le cas, tout le monde serait millionnaire. Nous avons trop d’informations. L’information génère rarement un changement de comportement ».
Ávila cite le prix Nobel Daniel Kahneman, auteur de Fast and Slow : Two Ways of Thinking (Editora Objetiva, 2011), qui a popularisé un modèle de prise de décision dans lequel les situations de pénurie conduisent à des jugements hâtifs – et finalement à de mauvaises décisions.
Elle précise que le modèle est une simplification d’un processus cérébral plus complexe, mais explique que « dans le système 1, il y a l’idée d’une prise de décision plus instinctive et dans le système 2, une prise de décision plus lente et plus réfléchie. Lorsque vous êtes dans une situation de pénurie, dans 95 % des cas, il s’agit du type de système 1. »

(à suivre)

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