Sans papiers

Le tribunal invité à entériner l’expulsion de deux jeunes Malgaches

24 février 2005

La situation de deux jeunes femmes “sans papiers”, toutes deux originaires de Madagascar, a été évoquée hier matin au Tribunal administratif. Il se passe rarement une semaine sans un nouveau lot d’affaires de “sans papiers”.

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Des affaires qui donnent le sentiment que l’administration gère l’innommable à la petite semaine en appliquant dans sa rigueur une loi inadaptée au contexte de nos îles et des liens familiaux qui se sont tissés au cours de l’Histoire.
Faute d’une politique d’immigration définie dans la transparence et en partenariat, les histoires singulières - surtout dès lors qu’elles sont d’origine malgache ou comorienne - sont passées au crible d’une grille de lecture d’un juridisme monstrueux et froid.
Les histoires respectives de deux jeunes femmes d’origine malgache ont ainsi été décortiquées par le commissaire du gouvernement, qui dans les deux cas a demandé le rejet de leur requête. Marie-Naoisa Zaranony a introduit depuis l’année dernière un recours contre sa reconduite à la frontière, faisant suite à un premier recours contre le rejet, par le préfet, en juin 2004, de sa demande de titre de séjour. Elle a également fait une demande de certificat de nationalité française. Mariée à Madagascar, elle est actuellement en contrat de qualification, dans le cadre d’une formation en alternance.
Le commissaire du gouvernement a estimé que les éléments d’enquête en sa possession ne placent pas la requête de la jeune femme dans le cadre de l’article 15 de l’ordonnance de 1945, ouvrant droit à la délivrance d’une carte de résident. Il a demandé au tribunal de rejeter la requête de la jeune femme.
La décision est mise en délibéré jusqu’au 30 mars. Si à cette date le tribunal suit les conclusions du commissaire du gouvernement, la jeune femme pourra rester à La Réunion jusqu’à la fin de ses examens, conformément à l’engagement pris entre les deux parties il y a quelques mois. Si au contraire le tribunal annule la décision de reconduite à la frontière, cet engagement deviendrait caduc et la jeune femme ne serait plus obligée de repartir fin juillet 2005.
La seconde histoire est celle d’une jeune femme malgache, Sidonie Day, épouse Lopez, mariée depuis 2001 à un Français de trente ans son aîné, et dont la demande de renouvellement d’un titre de séjour lui est refusée pour la deuxième fois, à la suite d’une enquête de police qui a conclu à "l’absence de vie commune des deux époux". La jeune femme conteste ces conclusions et a fait plusieurs passages entre Madagascar et La Réunion, entre 2001 et 2004. Mais là encore, le commissaire du gouvernement a conclu au rejet de la requête et le tribunal rendra sa délibération le 30 mars.
L’impression laissée par ces histoires mises à nu sans ménagement, sans pudeur, ces parcours comoriens ou malgaches examinés à la loupe, comme pour mieux en relever les moindres failles, laissent un goût de déroute de l’humanité.
Il serait grand temps que des citoyens, des associations - avec le soutien des pouvoirs publics - travaillent à la définition de nouvelles règles de conduite - claires, transparentes, humaines, respectueuses de notre histoire indocéanique commune - et se battent pour les faire admettre par tous, résidents et migrants.
Tant que nous n’aurons pas une “Charte” des échanges humains inter-îles, tous nos efforts pour aller vers les autres avec des projets de coopération - quel qu’en soit le contenu - seront perçus par nos voisins comme un retour de “la colonie colonisatrice”.

P. David


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