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Conférence-débat sur “l’image des femmes dans les médias”
26 novembre 2005
Jeudi soir à Saint-Denis, la journaliste et écrivain Sylvie Debras a animé une conférence-débat à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre les violences faites aux femmes et de la “Marche blanche” organisée demain dans les rues de Saint-Denis en solidarité avec les victimes de ce fléau. Elle a démontré que les médias, à La Réunion comme dans le monde entier, participent à ces violences. Une invitation à une sérieuse remise en cause.
Plusieurs dizaines de personnes ont participé jeudi soir à une conférence-débat organisée à la mairie de Saint-Denis, à l’invitation d’associations féministes et en présence de Frédérique Lebon, déléguée régionale au droit des femmes. Cette conférence était animée par Sylvie Debras, journaliste, militante de la cause des femmes et auteur de plusieurs ouvrages sur “les médias et les femmes”, qui était le thème de cette rencontre.
D’emblée, la conférencière souligne "le paradoxe" de la plupart des médias (radios, télévisions, journaux et autres publications) : "d’un côté, ils affirment avec raison que les violences faites aux femmes sont inacceptables, mais de l’autre ils ont un comportement très violent à l’égard des femmes".
"Violences médiatiques ordinaires"
Et de citer d’abord de très nombreux exemples de ce qu’elle appelle "les violences médiatiques ordinaires" : premièrement, ce qui intéresse les femmes - en priorité la santé et l’éducation - n’intéresse pas les médias. Ainsi, note Sylvie Debras, "lorsque je suis arrivée à La Réunion, le 14 novembre dernier, ni dans “le Quotidien” ni dans “le JIR”, il n’y avait de page santé, ni d’articles sur l’éducation. Par contre, dans “le Quotidien” il y avait 18 pages de sports et 4 pages de tiercé, mais pas une seule image de femmes. Et dans “le JIR”, il y avait 16 pages de sports et 6 pages de tiercé, avec seulement 2 photos de femmes dans les pages sports-monde".
D’une manière générale, poursuit-elle, "les sujets intéressant les femmes ne font jamais la “une” des médias ; ce qui est mis le plus souvent en avant, c’est le pouvoir de l’homme qui gagne : dans le sport, dans l’économie, dans la politique, etc...". (1)
Autre “violence médiatique ordinaire” pointée du doigt par la journaliste : "l’avis des femmes n’a pas d’intérêt dans les médias". Parmi plusieurs exemples, elle cite une enquête du “Quotidien” sur le retour de l’uniforme dans une école, où peu de femmes et de filles sont interrogées à ce sujet... "Très souvent, dit-elle, les femmes ne sont pas nommées dans les médias, même quand elles font quelque chose d’intéressant". Par exemple, “le JIR” du 19 novembre, publie un article sur le prix de la vocation scientifique et technique attribué à 7 jeunes filles, mais aucune d’elles n’est nommée. Dans le même journal, on peut voir les photos de 210 hommes et de seulement 57 femmes, mais celles-ci sont rarement identifiées.
"Une forme de mépris"
On retrouve ces discriminations dans la presse en France et dans le monde. "En moyenne, sur 6 personnes dont parlent les médias, seulement une est une femme. Et souvent les femmes sont anonymes, ou alors on cite seulement leur prénom, ce qui est une forme de mépris". Ainsi, le 23 novembre, “le JIR” a publié un article sur la “Marche blanche” de demain à Saint-Denis, illustré par une photo de 4 femmes, mais une seule d’entre elles est identifiée.
Autre exemple : à l’occasion du Grand raid 2004, “le Quotidien” a publié 30 portraits de champions, mais seulement 3 portraits de championnes. Quant au “JIR”, il a publié 12 articles sur 12 favoris hommes mais un seul article pour 3 favorites.
"D’ailleurs, lorsque les journaux parlent des sportives, c’est surtout pour s’intéresser à leur corps. Il en va de même pour les artistes. Le 7 novembre, France Inter a présenté une chanteuse en disant qu’“elle a de magnifiques yeux verts”. Bref, on ramène toujours les femmes à leur corps, à des êtres sans cerveau".
Dans cette même logique, "les fantasmes sexuels envahissent l’espace public sous forme de publicité". Et de citer cette pub d’Orange où l’on voit une femme entourée de deux hommes avec cette légende : "essayez avant de vous engager".
