Opération “Négros contre Comores”

Les piètres “explications” du préfet

6 octobre 2005

Le PCR s’est déjà exprimé hier sur le caractère assez surréaliste de ce communiqué signé du préfet de La Réunion. (voir encadré)

Rappelons que, dés 9h30 mardi, le préfet a été informé de cet insupportable nom de code "Négros contre Comores". Le maire du Port, la députée Huguette Bello et la sénatrice Gélita Hoarau souhaitaient entretenir le préfet de la vive émotion et de l’indignation suscitées par une telle dénomination.
Le préfet avait toute latitude pour accorder audience aux deux parlementaires et au maire du Port. Non seulement il ne l’a pas fait mais, de plus, le contact téléphonique promis n’a jamais eu lieu. Pour quelles raisons ? Embarras face à une information qui, vérification faite, s’avérait malheureusement être exacte ? Mépris à l’encontre de deux parlementaires et d’un maire ? Ou les deux ?

Toujours est-il que le préfet n’a accordé aucune attention à cette demande destinée à obtenir les apaisements indispensables.
Dans son communiqué, le préfet se garde bien de faire la plus petite allusion à cette demande d’audience à laquelle il n’a pas daigné accorder la moindre réponse en dépit de la promesse faite.
"Le préfet s’insurge contre cette rumeur absolument scandaleuse"... il faut cependant savoir que le préfet ne communique enfin qu’au moment même où, plus de 4 heures après leur demande d’audience, le maire du Port, la députée Huguette Bello, la sénatrice Gélita Hoarau, tiennent une conférence de presse. Ainsi, lorsque le préfet "s’insurge", c’est simplement parce qu’il se rend compte qu’il ne parviendra pas à faire le black-out sur ce qu’il qualifie de "rumeur".

Manœuvrant en défense, le préfet pense qu’il confortera sa position, guère tenable il est vrai, en attaquant. Tous les lieux communs, les amalgames les plus classiques, sont convoqués pour cette bien pâle défense.
Pour le préfet, si le “nom de code” est dénoncé, ce n’est pas parce qu’il porte atteinte à la dignité de tous les Réunionnais. Non, c’est parce que le maire du Port ne veut pas que la Sûreté départementale opère sur son territoire : "il n’y a pas et il n’y aura pas, à La Réunion, de zone de non droit" ! Que n’a-t-il pas ajouté “Screugneugneu” ? cela aurait tout à fait cadré avec le caractère inutilement belliqueux - et totalement hors de propos - de son communiqué.

Comment le préfet peut-il engager une telle polémique ? Il est le dernier à pouvoir ignorer tous les efforts consentis par la municipalité portoise en matière de sécurité. Cela fait des années que la Mairie du Port a mis en place - en partenariat avec le préfet et le procureur de la République - un Contrat local de sécurité qui se réunit régulièrement avec la police et la gendarmerie. C’est à la lumière de cette information qu’on appréciera le “coup de menton” du préfet : "il n’y a pas et il n’y aura pas, à La Réunion, de zone de non droit". Mais sans doute le préfet avait-il pour but, au moment de rédiger son communiqué, de faire une opération de “com” lui permettant de se dispenser de répondre aux vraies questions qui en valent la peine : oui ou non l’opération d’hier-soir au Port avait-elle reçu le nom de code “négros contre comores” ? Oui ou non le préfet a-t-il méprisé la demande d’audience formée par la députée Huguette Bello, la sénatrice Gélita Hoarau et le maire du Port, Jean-Yves Langenier ?

Enfin, pour le cas où le préfet, dans nos murs depuis peu, ne l’aurait pas constaté par lui-même, ses proches collaborateurs (trices) lui ont certainement expliqué que le maire du Port est une personne réservée, sérieuse, extrêmement pondérée et qui, en toute circonstance, prône le dialogue et à voix douce de préférence.
Voilà donc un homme responsable qui, s’il fallait ajouter foi aux écrits du préfet, aurait soudain perdu tout sens commun au point d’accorder du crédit à une simple “rumeur”.
Ça ne tient pas debout, et le préfet a pu mesurer l’échec de son communiqué à la réaction des journalistes réunionnais, lesquels connaissant Jean-Yves Langenier de longue date, n’ont pas donné dans le panneau hâtivement et mal bricolé par la préfecture.

Dernière baudruche à dégonfler : Jean-Yves Langenier aurait été induit en erreur par sa source d’information. Là non plus, ça n’a aucun sens. De tout temps - y compris à l’époque de la pire répression - il y a eu des personnes ayant un sens élevé du service de la République pour refuser de prêter la main à des coups tordus. Et la fiabilité de leurs précieux avertissements ne s’est jamais démentie. C’est grâce à ces personnes aussi que La Réunion a pu garder une certaine image de la France y compris à une époque où, plutôt que de rechercher les moyens de sortir La Réunion de son mal-développement, certains fonctionnaires d’autorité usaient de la fraude électorale, frappaient les dirigeants politiques, syndicaux et religieux d’exil, saisissaient les journaux et muselaient radio et télévision.

Un rappel pour finir : lorsque les collégiens et lycéens manifestaient pour l’obtention de leur bourse à égalité de droits avec leurs condisciples de Métropole, le commissaire C. était descendu au Port pour "se faire la racaille du Port". Ces déclarations ont soulevé l’indignation générale des collégiens et lycéens, de leurs parents, des enseignants et causé un trouble sérieux plusieurs jours durant.
Le préfet de l’époque, bien que confronté à cette situation, n’avait pas rédigé de communiqué parlant de propos attribués au commissaire C. par la “rumeur”. Sans doute cette “explication” n’était-elle pas encore enseignée à l’ENA.

Aimé Habib


Le communiqué du préfet

"Une rumeur ayant circulé lors de la manifestation de ce jour à Saint-Denis évoque le fait qu’une opération de sécurisation aurait été baptisée “négros contre comores”.
Le préfet s’insurge contre cette rumeur absolument scandaleuse qui porte atteinte à l’honneur de la police nationale et aux fonctionnaires qui la servent dans des conditions souvent difficiles.
Le préfet rappelle qu’une opération de sécurisation n’a d’autre but que de lutter contre la délinquance dans le strict respect des lois de la République.
En effet, il n’y a pas et il n’y aura pas, à La Réunion, de zone de non droit.
Des opérations de sécurisation continueront à se dérouler chaque fois que cela sera nécessaire et en tous lieux, pour combattre notamment la délinquance de voie publique qui porte gravement atteinte à la qualité de vie des Réunionnais et en particulier à celle des plus démunis victimes de cambriolages, de vandalismes ou de vols de voitures.
Le préfet s’interroge sur l’attitude et l’état d’esprit de ceux qui véhiculent de telles rumeurs qui n’ont d’autre but que de discréditer l’action de la police nationale, au mépris, de surcroît, du “vouloir vivre ensemble” qui s’exprime depuis longtemps à La Réunion".


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