Solidarité pour la Colombie et ses séquestrés

Nous ne vous oublions pas

2 décembre 2005

Si depuis le 23 février 2002, date de son enlèvement par les FARC, la franco-colombienne Ingrid Bétancourt est devenue le symbole des victimes des états de non droit, sa détention qui dure depuis bientôt 4 ans met en lumière les 3.000 autres séquestrés en Colombie qui, comme elle, attendent un soutien international pour leur liberté. Aux quatre coins du monde, des militants pour la démocratie, la paix en Colombie se mobilisent. À La Réunion, l’association Réunion-Colombie organise un “Week-end de solidarité” pour que le droit à la liberté ne soit pas bafoué dans l’indifférence.

Le kidnapping, accompagné de son lot de nouvelles souffrances (déplacements, assassinats, disparitions, prises d’otages), est utilisé comme stratégie de guerre en Colombie. Une guerre qui dure depuis plus de 40 ans, où la corruption, le narcotrafic, la terreur et la violence règnent en maîtres tandis que s’affrontent les guérillas, l’armée et les milices paramilitaires d’extrême droite. L’une des guérillas est celle des FARC, dirigée par Manuel Marulanda, alias Tirofijo. C’est elle qui détient Ingrid Bétancourt depuis plus de 3 ans. Comme les paramilitaires, elle utilise les séquestrés, des membres de la force publique, des politiciens, des civils, détenus aux confins de la forêt dans des conditions inhumaines, dans le seul but d’obtenir une rançon (numéraire ou dividende politique).

L’espoir de la Colombie

Ingrid Bétancourt, ses messages d’espoir en faveur d’une Colombie des droits humains, de la démocratie, son combat farouche contre la corruption, les narcotrafiquants et la violence, sa détermination à ne pas céder aux menaces, devenaient gênants pour la guérilla communiste, en période d’élections présidentielles. Après des années d’une guerre meurtrière, elle incarnait alors l’espoir qu’enfin une solution politique mette fin à la violence en Colombie. Un espoir qui leur est retiré alors qu’elle mène sa campagne présidentielle pour le Parti Verde Oxygeno sur la route de San Vincente del Caguan, 3 jours après la rupture des négociations de paix entre le gouvernement précédent et les FARC. Depuis la date de son enlèvement en 2002, la dernière preuve de sa vie remonte à la diffusion par les FARC d’une vidéo le 30 août 2003 où elle rappelle à nouveau sa détermination.

Nous pouvons faire quelque chose

L’association Réunion-Colombia (qui représente le comité apolitique Réunion-Colombia Ingrid Bétancourt, adhérant à la Fédération internationale des Comités Ingrid Bétancourt - FICIB) organise à partir d’aujourd’hui un “Week-end de solidarité” (voir encadré) . Sa présidente, Yamile Hernandez, colombienne qui vit depuis 3 ans à La Réunion, rappelle que plus que jamais il faut se mobiliser pour expliquer, dénoncer l’état de guerre qui perdure en Colombie et ainsi faire pression sur le gouvernement. "Grâce à une aide internationale, à l’appui de tous les citoyens du monde, on peut faire pression sur la guérilla, les paramilitaires pour demander à ce qu’une solution pacifique soit trouvée pour la libération des séquestrés en Colombie. Toute participation est énorme". Et dans ce combat pour la démocratie en Colombie, La Réunion n’est pas trop loin pour agir.

Le calvaire des Colombiens

Yamile rappelle que toutes les formes de mobilisations, individuelles ou collectives, d’où qu’elles viennent dans le monde, renforcent et soutiennent le peuple colombien et les séquestrés. Car la Colombie ce n’est pas que le narcotrafic, ce sont des hommes, des femmes, des enfants qui vivent dans une extrême misère, sans soins, sans éducation, sans nourriture et qui, floués par le pouvoir en place qui promet puis se rétracte, n’osent plus croire à une issue vers l’apaisement, la paix. "Les Colombiens sont divisés, violentés, maltraités, manipulés. Ils ont peur et sont fatigués dans ce pays qui va de violences en violences, en toute impunité. Ils ne voient pas ce gouvernement dit démocratique qui est censé protéger les civils", explique Yamile qui soutient qu’avec nous, avec vous, les Colombiens seront peut-être capables de dénoncer leur calvaire pour le faire s’arrêter. La guerre tue, l’indifférence assassine.