Pour Sylvie Debras, souvent les femmes sont stigmatisées comme dans les agressions racistes. "Elles sont présentées comme dangereuses, voulant prendre le pouvoir et le travail des hommes". Ainsi, à l’occasion de la Journée de la femme, “Visu” a même poussé le cynisme à écrire en gros titres en “une”, avec photos à l’appui : "Elles frappent, volent et tuent aussi", et en pages intérieures : "La femme combat la violence par la violence". Cette généralisation est particulièrement violente, souligne la conférencière.
Les violences contre les jeunes filles
Dans une seconde partie, Sylvie Debras a dressé un inventaire très détaillé et accablant sur les violences dans les médias proposés aux jeunes filles. Le plus souvent, ceux-ci incitent les filles à ne s’intéresser qu’à leur corps et à leur sexe. Ils encouragent les adolescentes à cultiver leur image de séductrice.
"Ils en font des poupées, des objets sexuels, dit-elle. Les publicités sont provocantes, elles poussent à la sexualisation précoce des petites filles et augmentent le risque d’en faire des enfants proies. On réduit les filles à leur corps en les poussant à imiter les modèles jusqu’à l’anorexie. Il n’y a pas de construction personnelle en dehors du regard des autres ; seul compte le paraître car les jeunes filles doivent à tout prix se conformer à une apparence, quitte à métamorphoser leur corps survalorisé".
Pour Sylvie Debras, pas étonnant dans ces conditions, qu’en France, 20% des femmes âgées de 20 à 24 ans se soient déclarées victimes de violences lors d’une enquête. À La Réunion, ce chiffre serait de 30%.
L’horreur des faits divers
La troisième partie de l’exposé fut encore plus pénible à entendre. Sylvie Debras a démontré, à travers de nombreux articles parus dans la presse réunionnaise et métropolitaine, que "le traitement des faits divers légitime la société telle qu’elle est. D’une manière générale, les titres et les textes de ces articles minimisent la gravité des violences contre les femmes. Pire encore : ils culpabilisent les victimes et déculpabilisent les auteurs des agressions".
Ainsi, les journalistes justifient la domination des hommes. Ils font passer l’idée qu’une femme victime de violence ne doit pas porter plainte. Ils font de l’infidélité conjugale de la femme une circonstance atténuante de son meurtre par son conjoint. Que de fois, on trouve des titres du genre : "Il a tué sa femme par amour" et l’on présente le départ du domicile conjugal par une femme battue, comme la faute suprême.
"On prétend que c’est l’amour qui tue, ou la jalousie, mais pas la violence", déclare Sylvie Debras, en citant “Visu” qui est allé jusqu’à proposer à ses lecteurs le test suivant : "Seriez-vous capable de tuer par amour ?" Toujours dans les faits divers, la violence sexuelle est déculpabilisée : à propos de viols, on parle de "jeux interdits", de "trop d’affection", de "mains baladeuses", etc... C’est l’horreur.
Le combat pour l’égalité
Et la conférencière de conclure : "nous les journalistes, nous faisons tous des bêtises, mais n’avons pas toujours conscience de ce que nous écrivons ou de ce que nous disons. Nous sommes animés par des réflexes qui font que nous banalisons la violence, même si nous disons par ailleurs que ce n’est pas bien".
Répondant à une question de “Témoignages”, Sylvie Debras devait ajouter : "les médias sont le reflet de la société ; ils reflètent donc les violences sociales, dont celles commises contre les femmes, et semblent les légitimer par des circonstances atténuantes". Voilà pourquoi le combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes et pour le respect mutuel doit être mené sans relâche. Ce sera le message essentiel de la “Marche blanche”, ce dimanche, dans les rues de Saint-Denis.
L. B.
(1) “Témoignages” ne fut pas cité dans les enquêtes réalisées par Sylvie Debras. Mais bien que notre journal ait épousé la cause des femmes depuis sa fondation, il n’est certainement pas exempt de reproches quant à des comportements et des écrits machistes et sexistes. Nous comptons sur nos lectrices et nos lecteurs pour nous aider à mettre nos actes davantage en conformité avec nos paroles.
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