50 ans d’exil infligé par les États-Unis et la Grande-Bretagne

Pour le retour des Chagossiens aux Chagos : 7 Prix Nobel de la Paix écrivent au président des États-Unis

7 janvier 2017

Un événement qu’on peut qualifier d’important est survenu ce 5 janvier 2017. Sept lauréats du Prix Nobel de la Paix, dont l’archevêque sud-africain Desmond Tutu, ont adressé une lettre solennelle au président Barack Obama lui demandant instamment d’utiliser les derniers jours de son mandat pour qu’il mette fin à cinquante ans d’exil infligé au peuple chagossien par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne.
Le dirigeant du Groupe Réfugiés Chagos, Olivier Bancoult, a commenté ainsi cette lettre : « Nous espérons qu’en tant que Prix Nobel de la Paix le président Barack Obama accordera une grande attention au message de ses pairs et qu’avant de quitter la Maison-Blanche, il corrigera l’injustice commise contre les Chagossiens. S’il le fait, le monde se souviendra de lui comme de celui qui aura restauré les droits fondamentaux des Chagossiens de vivre sur leur terre natale. Nous nous sentons mieux sur notre terre, alors laissez-nous y vivre en paix ». Pour sa part, le Comité de solidarité Chagos Réunion « continuera à s’employer à soutenir tous les développements à venir de la lutte des Chagossiens ». C’est cette lettre qui est reproduite ci-après.

Rencontre entre Olivier Bancoult et l’archevêque Desmond Tutu.

Lettre des Lauréats du Prix Nobel demandant instamment au Président Barack H. Obama de rendre Justice au peuple chagossien en exil

5 janvier 2017
Président Barack H. Obama
The White House
Washington, DC, USA

Cher M. le Président,

Alors que se déroulent les derniers jours de votre présidence, nous vous adressons cette lettre en tant que lauréat du Prix Nobel, afin de vous demander instamment de réparer l’injustice historique infligée au peuple chagossien, qui vit dans l’exil et la pauvreté depuis près de 50 ans. Les Chagossiens ont été déplacés de leurs foyers sur l’île de Diego Garcia contrôlée par la Grande-Bretagne pour céder la place à une base militaire américaine. Depuis des décennies les Chagossiens revendiquent leur droit de retourner chez eux. