Un ségatier mauricien dort en prison

« Mo pa ene criminel, mo positif mwa ... »

3 septembre 2004

Les faits remontent au 10 octobre 1998. Des officiers de la Central investigation division de Rose-Hill effectuent une fouille au domicile de Marclaine Antoine, artiste mauricien en vogue dans les années 80, notamment avec son séga “Bel Bato”.

Un fusil, une carabine à air comprimé “fabriquée en Chine”, un pistolet à double canon “fabriqué à Londres”, et des objets “soupçonnés” de provenir d’un vol ont alors été saisis. Le 10 septembre 2002, Marclaine Antoine a été déclaré coupable de possession non autorisée d’armes à feu ainsi que d’objets suspectés d’avoir été volés.
Malgré des recours infructueux auprès de la Commission de pourvoi en grâce, Marclaine Antoine doit payer une amende de 10.000 roupies et purger une peine d’un an de prison. L’artiste se dit consterné par cette décision. Rama Valayden, son avocat, tentera quant à lui "désespérément" de trouver une issue favorable dans cette épineux dossier auprès des plus hautes autorités politiques.
Le Premier ministre mauricien par intérim, Pravind Jugnauth, indiquera lui-même toute l’impuissance des autorités politiques, et notifie au chanteur qu’il n’a pas d’autre choix que de se plier à la décision de la justice. Le président de la République ne peut en aucun cas intervenir, le chanteur ayant été reconnu coupable pour les deux chefs d’inculpation retenus contre lui. Contraint à purger sa peine en début d’année, le chanteur décide d’aller marron. Il se rendra à la police locale au mois de mai 2004.

En prison pour rien

"Larg mwa less mwa alé, arèt fatig mwa, less mwa trankil, mo pa ene criminel, mo positif mwa ...". C’est en fredonnant cette chanson de Blakkayo que le ségatier s’est rendu aux forces de l’ordre.
"J’ai décidé de me rendre, car je ne suis pas un récidiviste et je ne veux pas que les gens me considèrent comme étant un criminel, si je continue à fuir. Et si je reste un fugitif, je ne serai plus une victime", confiait-il à la presse mauricienne, juste avant de se rendre.
Accompagné par beaucoup d’artistes mauriciens, dont Gérard Louis, Sedley Assone, les frères Joganah, Véronique Leclézio, Tonton Empeigne, Éric de Chasteauneuf, Serge Lebrasse, Micheline Virahsawmy, Bruno Raya et Patrick Antoine (fils de l’artiste), il livre une dernière fois son incompréhension devant cette décision "injuste", selon lui.
Comble de l’ironie, les armes à feu saisies chez l’artiste mauricien ont par le passé été prêtées au ministère des Arts et de la Culture, pour des pièces de théâtre et des expositions. Il doit aujourd’hui dormir en prison pour posséder des objets de collections.
Bruno Raya atteste qu’il les avait aussi emprunté pour des manifestations liées à la commémoration de l’abolition de l’esclavage. "Ene gran artist ça, li na pa mérite la prison, laisse li servi so pays", lance un artiste venu le soutenir.
Malgré la pétition signée par une centaine d’artistes mauriciens, Marclaine Antoine sera incarcéré à la prison centrale de Beau-Bassin.

Il y avait une autre solution

L’avocat de Marclaine Antoine demande aux plus hautes instances de convertir sa peine en Community service order, travaux d’intérêts généraux que le chanteur acceptait pourtant d’effectuer. "Des amis m’ont parlé de Community service act. J’aurais pu par exemple aider les jeunes démunis, leur faire découvrir la musique. Je pense que je suis utile en étant libre", confiait-il à Nad Sivaramen, un confrère du journal “Le Mauricien”.
À 58 ans, souffrant de surcroît de problèmes de santé, il doit pourtant purger sa peine, soit un an d’emprisonnement. Rama Valayden rappelle que "si li gagne problème dan caso, la situation pou prend en lot tournure pou nou pays...".
Tout le monde se souvient en effet des événements liés à la “douteuse” disparition du “roi du seggae”, Kaya. Le cas de Marclaine Antoine est suivi dans plusieurs pays dont la France, La Réunion et la Belgique, où les artistes lui ont renouvelé leur soutien, ainsi que leur frustration face à cette situation.
Quant à Marclaine Antoine, il déclare garder espoir. C’est même le sourire aux lèvres qu’il s’est rendu. "Même si je suis en prison, la lutte continue", dit-il.

Bbj


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Témoignages - 80e année


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