L’ancienne prison de Saint-Denis comparée à un zoo

Non au racisme contre les Réunionnais et tous les descendants d’esclaves

29 décembre 2017, par Manuel Marchal

Les propos tenus par le responsable d’une mairie de la République à la suite de l’intervention de Jean-Hugues Ratenon, un député de La Réunion, pour le classement de l’ancienne prison de Saint-Denis comme lieu de mémoire, rappellent que le chemin est encore long avant que les séquelles de l’esclavage et de la colonisation soient expurgées de la société.

« On descend tous du singe. Éventuellement, on peut faire fermer tous les zoos. Et en faire des lieux de mémoire. Ras le bol de ces discours ! » : ce sont les propos tenus par Pierre Alessandrini, directeur de cabinet du maire de Porto-Vecchio, à la suite de l’intervention à l’Assemblée nationale de Jean-Hugues Ratenon en faveur de la sauvegarde de la prison Juliettte Dodu en tant que lieu de mémoire. L’auteur de ces propos s’est ensuite excusé.

Ces excuses n’exonèrent pas le fonds de l’affaire, car c’est bien l’homme noir qui est visé. En effet, si un député blanc d’un département de France avait demandé qu’une ancienne prison ayant détenu des résistants à l’occupation son pays soit classée comme lieu de mémoire, il ne fait aucun doute qu’une telle déclaration n’aurait jamais été écrite. De plus, Pierre Alessandrini vit en Corse, un pays qui a été conquis par la France. On imagine sans peine le tollé qu’aurait déclenché dans cette île une déclaration comparant un site de la résistance corse à un zoo.

Bien que l’auteur de ses propos affirme en substance n’avoir pas comparé le député de La Réunion a un singe, l’affaire a eu un important retentissement hier. Cela se comprend parfaitement. Chacun a encore en mémoire les insultes subies par Christiane Taubira, alors ministre de la Justice, qui était comparée à un singe. Ceci avait rappelé combien il était difficile à la France de se libérer des séquelles de l’esclavage et de la colonisation qu’elle a fait subir à des millions de personnes dans le monde.

En effet, pour les esclavagistes, un esclave n’était pas un être humain. Une telle déclaration renvoie les Réunionnais à un passé douloureux, où ils étaient soumis à un régime raciste et codifié par ceux qui dirigeaient l’État à l’époque.

La France n’est pas le seul pays concerné. En Europe, les autorités sportives ont déjà sanctionné des clubs car des joueurs noirs ont été la cible d’imitations de cris de singe venant du public. Jusqu’à preuve du contraire, aucun joueur blanc n’a été la comparé à cette espèce cousine de l’être humain.

S’il se défend d’avoir insulté le député de La Réunion, l’auteur de cette déclaration a comparé un ancien lieu de détention d’esclaves à un zoo. Comme chacun sait, les pensionnaires d’un zoo sont aujourd’hui des animaux. Mais à l’époque coloniale, la France organisait sur son territoire des zoos humains, peuplés d’habitants de pays colonisés. Ces êtres humains étaient montrés comme des animaux dans des expositions coloniales, car le colonisateur les mettait au même niveau que des animaux.

Tout cela montre que le chemin est encore long avant que les séquelles de l’esclavage et de la colonisation soient expurgées de la société française.

M.M.

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  • Tout à fait juste, hélas, je pourrais rajouter qu’au jardin des plantes qui était aussi zoologique, concernant les indigènes des colonies que les visiteurs pouvaient découvrir, on donnait à ces derniers, la possibilité de leur distribuer des bouts de viande crue pour voir comment ils allaient les manger, en s’imaginant qu’ils faisaient de même là bas, chez eux, dans la brousse enfin, dans nos colonies où on trouvait utile, nécessaire pour certains de les obliger à vivre comme nous, à la française, nos ancêtres les gaulois etc. Contraints d’oublier leurs racines, leurs coutumes, leurs langues autoctones, leurs style vestimentaires, leurs tatouages. C’était dans les années 1930, soit bien après la période de l’esclavage. Si on pense aux kanaks, c’était le cas pour eux, et parmi eux, il y avait le grand-père de Christian Karembeu, la raison pour laquelle le célèbre footballeur refusait de chanter l’hymne national. Comme pour 14-18, on en a eu besoin idem pour 39-45, même s’ils n’étaient pas "citoyens" officiellement. C’était le système de l’indigénat. Pour finir, sachez que le directeur d’un zoo d’Allemagne n’avait rien trouvé de mieux que d’en échanger contre des crocodiles car lui aussi aurait bien aimé avoir de ces "humains venus de loin", malgré eux, Triste époque. Là oui, on peut dire qu’avant, ce n’était pas forcément mieux" qu’aujourd’hui ! Bonne fin d’année quand même espérons que 18 soit une bonne année pour toute la planète, tout simplement. Arthur.


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