Violences conjugales : les conséquences économiques - 3 -

On tait le problème, mais les chiffres parlent

29 novembre 2007

Selon le rapport du CRESGE, les répercussions économiques des violences conjugales en France s’élèveraient à plus de 1 milliard d’euros en 2004, estimation minimale. L’objectif de ce rapport est de formuler des préconisations afin d’améliorer l’enregistrement des données statistiques économiques en lien avec les violences conjugales et de favoriser ainsi une meilleure prise en compte du fléau social par les politiques publiques du problème social. La dimension économique sera peut-être un déclencheur.

Après avoir traité dans une édition précédente (voir lundi 26 novembre) des répercussions sanitaires chez les victimes de violences au sein du couple et des coûts induits par les soins hospitaliers, les actes de médecine libérale, la consommation d’anxiolytiques... le rapport prend également en compte parmi les coûts directs, l’ensemble des consommations de services : police, gendarmerie, justice...

Violences conjugales : facteur de risque de maltraitance pour l’enfant

Concernant l’évaluation économique de l’activité judiciaire en lien avec les affaires de violences conjugales, les auteurs du rapport ont, sur ce point encore, été confrontés à un manque de données, sachant que les affaires de divorce et de séparation ne font pas mention des cas liés aux violences conjugales. Néanmoins, à partir des données disponibles dans les rapports de victimisation, le coût des divorces prononcés suite à des violences conjugales est estimé à plus de 10 millions d’euros par an (sur la base de l’année 2004). Le traitement pénal, à savoir les dossiers de condamnation des auteurs, s’élève lui à 14 millions d’euros. Quant aux condamnations qui ouvrent à incarcération, le traitement des affaires représenterait plus de 69 millions d’euros du budget de l’administration pénitentiaire. A ces coûts directement attribuables aux violences commises sur le conjoint, il faut encore ajouter les violences concomitantes perpétrées sur les enfants. Le rapport insiste sur le fait que l’exposition aux violences conjugales constitue un facteur de risque important de maltraitance sur enfants nécessitant le placement de ces derniers, même s’il souligne encore que les études épidémiologiques ne sont pas suffisamment précises sur le lien direct entre violences conjugales et protection juvénile. « Les données économiques relatives au placement des enfants manquent cruellement, en partie parce que ce dernier fait appel à des modalités diverses et qu’il fait partie des compétences des Conseils Généraux. Une étude spécifique portant sur la prise en charge des placements par les départements et les coûts qui lui sont associés doit être mise en place afin d’explorer cet aspect peu connu du retentissement des violences conjugales. » Le nombre de placements d’enfants (âge moyen 9,6 ans) pour cause de violences conjugales est néanmoins estimé à 1,8 million d’euros pour le budget de la protection judiciaire de la jeunesse. A noter qu’à La Réunion, les cas nécessitants le retrait de l’enfant de la cellule familiale en raison d’une mise en danger sont très importants à tel point que structures et familles d’accueil manquent comme l’ont déjà rappelé et les travailleurs sociaux et les juges pour enfant.

De l’API au RMI : le lot des victimes

Toujours sur le volet de l’hébergement, le rapport du CRESGE souligne qu’en France, 27% des personnes accueillies en CHRS (Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale) le sont pour cause de violences intrafamiliales, soit un coût dépassant les 27 millions d’euros, dont 80,9% est supporté par l’Etat. Et cette évaluation ne tient pas compte de l’ensemble des champs relatifs à l’hébergement tels que les logements temporaires, les maisons relais, les places en hôtel, etc, soit une sous-estimation du poids économique réel des violences conjugales en matière d’hébergement d’urgence et d’insertion. Le rapport se penche également sur le montant des aides personnelles au logement attribuables aux violences conjugales lorsqu’après séparation, la victime doit tenter de reconstruire sa vie, son foyer au sein d’un logement social. Le montant total des aides dépasse les 16 millions d’euros pour une année. Sur le volet des violences conjugales et des prestations sociales induites : le coût de l’API courte pour séparation est estimé à 13,5 millions d’euros pour 2004. Sachant qu’un ensemble de travaux met en évidence un report significatif des bénéficiaires de l’API courte vers le RMI à la fin de la période d’attribution d’1 an, le rapport l’évalue à 12,7 millions d’euros toujours pour une année. L’impact économique des violences au sein du couple sur l’activité des services de police et de gendarmerie plafonne à plus de 129 millions d’euros par an, mais reste toujours bien en deçà par exemple des plus de 300 millions d’euros attribuées aux consommations d’anxiolytiques, autres antidépresseurs et médicaments du sommeil absorbés par les victimes exposées aux violences.

2,9 millions d’euros pour la lutte : dérisoire

Une femme enceinte exposée à la violence de son conjoint durant sa grossesse connaît souvent un pronostic défavorable qui conduit soit à la mortalité infantile soit au handicap de l’enfant, notamment le handicap intellectuel. Le coût social et médicosocial du handicap induit par les violences conjugales est estimé à plus de 2,5millions d’euros, même si l’on peut considérer que cette estimation est, comme les coûts intangibles que sont la souffrance et la perte de qualité de vie en liens avec les violences, difficilement totalement mesurable, chiffrable. La littérature distingue trois coûts indirects : le coût humain lié aux décès des nouveaux-nés de très bas poids, celui lié au décès des victimes directes de violences et celui des pertes de productivité des victimes décédées ou handicapées soit : 169,2 millions d’euros en termes de décès, 78,1 millions d’euros pour les répercussions psychologiques des viols perpétrés sur conjoint, 4,8 millions d’euros pour celles des viols sur mineurs, 0,5 million d’euros en termes de handicap et 52,1 millions d’euros en termes de fractures. La perte de production non-marchande est évaluée à 46,9 millions d’euros, essentiellement chez les femmes et les incapacités temporaires de travail à 382.700 pour une année. Apparaît alors au vu de cette énumération certes un peu déshumanisante mais nécessaire, un chiffre totalement dérisoire. La lutte contre les violences conjugales et la prise en charge des situations de crise font partie des investissements réalisés par la société pour faire face à ce problème social soit seulement 2,9 millions d’euros la formation des acteurs, la sensibilisation et la gestion des violences conjugales. Une goutte d’eau dans cette marée noire de violences.

Stéphanie Longeras


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