Réaction de l’UDCCAS de La Réunion au rapport Doligé

« Les CCAS sont l’outil par excellence de la proximité »

12 septembre 2011

L’UDCCAS de La Réunion, présidée par Éric Fruteau, s’oppose à la proposition d’un rapport parlementaire visant à « dispenser les communes de créer un C.C.A.S. lorsqu’elles ne le souhaitent pas », permettant éventuellement à la commune de gérer en direct l’action sociale. Les intertitres sont de “Témoignages”.

Rappelons que l’article L.123-4 du Code de l’action sociale et des familles impose aujourd’hui la création d’un CCAS dans chaque commune, sauf création d’un CIAS au niveau des groupements de communes. Aux termes de l’article L.123-5 du même Code, la commune décide des missions exercées par son CCAS : « Le Centre communal d’action sociale anime une action générale de prévention et de développement social dans la commune, en liaison étroite avec les institutions publiques et privées. Il peut intervenir sous forme de prestations remboursables ou non remboursables. Il participe à l’instruction des demandes d’aide sociale dans les conditions fixées par voie réglementaire. […] Le Centre communal d’action sociale peut créer et gérer en services non personnalisés les établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés à l’article L. 312-1 ».

Si les propositions du rapport Doligé concernent peu le département de La Réunion où l’ensemble des communes a créé et fait fonctionner son CCAS, elles nous semblent être cependant une première remise en cause de l’existence des Centres communaux d’action sociale et en tous les cas une façon insidieuse de nier l’intérêt de leur existence. Rendre optionnelle la création de ces structures nous apparaît de plus comme une atteinte grave au principe de subsidiarité voulu par la décentralisation, selon lequel une compétence doit être exercée au plus près des citoyens.

C’est pour cela qu’il nous a semblé indispensable d’affirmer, dans ce contexte justifié par une volonté de « simplification des normes », que les CCAS sont l’outil par excellence de la proximité. Ils répondent au quotidien aux besoins, souvent primaires (alimentation, énergie, logement), des familles les plus fragiles lourdement touchées par la crise. Un seul indicateur est à lui seul suffisamment parlant pour permettre de mesurer l’importance que revêt l’action sociale de proximité : 49% des familles réunionnaises vivent, selon l’INSEE, en dessous du seuil de pauvreté national.

C’est pourquoi, l’ensemble des CCAS de l’île a constaté depuis 2008 une progression extrêmement importante des demandes, et les budgets consacrés par les villes à l’action sociale sont en nette évolution.

Les CCAS, véritables soupapes de sécurité

Les CCAS sont dotés d’une souplesse d’intervention indispensable. Elle permet de pallier à la rigidité, mais aussi aux carences des dispositifs légaux, qui ne répondent pas toujours à des logiques microsociales, à des besoins particuliers et difficilement à l’urgence sociale. Ces dispositifs conçus le plus souvent au niveau national ont le souci d’apporter une réponse de masse et sont parfois peu adaptables à des situations individuelles. Nos établissements peuvent, grâce à la souplesse dont ils sont dotés par les textes, intervenir là où il n’existe aucune possibilité définie par la loi. Ils sont aussi capables d’anticiper sur les mesures légales lorsqu’existent des situations d’urgence. Ils sont en ce sens une véritable soupape de sécurité et permettent une complémentarité essentielle, notamment avec les dispositifs gérés par les partenaires de l’État et du Conseil général.

Rendre optionnelle la création des CCAS ou des CIAS, c’est en quelque sorte rendre optionnelle l’action sociale de proximité.

Par ailleurs, les CCAS sont régis par le Code de l’action sociale et des familles. Ils interviennent sur la base de principes qui garantissent indépendance, équité dans le traitement des dossiers. Les agents et administrateurs des CCAS sont soumis par les textes au secret, ce qui protège les familles, mais permet aussi de préserver la confiance dans nos établissements et nos travailleurs sociaux. Les communes qui prendront en charge directement la politique sociale ne seront en aucune façon soumises à ces règles. D’autre part, on ne peut résumer l’action d’un CCAS à celui d’un « service social municipal », car il est à lui seul l’établissement « confluent » de l’action sociale et des familles, de l’action éducative, de l’action de santé, de la sécurité sociale, du travail.

Les élus des 24 communes de La Réunion ont pris depuis de longues années leurs responsabilités. Le rapport précise qu’en Métropole, de nombreuses communes n’ont pas créé de CCAS et sont de ce fait en infraction vis-à-vis de la loi, plus grave, elles n’ont pas de politiques sociales formalisées. Les villes de La Réunion apportent, au travers de leurs établissements et au quotidien, des solutions aux problèmes de leurs concitoyens dans les domaines de l’aide sociale, bien sûr, mais aussi dans ceux de la petite enfance, de l’enfance, du vieillissement de la population, de la dépendance, etc.

Remettre en cause la création des CCAS : une preuve évidente d’irresponsabilité

L’ensemble des CCAS en exercice ont tous des arguments pour démontrer l’importance de l’action sociale mise en œuvre par un établissement qui se spécialise dans la production de la solidarité, mais aussi de l’innovation sociale, de l’adaptation sociale, de la transversalité au travers de ses services, mais également de la mobilisation du partenariat du champ social, de la complémentarité de la prise en charge de l’Homme dans toutes ses dimensions…

Remettre en cause l’obligation légale de créer un CCAS ne nous semble pas être une priorité, c’est par contre une preuve évidente d’irresponsabilité dans le contexte grave que traverse notre pays et le département de La Réunion.

Pour finir, il nous a semblé indispensable d’attirer l’attention sur les effets que pourrait avoir cette proposition pour le nouveau département français de Mayotte.

En effet, le président de l’UDCCAS de La Réunion qui s’y est rendu en novembre 2009, invité à un colloque organisé par l’association des travailleurs sociaux, a été sensibilisé aux tensions importantes et à la forte demande sociale sur ce territoire en pleine mutation.

Rappelons que le département compte environ 186.000 habitants pour une superficie de 374 km carrés, que la densité de la population varie entre 500 à 2.000 habitants/km carrés. Les familles monoparentales représentent 15% des ménages (soit 6.000 en 2007). Le taux de chômage est de 26% (plus important chez les jeunes et les femmes). Les retards infrastructurels importants rendent encore plus prégnantes les difficultés sociales que connaît la population.

À n’en pas douter, les propositions du rapport Doligé qui rendrait optionnelle la création des CCAS ou des CIAS auraient pour Mayotte des conséquences très graves.


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