Estéfani


Manifestations

Le Kabar solidarité se déroulera ce vendredi 2 décembre au K à Saint-Leu de 19h30 à 23h avec comme groupes réunionnais : Melanz Nation, Ver Zon Roots, Kass Le Kui, Nirina Sulette, Byen Mayé... et d’autres surprises ! (participation 5 euros)
Le dîner dansant latino réunionnais est prévu demain, le samedi 3 décembre au restaurant le Choca Bleu à La Saline à partir de 19h30 (30 euros pour les adultes et 15 euros pour les enfants).
Tous les renseignements sont sur le site http://reunion.colombia.free.fr ou au 0692.24.98.14
Mener une action “Foto Libertad” qui consiste à se laisser prendre en photo avec un panneau “Libertad” pour l’envoyer sur le site http://www.comite-betancourt.org et le diffuser comme une pétition.


Mesurer l’ampleur du drame

La Colombie vit une guerre civile depuis 38 ans dans l’indifférence de la communauté internationale qui se focalise uniquement sur le trafic de drogue. Pourtant, 80% des otages de la planète sont séquestrés en Colombie, 6.000 enfants-soldats sont enrôlés dans les guérillas, 38.000 morts violentes sont à déplorer chaque année, 3 millions de personnes sont déplacées (43% sont des enfants de moins de 18 ans et 51% des femmes), 4 millions de Colombiens sont en exil.
Régulièrement, les journalistes sont réduits au silence d’une balle dans la tête (il était 10 dans ce cas en 2001), tout comme les syndicalistes. L’on ne prend pas toute l’ampleur de ces tragédies qui se succèdent jour après jour, dans des villages isolés, auprès d’innocents. Ce drame colombien ne suscite pas suffisamment d’indignation.


Témoignage d’Ingrid

J’aimerais saluer une autre famille, celle de tous ceux qui pensent à moi, qui ne m’ont pas oubliée, qui se sont mobilisés pour moi, qui ont lutté pour moi et pour nous tous dans cette situation. Je veux saluer ceux qui ont choisi de ne pas nous oublier, en Colombie et hors de Colombie, et spécialement la France et les Français dont la voix s’est élevée lors des derniers événements, et s’est clairement faite entendre jusque dans la jungle, comme une lumière, comme la promesse que le monde peut être meilleur (...).
Propos d’Ingrid Bétancourt, dans sa vidéo de août 2003.


Possibilité d’un échange humanitaire

Alors que la politique de “Sécurité Démocratique” du président Alvaro Uribe déniait jusque là la cruelle réalité qui gangrène son pays, laissant libre fait aux exactions des FARC, la Colombie s’est tout dernièrement déclarée disposée "à un échange humanitaire", comme prévu par le Droit International Humanitaire, abandonnant ainsi l’hypothèse d’une opération militaire pour libérer les otages qui n’aurait pu que conduire à leur exécution. Elle refuse en revanche de céder aux revendications de la guérilla qui exige la création d’une "zone de sécurité", territoire dont l’État se retirerait, car dans le passé, ce type de négociation n’a pu que renforcer le pourvoir des FARC (*). Le gouvernement s’opposerait également à la libération de 500 guérilleros emprisonnés en échange de celle de 59 personnalités militaires et politiques, dont 3 Américains et Ingrid Bétancourt.
Selon Luis Carlos Restrepo, haut commissaire pour la Paix du gouvernement colombien, une commission internationale aurait commencé à fonctionner sous caractère confidentiel strict, sans identification des pays ralliés. Optimiste quant aux possibilités de conclure un accord avec la guérilla de Tirofijo, il précise que "ce qui caractérise cette commission, c’est principalement l’intérêt qu’ont ses participants pour un résultat immédiat qui allègerait la souffrance des kidnappés".

(*) À la suite de l’élection du président Pastrana, en 1998, le gouvernement a lancé des négociations de paix et démilitarisé une zone de 42.000 kilomètres carrés dans le Sud du pays, à avec l’objectif de pouvoir engager des discussions de paix. Pendant 3 années, les Colombiens ont entretenu l’espoir d’un processus politique pacifiste, mais la guérilla des FARC en a profité pour se renforcer militairement, augmenter la production de cocaïne et multiplier les séquestrations de personnes.


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