« Mettons fin à la guerre de l’Inde contre les femmes »

7 janvier 2013, par Céline Tabou

Les Indiens maintiennent la pression sur le gouvernement pour que des lois contre les crimes faits aux femmes soient promulguées rapidement. Alors que les suspects ont été inculpés, l’Inde revoit son système judiciaire et la position de la femme dans la société.

«  Le pays tout entier réclame que ces monstres soient pendus, je suis entièrement d’accord. L’accusé mineur ne doit pas être acquitté, la loi doit être modifiée pour qu’il puisse être condamné à mort. La peine pour les crimes odieux doit être identique quel que soit l‘âge des accusés  », a déclaré le père de la victime devant les caméras d’Euronews.

Lutter contre la misogynie

Le père de la jeune Indienne soutient l’idée, du nouveau mouvement de soutien et de défense des femmes victimes d’agressions sexuelles, de donner le nom de sa fille à une nouvelle loi réprimant plus sévèrement les agressions sexuelles. Trois semaines après l’agression et deux émeutes, la contestation continue de se faire entendre. Les associations de défense des droits des femmes, et la presse indienne, ont indiqué à de nombreuses reprises que « la misogynie continue de régner en maître dans une société dominée par les hommes ». Cette affaire devrait permettre aux associations de défense des femmes de s’appuyer sur un corpus juridique pour dénoncer les agressions et voir leurs plaintes aboutir.

« Nos rues reflètent une misogynie extrême », a dénoncé Brinda Karat, une parlementaire membre du parti communiste à TV5Monde. « Les femmes sont tout le temps traitées comme des objets, harcelées ou abusées sexuellement, mais personne ne réagit », a-t-elle indiqué. D’après les données de 2011, du Bureau national du crime, sur les 256.329 crimes violents recensés, 228.650 visaient des femmes, avec un taux de condamnation pour viol de 26%, ce chiffre serait bien en dessous des réalités ont indiqué les associations.

Une perte des valeurs

Alors que la société chinoise a pris conscience de la perte des valeurs morales, après le décès sordide de la petite Yueyue, écrasée et agonisant dans l’indifférence, l’Inde est en train de mener le même débat. Dans une interview sur la chaine Zee News, le fiancé de la jeune femme violée, a déclaré, le 4 janvier, « il y avait quelques personnes qui se sont rassemblées, mais personne ne nous a aidés. Avant l’arrivée de la police, j’ai crié pour demander de l’aide, mais les pousse-pousse, les voitures et les autres passants ne sont pas arrêtés ». C e dernier a également pointé du doigt la responsabilité des policiers qui ont tardé à porter secours aux victimes, ni arrêter les suspects.

Cette déclaration a lancé une nouvelle vague d’indignation contre les forces de l’ordre, connues pour être très corrompues. En plus des propos de l’ami de la victime, les manifestants se sont réunis devant le tribunal de Saket, où les cinq auteurs présumés du viol ont été inculpés. Les hommes, âgés de 19 à 35 ans encourent la peine de mort, le sixième suspect, mineur, sera jugé par un tribunal pour enfants.

«  On manifeste parce qu’on se demande pourquoi ce genre d’incident arrive. Le rôle de la police c’est de faire en sorte que de telles choses n’arrivent plus, plutôt que remplir des pages et des pages d’un acte d’accusation  », a déclaré Shruti kohli, une chef d’entreprise à l’agence de presse Reuters. Les 2500 avocats du tribunal de Saket ont refusé de défendre les inculpés, ces derniers ont notamment reproché aux autorités du pays «  leur laxisme face au fléau qu’est le viol en Inde  ».

« Mettons fin à la guerre de l’Inde contre les femmes »

Une pétition circule sur Internet, depuis le 4 janvier, pour mettre fin à la guerre de l’Inde contre les femmes. Cette pétition rappelle les mouvements de protestation lancés dès le 17 décembre, pour dénoncer les agressions faites aux femmes. En Inde, selon l’organisation non gouvernementale « une femme est violée toutes les 22 minutes, et seule une infime fraction d’entre elles voient ce crime condamné par des juges ». Dimanche (à 19h), la pétition rassemblée 585,295 signatures du monde entier, celle-ci doit atteindre le million pour être envoyé à la commission gouvernementale qui présenter une série de mesures pour protéger les femmes contre toutes formes de violence.

L’organisation non gouvernementale, Avaaz, propose à travers cette pétition d’ «  instaurer de toute urgence un meilleur suivi judiciaire et un programme de sensibilisation pour changer les comportements masculins qui engendrent des violences envers les femmes  ». L’organisation indique qu’en 2013, « il est temps de déclarer la guerre aux agressions physiques envers les femmes. Nous pouvons gagner notre première bataille en Inde ».

