Pauvreté à La Réunion

Pense-t-on vraiment aux personnes « sans domicile fixe » ?

15 juillet 2009, par Jean Fabrice Nativel

À La Réunion, il y a ceux qui ont une maison et d’autres non.
Hier, j’avais rendez-vous avec Alain à proximité de l’Église Saint-Jacques à Saint-Denis. Alain est une personne qui vit dans la rue, plus communément appelée sans domicile fixe (SDF). Il ne m’a pas oublié, mais comme il m’a dit lors de notre dernière rencontre, l’heure et la date ne sont plus des repères pour lui : il n’a plus la notion de temps. À une personne qui vit dans la rue, on peut lui dire tel jour, on se verra, il vous dira « oui », mais il y a peu de chance que vous le voyez le jour dit.

Faire l’aumône, il faut le faire !

Pas à pas, la rencontre avec Alain s’est faite. D’abord par un bonjour. En effet, je le voyais régulièrement au pied de cette église à attendre qu’une brave âme lui donne une pièce. Faire l’aumône, il faut le faire ! Cette image est blessante, navrante, déconcertante ! Il faut être vraiment dans la détresse la plus profonde et à bout d’espoir pour tendre sa main... Triste, triste, triste de voir cette image de nos jours.

D’Alain, je ne sais pas grand-chose. Pour moi, il est un être vivant, donc un frère. Récemment, il m’a demandé si j’aurais honte de marcher avec lui. Je lui ai répondu que non. Je n’ai à le juger ni sur ce qu’il est, ni sur ce qu’il fait. Ce qui m’intéresse principalement, c’est de l’aider du mieux que je peux. D’ailleurs, il a besoin d’une casquette pour habiller sa chevelure rasta grisonnante. Je compte sur vous !

La dernière fois que je l’ai vu, il était joyeux. C’est vrai, il avait bu, avec raison, juste avant d’aller se coucher dans un endroit qu’il se garde de dire. Il boit, c’est son affaire, et puis qui sommes-nous pour porter la critique ? Qu’avons-nous à lui proposer en contrepartie d’une boisson alcoolisée ?

La seule chose que je sache de lui, c’est qu’il dort sur le front de mer même en hiver. Le jour levé, comme à son habitude, le sac sur le dos, voilà Alain en marche dans les rues de Saint-Denis. Où va-t-il ? À quoi pense-t-il ? Je ne sais. En tout cas, sa vie est tragique.

Un logement, à la longue, on y pense plus !

À la suite de quel événement s’est-il trouvé ainsi ? D’une rupture, d’un décès, de la perte d’un emploi… ? La perspective de vivre à nouveau dans une maison quand on vit dans la rue, à la longue, on n’y pense plus. Sans soutien, il y a peu de chance, avec accompagnement, il y a un espoir.

Dans la rue, on a d’autres priorités : chercher à manger, un endroit pour se protéger des autres… Aujourd’hui, la rue est devenue la scène de la misère. Ne voit-on pas des personnes pauvres à flan de trottoirs, devant les grandes surfaces ou les boutiques, qu’elles soient jeunes ou âgées ? En marchant, n’avez-vous jamais vu des jeunes rire aux éclats sans raison aucune ou marcher le torse nu en criant, en insultant ? Que de tragédies qui se jouent quotidiennement sous nos yeux dans une société divisée avec d’un côté l’opulence et de l’autre la misère ! Pense-t-on, au sortir d’un cocktail, à emmener ne serait-ce qu’une petite assiette de samoussas ou de bonbons piment pour ces personnes ? Peu le font !

Les aider en restant humble

Dans certains pays des États-Unis, les pauvres vivent sous terre. Ici, gageons que non ou peut-être est-ce déjà le cas ? D’ailleurs, que sait-on réellement des pauvres et tout particulièrement des personnes qui vivent dans la rue à La Réunion ? Peu ou pas grand-chose. Cependant, des personnes leur viennent en aide sans qu’il y ait obligatoirement une armada de journalistes, de cameraman, de photographes et des arrivistes.

Pour ma part, ce qui importe, c’est d’œuvrer pour ces personnes qui ont pour “chez-soi” la rue. S’arrêter un moment pour discuter avec eux ou leur apporter à manger, de quoi se vêtir ou se chausser. N’ayez pas peur, elles ne vous repousseront pas si vous savez rester humble, simple, humain quoi ! Vous donnerez à leur cœur un peu de chaleur. Une attention bienveillante.

Texte et photos Jean-Fabrice Nativel


Des lieux d’accueil de jour et de nuit

Il faut donner aux personnes SDF, un nombre suffisant de lieux d’accueil dits de « jour » et de « nuit » qui répondent à leurs besoins et aux différents niveaux de capacités relationnelles (pour se laver, avoir une domiciliation, récupérer leurs droits, avoir des contacts avec d’autres personnes que les SDF ou les passants, bénéficier d’une écoute et d’un soutien, des activités dont des sorties, des voyages avec des familles d’accueil…).


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus