L’association “Ni putes, ni soumises” représentée à La Réunion

’La violence est un fléau aussi grave que le chik’

12 octobre 2006

Depuis 2003, une poignée de jeunes, femmes et hommes, se sont mobilisés contre la violence qui touche les femmes dans les banlieues. Le mouvement “Ni putes, ni soumises” de la région parisienne a gagné tout le territoire métropolitain. Et depuis 4 mois, La Réunion a aussi ses “Ni putes, ni soumises”. Rencontre avec Sofiya Laroche, Présidente du comité 974, Daniella Maillot, et Stéphanie Laure.

“Ni putes, ni soumises” qu’est-ce que c’est ?

- L’association “Ni putes, ni soumises” est née d’une histoire forte. Sohanne, 19 ans, a été assassinée par son ex-petit ami, parce qu’on jugeait qu’elle avait adopté une vie trop occidentale. “Ni putes, ni soumises” a donc décidé de lutter contre l’enfermement dont sont victimes les filles de banlieues. L’objectif du comité est d’écouter, de dialoguer, de soutenir et d’orienter.

Comment s’est créée la représentation locale de l’association ?

- C’est Sofiya qui a eu l’idée de créer le comité 974. Elle a vécu son adolescence en banlieue parisienne. Elle a très vite été sensibilisée à la vie des banlieues, aux problèmes que rencontrent les jeunes filles des banlieues, notamment le déchirement entre les coutumes et la modernité. En s’installant à La Réunion, elle a aussi été sensibilisée à la place de la femme dans la société réunionnaise. La Réunion est loin du bruit et de la fureur des grandes villes. On vante souvent son brassage culturel, ses paysages, bref on en donne une image de carte postale. Mais la réalité n’est pas si rose, on l’a bien vu avec le chikungunya. Et il n’y a pas que le chikungunya. La violence qui touche les femmes est aussi une plaie et mérite qu’on s’en préoccupe autant que le chik. Sofiya a donc pris contact avec Fabela Amara, la Présidente du mouvement “Ni putes, ni soumises”, par le biais de Safia Lebdi et Sihem Hadchi, très proches de la présidente, pour créer le comité 974.

En Métropole, l’association “Ni putes, ni soumises” a marqué rapidement les esprits, avec des actions fortes (pétition nationale, marche dans toute l’Hexagone, etc...). Est-ce que l’antenne locale de l’association prévoit aussi de se faire “remarquer” ?

- On a d’abord hésité à garder le nom “Ni putes, ni soumises” pour le comité parce qu’on avait peur d’effrayer le public. Mais on espère marquer la société réunionnaise autant que le fait le mouvement métropolitain. Nous voulons parler du respect de l’autre et de soi-même, des problèmes d’exclusion, des formes de tolérance, du harcèlement, du racket, du viol, de l’IVG... Encourager le dialogue, en parler, c’est déjà prendre conscience des problèmes avant d’y apporter des solutions. Le comité 974 peut aussi contribuer à ouvrir le débat sur la laïcité avec les jeunes filles concernées, les religieux, les écoles. À La Réunion, certains lycées acceptent en effet que les jeunes filles portent le voile dans les salles de cours. Le comité 974 peut être l’un des comités de “Ni putes, ni soumises” à donner une autre idée de la tolérance au sujet du voile.

“Ni putes, ni soumises”, c’est une association de jeunes femmes et de jeunes hommes. C’est un peu une nouveauté à La Réunion. Pensez-vous pouvoir mobiliser la jeunesse réunionnaise au problème du statut de la femme dans notre société ?

- Notre plus jeune adhérente à effectivement 15 ans et la plus âgée 40 ans. Aujourd’hui, il faut interpeller les jeunes, faire comprendre que la violence n’est pas un moyen d’expression et que ce n’est pas comme ça qu’ils trouveront leur place dans la société. Il faut aller au-delà de la transmission du savoir dans l’éducation. Le reste, les valeurs comme le respect, la tolérance, ce n’est pas pour la forme. La société continue à valoriser la violence, prenons pour exemple le geste de Zidane, comme elle continue à prôner la valorisation de l’individu par l’objet (belle voiture, vêtements de marque, etc...). Les jeunes sont très sensibles à ces valeurs véhiculées. Nous voulons sensibiliser les jeunes à l’aide d’ateliers de prévention, à commencer avec le lycée du Butor, et prochainement nous voulons organiser un concert avec la participation d’artistes locaux et notamment Atep. Une façon de casser l’assimilation du rap à la violence.

Pensez-vous que le problème du statut de la femme se pose de la même façon en Métropole qu’à La Réunion ?

- La femme est considérée comme inférieure à l’homme à La Réunion. Dans la famille, le garçon est souvent le plus chouchouté. Il faut faire évoluer les mentalités, montrer qu’il n’y a pas de honte à avoir des filles. Cette discrimination est identique en métropole. Mais ici, nous sommes dans une société “matriarcale”. C’est la femme qui s’occupe de l’organisation de la vie familiale. Les hommes doivent arriver à prendre leur place dans la famille, qui est le noyau de la société, et aussi apprendre à s’exprimer autrement que par la violence contre les autres, et contre lui-même. Certains décident de se suicider après s’être attaqué à leurs femmes. Nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère pour les femmes réunionnaises, puisque de plus en plus, elles sont femme, maman, travailleuse, voire patronne. Il faut encourager cette évolution.

Devenir adhérent de “Ni putes, ni soumises”, c’est...?

- Aider à préparer les banderoles et les affiches, participer aux actions de préventions, à la recherche d’un local pour le comité puisque nous n’en avons pas encore, et surtout chaque adhérent s’engage à être à l’écoute des autres et à respecter l’autre dans la vie quotidienne.
Pour l’instant, nous sommes une dizaine et nous travaillons à la création du site Internet du comité 974.

Propos recueillis par Edith Poulbassia

Contact du comité 974 : [email protected]


“Ni putes, ni soumises”, un mouvement mixte et populaire

L’association est née de la “Marche des femmes contre les ghettos et pour l’égalité” qui a eu lieu du 1er février au 8 mars 2003 à travers la France. La Marche est partie symboliquement de Vitry-sur-Seine où Sohanne est brûlé vive dans un local à poubelles de la cité Balzac. Pendant 5 semaines, dans 23 villes étapes de France, 5 filles et 2 garçons issus des quartiers ont alerté l’opinion et les pouvoirs publics sur la condition des femmes victimes de la loi et de la cité. Le mouvement a ainsi été reçu par le Premier ministre, et la Marche s’est achevée à Paris par une manifestation rassemblant 30.000 personnes, à l’occasion de la Journée internationale des Femmes.
L’association est soutenue bénévolement par des avocats et des psychologues pour répondre aux jeunes filles et aux femmes en rupture familiale. L’adhésion de la population aux idées de “Ni putes, ni soumises” s’est exprimée à travers les 65.000 signatures de la pétition nationale et la création de plus de 60 comités. “Ni putes, ni soumises” veut promouvoir un nouveau féminisme basé sur la mixité, le respect, la laïcité, l’égalité des sexes et lutter contre toutes les formes de discrimination qu’elle soit ethnique, religieuse ou sexuelle.


Un rapport de l’ONU tire la sonnette d’alarme

Dans un article publié dans “Le Monde” intitulé “La violence faite aux femmes est un fléau mondial”, des chiffres accablants sont repris d’un rapport de l’ONU, résultat d’une enquête menée dans 71 pays. Ainsi, une femme sur trois en moyenne souffre de violence physique, et entre 40% et 70% des femmes assassinées le sont par leur mari ou leur petit ami en Australie, au Canada, en Israël, en Afrique du Sud et aux États-Unis. En Colombie, tous les 6 jours en moyenne, une femme est tuée par son partenaire ou son ex-partenaire ! Les femmes sont aussi victimes d’enlèvement, de viol et d’assassinat, notamment à Ciudad Jaurez, dans le Nord du Mexique. Le rapport pointe aussi du doigt les mutilations génitales subies par 130 millions de filles à travers le monde. Les femmes sont aussi les plus vulnérables dans les situations de guerre. D’après une estimation de l’ONU, entre 250.000 et 500.000 femmes ont été violées en 1994 au Rwanda.
Pour combattre ce "fléau mondial", l’ONU préconise l’implication des organisation de femmes et de la société civile dans l’élaboration de la loi, la meilleure arme étant l’engagement politique.


La violence faite aux femmes : un mal universel

Tous les 2 jours en France, une femme meurt sous les coups de son conjoint. Trompeur, ce chiffre ne prend pas en compte toutes les autres. Car dans notre pays "développé", une femme sur quatre est victime de violences physique ou sexuelle.
La France se situe en fait dans la (triste) moyenne mondiale. Pas très brillant... En effet, selon une étude de l’OMS, près d’un quart de la population féminine mondiale subit des actes de violence. Bangladesh, Brésil, Ethiopie, Japon, Namibie, Pérou, Samoa, Serbie, Thaïlande, Tanzanie ont fait l’objet de ce travail.
Si l’incidence est légèrement plus élevée dans les pays en développement - Bangladesh, Ethiopie et Pérou notamment -, la violence est bel et bien un fait universel. Notamment dans les zones rurales. Ce travail montre aussi le caractère extrêmement grave des violences infligées. Les auteurs parlent "de violences sévères et fréquentes". Et nulle n’est à l’abri. Car toutes les catégories sociales, de l’ouvrier agricole aux politiques ou aux (très) hauts fonctionnaires, sont concernées.

(Source : The Lancet)


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