Opération ’négros contre Comores’

Non seulement c’est vrai, mais l’opération projetée était pire encore

10 octobre 2005

Mardi 4 octobre 2005, sur le territoire de la commune du Port devait se dérouler une opération de sécurisation. Jusque-là, rien d’anormal. La délinquance de rue, les cambriolages, les vols à l’arrachée touchent essentiellement les couches les moins favorisées et il convient de les en protéger. Depuis des années, le maire du Port a mis en place un Contrat local de sécurité (CLS) co-signé par le Préfet et le Procureur de la République. Dans le cadre de ce CLS, Mairie, Commissariat, Gendarmerie, Préfecture et Justice, travaillent et obtiennent des résultats.
Mais, là où le maire du Port n’a plus du tout été d’accord, c’est lorsque qu’il a été informé du nom de code donné à cette opération : "négros contre Comores".
Après vérifications et confirmations, le maire du Port a consulté ses amis. Il a donc été décidé que le premier magistrat du Port, la députée Huguette Bello et la sénatrice Gélita Hoarau demandent à être reçus par le Préfet de La Réunion. L’une des plus proches collaboratrices du Préfet a été informée dans le détail des raisons de cette demande d’audience.
On connaît la suite. En dépit des assurances données à deux reprises, la Préfecture a dédaigné répondre aux deux parlementaires et au premier magistrat de la Commune.
Plus déloyal encore : refusant de répondre aux préoccupations exprimées, la Préfecture a publié, plus de quatre heures après la demande d’audience, un communiqué agressif cousu d’accusations invraisemblables à l’encontre de la municipalité portoise.
Le lendemain, sur le plateau de Télé Réunion, le Préfet en personne venait répéter ces accusations sans fondement.

Mercredi matin, le “JIR” rendait compte de cette affaire sous le titre : "Opération “PCR contre préfet” ". Si le “JIR” n’a pas le même point de vue que le maire du Port, c’est son droit le plus absolu. Mais qu’il somme le maire du Port d’avoir à dévoiler ses sources d’information, voilà qui est tout à fait étonnant de la part d’un journaliste.
La charte des devoirs professionnels des journalistes français est extrêmement claire sur ce point précis : "Un journaliste, digne de ce nom garde le secret professionnel."
Samedi 8 octobre, dans son édito titré "C’est pas beau ça ?", le Président-Directeur Général, Directeur de la Publication du “JIR”, Jacques Tillier, a voulu en remettre une couche. Hélas pour lui, la médiocre qualité de ses sources d’information - que nous ne lui demanderons pas de dévoiler - a fait que le PDG du “JIR” s’est crashé en plein vol.

Contrairement à celui qui écrit ici, Jacques Tillier n’était pas à la manif. C’est son droit. “On” lui a donc rapporté ce qui s’était passé, et c’est là que le bât blesse. Six mille manifestants ont vu les représentants de l’Intersyndicale prendre la parole à tour de rôle. Six mille manifestants ont constaté que ni Jean-Yves Langenier, ni Huguette Bello, ni aucun élu politique n’avait pris la parole ni ne s’était approché le moins que ce soit du micro. Mais ce que 6.000 personnes ont vu ne compte pas pour l’informateur de Jacques Tillier. Cette “source” fiable et digne de foi - sans quoi Jacques Tillier ne lui accorderait aucun crédit - a vu le film suivant : "le pataquès grimpe, enfle d’autant plus haut et fort que Langenier, qui s’est emparé du micro, confirme le nom de baptême, s’en indigne, en appelle aux forces vives, démocratiques, révolutionnaires, patriotiques, promet de nous livrer les preuves, le coupable et que l’Huguette Bello [...] éructe elle aussi, le chapeau en bataille, l’œil noir, dit se retrouver avant l’abolition de l’esclavage, face aux maîtres blancs...".
Charte des devoirs professionnels des journalistes français : "Un journaliste, digne de ce nom tient les accusations sans preuves, la déformation des faits, le mensonge pour les plus graves fautes professionnelles".

Se joignant aux délires de sa source, Jacques Tillier se livre à son boulot favori : “sortir un rat d’une cave”. C’est sa formule préférée et, tous les lundis matin, il avoue modestement à ses collaborateurs être le seul capable, à La Réunion, de réussir en ce domaine.
Il a donc décidé de rechercher qui avait pu renseigner Jean-Yves Langenier. Bien sûr, il cite un nom et tout le mal qu’il pense de cette personne sur la tête de laquelle il appelle à la répression contre ce fonctionnaire placé "dans le collimateur des deux derniers préfets".
Charte des devoirs professionnels des journalistes français : "Un journaliste, digne de ce nom ne confond pas son rôle avec celui du policier".
Jacques Tillier ayant été “planté” en toute “beauté” ("C’est pas beau ça ?") par sa source, nous allons lui raconter la suite de l’histoire.
En réalité, l’opération "négros contre Comores" n’avait pas pour objet une opération de sécurisation. Le but poursuivi était de se conformer aux injonctions de M. Sarkozy qui, ainsi qu’il l’a déclaré à Isabelle Allane, note ses fonctionnaires selon les “résultats”.
L’opération souhaitait réunir, outre les forces de l’ordre placées sous l’autorité de M. Clément, patron départemental de la Sûreté, les Douanes, la Justice, etc. Objectif : rafler de l’immigré clandestin et le virer illico presto du sol réunionnais.
Vive le respect du droit ! Aujourd’hui, la loi n’a plus besoin d’être votée par le Parlement pour entrer en vigueur. Il suffit qu’un ministre souhaite que le recours contre une mesure d’expulsion ne soit plus suspensif dans notre île - et seulement dans notre île - pour qu’aussitôt, à La Réunion, ce souhait prenne force de loi.
On comprend mieux qu’un fonctionnaire d’autorité, appartenant au pouvoir judiciaire et donc indépendant du pouvoir politique, se soit désolidarisé d’une telle opération.
L’opération "négros contre Comores" n’était donc pas une rumeur et, plus le temps passe, plus celles et ceux qui ont failli s’y retrouver mêlés - à leur corps défendant le plus souvent - en parleront... Mais peut-être pas à un Jacques Tillier qui ne protège pas ses sources.
Plus sérieusement car l’affaire est grave : pour complaire aux arcanes des “chicayas” parisiennes en vue de 2007, certains ont joué avec le feu et sont en passe de ressusciter des idées nauséabondes. Soyons donc vigilants, ne laissons pas dire et faire n’importe quoi pour complaire aux maîtres parisiens car "Il est encore fécond le ventre d’où a surgi la bête immonde" (Berthold Brecht).

Aimé Habib


“La Bête immonde”

"Elle est vivante, elle a encore
La haine au ventre, la rage au corps
La bête immonde
Qu’elle tourne au loin comme un vautour
Ou rampe et ronge tout autour
La bête immonde
Depuis le temps qu’elle a fait le trou
De sa tanière grise Là-bas, ici, partout
Au cœur de chacun de nous
Elle est l’enfant que la bêtise
A conçu avec l’ombre
La bête immonde
Depuis le temps qu’on laisse faire
Tous les suppôts de son enfer
La bête immonde
Qu’elle a vomi des Gestapo
Dans toutes les guerres, tous les ghettos
La bête immonde
Que les salauds dans les salons
Lui trouvent des excuses
Lui trouvent des raisons
Plébiscitées par les cons
Elle est la fille de la rue
Qui naît des décombres
La bête immonde"

Michel Fugain


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