Opération “Négros contre Comores”

Motion du Conseil municipal du Port

7 octobre 2005

La motion ci-dessous a été adoptée hier soir lors du Conseil municipal de la ville du Port.

Considérant l’histoire de l’île de La Réunion, laquelle a forgé son identité sur la diversité de son peuplement constitué d’originaires d’Afrique, d’Europe, d’Inde, d’Asie et des îles de l’océan Indien, donnant naissance à une société multiculturelle et multiconfessionnelle,

Considérant que cette histoire a été marquée du sceau de l’esclavage et de la colonisation, provoquant des blessures toujours vives aujourd’hui,

Considérant le fragile équilibre dune société réunionnaise, société souffrant du chômage, de la précarité, de la crise du logement et d’une certaine perte de repères,

Considérant les difficultés d’intégration que rencontrent certains des peuples de l’océan Indien dont sont issus les Réunionnais dans leur grande majorité,

Le Conseil municipal de la Ville du Port, réuni en séance ce jeudi 6 octobre 2005, tient à réaffirmer sa profonde indignation concernant le nom de code donné à une opération de police programmée pour se dérouler au Port le mercredi 5 octobre.

Ce nom de code, “négros contre Comoriens”, est inconcevable et révoltant. Il attente à la dignité du peuple réunionnais, et renvoie à une sinistre époque que nous pensions révolue.

Le Conseil municipal de la Ville du Port demande à I’autorité préfectorale de tout mettre en œuvre pour que la lumière soit faite sur cette dérive inacceptable.


Au pied du mur

"Alerte, “ils” envahissent la France" ! "Aux armes citoyens, “l’invasion comorienne” menace de submerger Mayotte et La Réunion" ! À l’aide, “ils” sont partout, “ils” arrivent en kawassa-kwassa ! “Ils” se noient ? On brûle leurs cahutes ? Rien n’y fait, d’autres arrivent !
À Mayotte, on va poster des bateaux, des radars à la pointe du progrès, des détecteurs et des caméras infrarouges.
Comme les Espagnols au Maroc ? Comme les Espagnols pour les enclaves de Ceuta et de Mellila, mon gars ! On va les caler !
Illusions : nuit après nuit, les caméras infrarouges montrent des vagues de desperados se jetant à mains nues et à corps perdu sur les barbelés. Sous nos yeux, ils jouent à la loterie avec leur corps : 200, voire 250 vont être arrêtés plus ou moins gravement blessés, 5 ou 6 vont y laisser la vie. Une poignée échappera aux balles et aux déchirures des barbelés. Ils vont se terrer dans les enclaves attendant un hypothétique passage vers l’Espagne. D’autres n’assiègeront pas le Mur, ils vont tenter de traverser le détroit de Gibraltar sur des chambres à air de camion reliées entre elles pas des cordes. Ils y laisseront sans doute leur peau, pourtant il y a toujours autant de candidats au passage.
"On va monter les murs" ! proclament les gouvernants “assiégés”. "Montez vos murs, nous les franchirons quand même", répondent les affamés.
Le Mur, quel symbole ! Quelle dérision ! Dans le Midi de la France, on fait visiter les vestiges du Mur de la Peste. Un dirigeant aussi futé que le Ministre de l’Intérieur avait persuadé ses contemporains que, si le Mur était très haut, la peste ne passerait pas !
Montez les murs, montez-les bien haut, installez barbelés et miradors, phares puissants, rondes armées de fusils et de chiens d’attaque !
Montez les murs, ils n’indiqueront jamais rien d’autre que la hauteur de nos peurs, la pauvreté de notre réflexion, l’absence de perspective historique.
Montez les murs, faisons-nous peur ! Certains n’attendent que ça pour nous tendre les bras et les urnes dans l’espoir d’y recueillir les votes de la trouille en 2007.
Montez les murs. D’un côté, ceux qui crèvent de faim, du Sida, d’eau croupie, de paludisme, les prendront d’assaut. Conquérants de conditions de vie qu’ils n’ont pas.
Montez les murs, ils les escaladeront.
Montons ces murs, qu’ils nous enferment de tous côtés et proclamons-nous en liberté.

Jean Saint-Marc


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