Ezidine menacé d’expulsion vers les Comores

Le Tribunal administratif lui donne gain de cause

4 septembre 2007

La Préfecture pensait conduire hier Ezedine à l’aéroport avec un aller simple pour Moroni, mais c’était sans compter sur la célérité de son avocate qui a obtenu le précieux papier manquant au dossier du jeune homme : le certificat de nationalité de son fils de deux ans, né à La Réunion de mère française. Si on ne peut même plus compter sur les lenteurs administratives pour remplir ses quotas !

Bien avant l’expiration de son titre de séjour, Ezedine s’est rendu à la Préfecture pour déclarer son changement de situation, la naissance de son fils de 2 ans, reconnu en 2006. Les autorités lui demandent de reconstituer un dossier et d’y joindre le certificat de nationalité française de son enfant.

« C’est une précipitation inutile »

Durant 4 ans, comme le précise le jeune homme, il a toujours été en situation régulière, a toujours suivi les instructions officielles s’en y déroger. Seulement, il est une chose qu’il ne maîtrise pas, comme chacun d’entre nous, ce sont les délais administratifs. Le fameux certificat tardant, il sollicite une dérogation à la Préfecture, le temps pour lui de compléter son dossier, déjà en Préfecture, avec ce seul document manquant. En retour, il obtient un arrêté préfectoral d’expulsion du territoire suivi mercredi dernier de la visite courtoise des forces de police qui le placent en garde-à-vue, puis en centre de rétention administrative. Son avocate, Maître Linda Leemowsin, obtient une libération à domicile, dépose un recours auprès du Tribunal administratif et s’attelle surtout à débloquer la délivrance du certificat de nationalité, à la base, simple formalité. Elle y est finalement parvenue en 24 heures, non sans mal. Hier, 15 heures 30, le Tribunal administratif a finalement donné gain de cause à Ezedine, sur le fil. « Ils se sont précipités et, comme je l’ai dit, c’est une précipitation inutile, confie le jeune homme au sortir du Tribunal. Mon fils est né en France, sa mère est française, c’est inscrit dans le livret de famille et tous les autres documents officiels. Il n’y a pas matière à dire que ce n’est pas mon fils, c’est acté par la mairie. A moins que ce document n’ait pas de valeur ! ». Posé, Ezedine n’en est pas moins marqué par cette semaine, des plus éprouvantes, passées aux côtés de son fils avec la crainte d’en être séparé. Il a le sentiment qu’on s’est acharné sur lui, qu’on l’a classé dans la catégorie opportuniste non désiré sur le sol français.

« On ne se rend pas compte que l’on brise des familles, des vies »

« Je suis venu suivre mes études à La Réunion car c’est proche de chez moi et donc plus accessible financièrement pour y retourner, car c’est quand même le but. La Réunion, de par sa mixité culturelle, m’est apparue aussi comme un pays plus indulgent, confie le jeune homme qui, malgré sa péripétie, n’en démord pas. Enfin, parce que l’Université de La Réunion est l’une des plus difficiles, c’était donc un défi que je me lançais ». Après une année de Lettres suivie d’une autre de Droits, sa passion première pour la photographie et les techniques de l’image l’ont rattrapé. « A défaut de documents officiels, je n’ai pu m’inscrire cette année dans les temps à la Faculté, déplore-t-il. C’est une année de gâchée que je vais quand même passée avec mon fils. J’ai déjà déposé des demandes à l’ILOI qui ne m’a pas répondu, sinon je m’inscrirai à l’Ecole des Beaux Arts. Depuis tout petit, je suis passionné d’images, j’ai remporté le premier Prix d’un concours de BD, fait des dessins d’arts, j’ai aussi couvert les Jeux de l’Océan Indien et dernièrement, présenté une exposition à la Faculté qui a plutôt bien marché. Cette mésaventure m’a donné encore plus d’énergie pour me consacrer à fond à ma passion et réussir ». A double tranchant, elle lui a donné aussi l’envie de s’investir aux côtés de personnes qui, comme lui, seraient victimes de décisions hâtives de la part des autorités. « Pour moi, ça se termine bien grâce à mon avocate, mais je ne peux m’empêcher de penser à tous les autres. On ne se rend pas compte que l’on brise des familles, des vies ».

Stéphanie Longeras


Expulsions

« On est légèrement en dessous » de l’objectif de 25.000 reconduites, indique le Ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale, Brice Hortefeux.

Le ministre de l’Immigration raisonne comme un chef d’entreprise... il ne pense qu’aux chiffres. Pour lui, il faut du rendement. Faire du chiffre, et peu importe la méthode. Les services de police sont lâchés. Mais sous les chiffres évoqués, se cache le sort de milliers de clandestins qui sont venus en France pour fuir la misère de leur pays. Il est plus rassurant de ne citer qu’un nombre : 25.000. Pourtant, il s’agit d’hommes et de femmes.

Brice Hortefeux a ainsi déclaré mardi 21 août que le nombre d’expulsions d’étrangers en situation irrégulière était pour l’heure « légèrement en dessous » de l’objectif de 25.000 reconduites fixées pour l’année 2007. « En tendance, on est légèrement en dessous », a-t-il déclaré lors d’une rencontre avec les journalistes à la Préfecture de Police de Paris. Le ministre n’a pas souhaité citer de chiffres.
Il a ajouté qu’il fallait « redoubler d’efforts pour les interpellations ». Il a demandé à ses services de mettre l’accent sur le travail illégal. Le ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Co-développement a précisé que le nombre précis de personnes reconduites à la frontière serait publié à la fin de l’année.

Pas de solution miracle

SOS-Racisme a exprimé mardi « son inquiétude » face à ces déclarations, estimant que Brice Hortefeux « risque de favoriser les bavures et les atteintes au droit des personnes ». Dans un communiqué, l’association déclare que « le ministre nuit gravement à la cohésion sociale en favorisant les contrôles d’identité au faciès ». SOS-Racisme rappelle notamment le cas du petit Ivan, hospitalisé après avoir tenté d’échapper à la police.
« Nous demandons à Brice Hortefeux de mesurer la gravité de ses propos et de la manière dont ceux-ci sont mis en pratique », demande l’association, qui souligne que « les interpellations et les expulsions ne s’avèrent pas être “la solution miracle” pour résoudre les problèmes liés à l’immigration ».


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