Justice. La cour de cassation a tranché :

Les gendarmes jugés en cour d’assises

2 décembre 2004

Le docker Edmond Hilarion a été mutilé à vie le 7 mars 1994, lors d’une opération de maintien de l’ordre devant l’enceinte du port-Est. Plus de 10 ans après, la cour de cassation a reconnu définitivement la nature criminelle des faits.

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C’est en France que “Théo” a appris mardi soir la décision de la Cour de cassation. Le docker Edmond Hilarion se repose actuellement chez un frère, après une nouvelle série d’examens médicaux. C’est là qu’il a su que les magistrats venaient de renvoyer devant les assises le procès des deux militaires accusés de l’avoir mutilé à vie, le 7 mars 1994, dans une opération de “maintien de l’ordre” devant l’enceinte du port-Est.
Ce jour-là, des forces spéciales de gendarmerie avaient été requises par la Préfecture pour permettre à une société manutentionnaire de réaliser un essai anticipé d’application de la mensualisation des dockers, prévue pour le 1er juillet 1994, et à laquelle s’opposait une forte majorité de la profession.
Le “test” a tragiquement dérapé et un jeune docker a eu l’œil gauche arraché par le tir tendu d’un gendarme qui a fait usage d’une arme et d’une munition prohibées dans les opérations de maintien de l’ordre.
"Le 7 mars prochain, cela fera 11 ans de procédure. Il a fallu 4 ans pour remonter jusqu’aux gendarmes, puis encore deux ans avant le premier procès, les 22-23 octobre 2000, devant un tribunal correctionnel. Maintenant, la Cour de cassation l’a dit clairement, c’est un acte criminel qui sera jugé devant les assises. Pour tous les travailleurs, avec “Théo”, c’est une nouvelle étape très importante, et aussi sans doute de nouvelles épreuves, auxquelles il va falloir se préparer", a déclaré hier Michel Séraphine, secrétaire général de la fédération CGTR Ports & Docks, réunie en commission exécutive élargie.

Nature criminelle des faits

"La décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation de Paris est la sixième depuis l’ordonnance de renvoi devant un tribunal correctionnel", a déclaré hier Me Rémi Boniface, avocat de Théo Hilarion et de la CGTR, constituée partie civile. La bataille du docker et de son conseil n’a eu de cesse de démontrer la nature criminelle des faits et la gravité de leurs conséquences sur la vie du jeune docker.
Par trois fois déjà, le tribunal correctionnel a donné raison au plaignant sur ce point, se déclarant incompétent pour juger des faits de cette gravité. Mais l’un des deux gendarmes est allé deux fois en cassation : son deuxième pourvoi vient d’être rejeté.
"C’est la fin d’une phase importante", a commenté hier Me Rémi Boniface. "On va repartir devant l’instruction d’une affaire criminelle, pour blessure volontaire, avec arme, ayant entraîné au moins une infirmité permanente, par plusieurs personnes dépositaires de l’autorité publique... Cela fait beaucoup de circonstances aggravantes", a poursuivi l’avocat de Théo Hilarion, en notant enfin que "la multiplication des décisions confirmant qu’il a tort (le capitaine Gamet, devenu depuis commandant, l’auteur des pourvois - NDLR) ne joue pas en sa faveur".
En 1998, les aveux du commandant Guillaume avaient mis fin à quatre ans d’étouffement de l’enquête. Aujourd’hui, le rejet du deuxième pourvoi en cassation met fin à l’égarement de l’instruction dans une procédure en correctionnelle, initiée par un procureur aux déclarations plus fracassantes que les actes.
Depuis deux ans et demi, “Théo” Hilarion a connu opération sur opération, des greffes réalisées à la fondation Rothschild, qui lui ont apporté "beaucoup d’améliorations" mais qui sont aussi de plus en plus délicates.
Tout en réfléchissant à la réponse qu’il doit faire à la proposition d’une nouvelle double opération, il a appris mardi soir la nouvelle judiciaire. "Sé in nouvèl mi atan depï lontan. Sé in viktoir é an mèm tan mi viv sa dan la doulër", a-t-il déclaré à “Témoignages”.

P. D.

Théo Hilarion

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