Le nom de la « Fille de l’Inde » révélé

8 janvier 2013, par Céline Tabou

Badri Singh Pandey, père de Jyoti Singh Pandey, a dévoilé l’identité de sa fille afin que « le monde sache sa véritable identité. (...) La révélation de son nom donnera du courage aux femmes qui ont survécu à ce type d’agression ».

Agressée et violée en réunion dans un bus le 16 décembre, Jyoti Singh Pandey, étudiante de 23 ans en kinésithérapie, a ouvert un débat national sur les violences faites aux femmes en Inde. La jeune femme est décédée le 28 décembre dans un hôpital de Singapour, son portrait ne sera pas publié à la demande de la famille, qui se dit favorable à ce qu’une loi porte son nom.

Polémique autour de cette révélation

Dans une interview accordée au quotidien dominical britannique “The Sunday People”, Badri Singh Pandey a expliqué que sa fille n’avait « rien fait de mal, elle est morte pour avoir voulu se protéger. Je suis fier d’elle ». Cette déclaration intervient alors que le procès des accusés du viol collectif de sa fille se tient à huis clos. Le père de l’étudiante a indiqué à la presse indienne qu’il souhaitait que les auteurs de l’agression soient condamnés à la pendaison et qu’une nouvelle loi sur les crimes sexuels porte le nom de sa fille.

Au lendemain de cette annonce, le père de la victime a nié, dans le quotidien “Hindustan Times”, avoir autorité le quotidien britannique à révéler le nom de sa fille et a assuré qu’il souhaite seulement que le nom de sa fille soit utilisé pour baptiser une nouvelle loi punissant plus sévèrement les violences faites aux femmes.

Révéler ou non les identités

Cette annonce a lancé un débat sur la divulgation de l’identité des victimes d’agression sexuelle. En Inde, la révélation de l’identité est interdite afin de protéger leur vie privée. Des voix se sont élevées, comme le ministre du Développement des ressources humaines, Shashi Tharoor, qui a suggéré une modification de la législation en matière de viol et souhaité que le nom des victimes soit révélé.

L’un des magistrats chargés du dossier, Rajiv Mohan, a indiqué que la Police et le Parquet n’allaient pas révéler l’identité de la victime, dont les cendres ont été dispersées dans les eaux du Gange, le fleuve sacré des hindous. « Même si la famille a donné son feu vert, nous ne sommes pas en droit de le faire », a expliqué ce dernier, en citant l’article 228 alinéa A du Code pénal indien. Selon des experts juridiques consultés par “Reuters”, les médias indiens craignent d’éventuelles poursuites et refusent de publier l’identité d’une victime alors que des publications étrangères font le choix inverse, comme l’agence de presse “Reuters”.

Un procès à huis clos

Six hommes, dont un mineur âgé de 17 ans, ont été arrêtés dans le cadre de l’enquête. Ces derniers ont été formellement inculpés de viol et de meurtre, le mineur sera jugé par un tribunal pour enfants, bien que de nombreux manifestants demandent qu’il soit jugé aux côtés des cinq autres hommes. Les magistrats ont fait savoir que l’ADN du sang de la jeune femme correspondait à celui recueilli sur les vêtements des suspects. L’un d’eux aurait tenté de brûler ses habits pour faire disparaître les traces d’ADN. Mais la justice a annoncé qu’elle disposait de preuves médico-légales de leur implication dans ce crime qui a révolté l’Inde.

Les cinq hommes pourraient être condamnés à mort s’ils sont reconnus coupables. Le procès s’est tenu à huis clos en raison de l’agitation devant le tribunal, où plusieurs centaines de personnes se sont réunies pour dénoncer cette agression. Les cinq hommes devraient également être accusés de l’agression du petit ami de la victime qui s’est exprimé dans des entretiens à l’“AFP” et à une chaîne de télévision indienne, indiquant son « impuissance à sauver la jeune femme face à la cruauté de ses agresseurs ». Ce dernier a également dénoncé le temps perdu par la Police et l’indifférence des passants alors que le couple gisait en sang sur la route.

Les Nations unies souhaitent de profonds changements

Face à l’ampleur de la contestation, les Nations unies, par la voix de Navi Pillay, Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme, a fait part de son « profond chagrin » face à ce « crime terrible ». Cette dernière demande aux autorités indiennes l’organisation d’un « débat d’urgence » pour prendre des décisions pour lutter contre ce phénomène qui touche des femmes de toutes les classes et castes, et qui requiert des solutions nationales.

Au-delà des violences faites aux femmes, l’ONU rappelle que les enfants sont aussi souvent victimes de viol. « Il est maintenant temps que l’Inde renforce son régime juridique contre le viol », a pointé du doigt la Haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, avant de rappeler dans son communiqué un autre fait divers tragique : « En octobre, une jeune fille de 16 ans, Dalit (communément appelée "intouchable" - NDLR), s’est suicidée par immolation après avoir été violée dans l’Haryana, un État où un niveau alarmant de violences sexuelles a été signalé ». Les autorités indiennes n’auront d’autre choix que de réformer leur système juridique, tant la pression des Indiens est forte, autant que celle de la communauté internationale.

Céline Tabou

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