Lutte contre la pauvreté : le cas des travailleurs pauvres de l’aide à domicile

4 décembre 2020, par David Gauvin

Les travailleurs pauvres constituent un angle mort dans la lutte contre la pauvreté. Nous pouvons les définir comme ceux dont le fruit de leur travail ne permet pas d’avoir des ressources nécessaires à leur subsistance. En 2018, le seuil de pauvreté pour une personnel seule est de 855 euros. La grande majorité des aides à domicile se situent de ce fait sous le seuil de pauvreté.

Le secteur de l’aide et le soin à domicile est le premier employeur privé à la Réunion. Il y a sur l’île à peu près 15000 bénéficiaires de l’Allocation Personnalisée à l’Autonomie. Le secteur emploie donc autour des 45 000 personnes. Pour comparaison le BTP emploie sur l’île 18 000 personnes et la filière canne génère 12 000 emplois. Sans faire de bruit, le secteur de l’aide à domicile est devenu le premier employeur de l’île réparti entre secteur public, associatif, lucratif, coopératif et les emplois directs.

Les aides à domicile ont été professionnalisées et disposent toutes d’une formation certifiante ou qualifiante. Elles s’occupent au quotidien des personnes qui ne peuvent plus faire seuls les actes de la vie quotidienne. C’est un métier de cœur mais qui nécessite une technique. Et là ou le bât blesse est la faiblesse des rémunérations. Le travail est d’abord à temps partiel, la moyenne des contrats de travail est de 100 heures. Mais cette durée est souvent due à la pénibilité du métier mais aussi la nécessité des bénéficiaires d’avoir les prestations aux mêmes moment de la journée. Mais ce travail est très peu rémunérateur, sur la base du SMIC mensuel à peine majorée. Les salaires nets dépassent rarement les 800 euros mensuels.

Mais dans ce panorama, il est important de faire un focus sur le secteur public où on a réinventé le travail à la tâche. Dans certains CCAS, les aides à domicile ne sont payées que sur les heures réellement effectuées, faisant fi de toutes les dispositions du code du travail. Par exemple on peut être payé sur la base de 150 heures en mars mais 60 heures en avril. Celles-ci sont les « raleuses de pioche « du temps moderne.

Mais peut-on agir pour ces travailleuses ? La réponse est clairement oui. Le secteur est financé par le conseil départemental qui fixe le coût horaire et assure le contrôle des opérateurs. Au lieu de se préoccuper d’elles, le Président du conseil départemental s’est fendu d’un courrier à chacune pour annoncer des primes, alors que les opérateurs n’ont reçu aucun financement pour cela. Il profite aussi en dehors de toute règle de droit pour récolter les coordonnées personnelles mais également pour leur envoyer directement des chèques services. Il faudrait se demander si le fait d’assurer en direct une part de rémunération ne peut être assimilée à la création d’un lien de subordination faisant d’elles les employées de la Collectivité.
Au-delà des stratégies de communication du Président du Conseil Départemental, quel est son vrai levier d’action pour sortir ces travailleuses de la pauvreté ? Le levier est le tarif. Il n’est déjà pas harmonisé ce qui crée une rupture d’égalité mais il est placé sous le tarif de "convergence national". Pour faire simple, il est autour de 19 euros à la Réunion alors qu’il est en moyenne autour de 21 euros en France. Une vraie politique de lutte contre la pauvreté pour les aides à domicile consisterait à aligner le tarif à effet immédiat, et de s’assurer que l’augmentation aille au paiement des salaires. Cette mesure permettrait à celles-ci de pouvoir disposer de 1800 euros de plus par an, soit un 13ème et un 14ème mois.

En cette période d’orientation budgétaire, laissez de côté vos chèques cadeaux, et alignez les tarifs pour améliorer les conditions de vie de 45 000 foyers. Les travailleuses ne veulent que la juste rémunération de leur labeur. C’est cela agir concrètement contre la pauvreté.

David Gauvin

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