De son côté, Kamala Marius, spécialiste de l’Inde pour le Nouvel Observateur explique que le gouvernement indien n’avait plus de choix que de trouver des solutions juridiques à ce phénomène. En effet, le suicide d’une jeune femme, violée également, a contraint les médias et le pouvoir à prendre des décisions rapides : «  Il faut que les femmes puissent aller au bout des procédures entamées. Il faut aussi lutter contre la corruption des agents de justice que sont les policiers ou les juges, puisqu’elle étouffe purement et simplement les démarches juridiques. Le gouvernement a été débordé par cette actualité, ils ont donc pris des mesures rapides en montant une commission d’enquête et en commandant des études, afin qu’il y ait enfin des chiffres à mettre en évidence. On dit toujours de Delhi qu’elle est la capitale du viol, seulement personne ne semble capable de dire pourquoi » , a expliqué la chercheuse de Bordeaux 3.

Céline Tabou

Commentaire

La lutte des femmes : une question planétaire

Le viol collectif, qui a bouleversé l’Inde depuis le 17 décembre 2012, a fait émerger un mouvement mondial contre les violences faites aux femmes. Au lendemain de l’agression violente contre une jeune femme de 23 ans, des milliers d’Indiens — femmes et hommes réunis — ont dénoncé un système corrompu et ne protégeant en rien ses concitoyennes. Le mouvement né à New Delhi, qualifié de « capitale du viol », s’est propagé dans tout le pays puis dans le monde. Symbole de la lutte des femmes contre toutes les formes de violences, le décès de la jeune aura été la goutte de trop.

Dans un pays de plus d’un milliard d’habitants, où une femme est violée toutes les minutes, ce sont les Indiens eux-mêmes qui portent aujourd’hui le débat à l’échelle planétaire. En dépit de toutes les crises et de tous les conflits, la question centrale dans notre société actuelle reste l’égalité des sexes et notamment le respect envers les Femmes.

Le mouvement indien de contestation a quitté les frontières de l’Inde pour se diriger au Canada ou encore au Népal, où les manifestants espèrent faire changer la loi, comme en Inde. En effet, face à la violence de l’acte et l’indignation du peuple, le gouvernement s’est décidé à durcir les lois concernant les violences faites aux femmes. Cette décision a été saluée par les associations de défense et les manifestants, car bien au-delà du soutien fait à la famille de la victime, des milliers d’Indiens se mobilisent pour encourager leur gouvernement dans cette voie. Mais ils ont également prévenu qu’ils veilleraient à la mise en place de ces nouvelles mesures destinées à protéger les femmes.

Des femmes encore soumises aux hommes, tant dans les zones urbaines que dans les régions éloignées très féodales et conservatrices du Pendjab, de l’Haryana et de l’Uttar Pradesh. Lieux, où l’émancipation des femmes se heurte aux préjugés culturels et religieux, encore dominés par les hommes. Paradoxe, l’homme politique le plus puissant du pays est une femme, Sonia Gandhi (Présidente du Parti du Congrès), qui ne s’est jamais exprimée face à l’indignation de son peuple.

Toutefois, les manifestations de ces derniers jours ont fait émerger une lutte, née en Inde, mais dépassant le pays lui-même, pour aller soulever les débats dans les pays occidentaux et orientaux. Car, malgré des pays dits « démocratiques », l’écart de traitement entre un homme et une femme reste considérable dans tous les domaines de la société moderne.

Cette affaire aura également mis en évidence un changement fondamental dans les luttes. Celles-ci ne sont plus nationales, comme par le passé, mais planétaires. La solidarité internationale prend le pas et pose le problème de l’égalité des sexes. Internet, vecteur de ces batailles, permet que des mouvements nationaux prennent une ampleur internationale et puissent faire bouger les lignes dans le monde. De fait, les débats politique et démocratique d’un pays peuvent dorénavant être mondiaux, faisant fi des modèles politiques nationaux et des traditions de lutte nationales.

Céline Tabou
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Messages

  • D’accord. Mille fois d accord et si nous commencons par mettre fin a la guerre a nos femmes Reunionnaises . Commecons par nous. Nous donnerons un exemple a nos amies Indiennes , a nos amis Indiens.
    Il ne faut pas oublier cette violence vis a vis de nos Femmes qui sont nos momon, nos compagnes, nos amies, nos collegues , nos soeurs,nos voisines.
    Quelques chiffres :
    toutes les 8 minutes une femme est violee en France
    160 femmes meurent chaque annee sous les coups de leur mari ou conjoint en France.
    plus de 5 millions de femmes battues en France chaque annee.
    Nous avons du travail et ensemble declarons la guerre a cette guerre qui ne porte pas son nom et qui est chaque jour est presente dans notre Pei , PAYS de la tolerance.
    Oui. Mettons fin a toutes les guerres.Donnons l exemple.


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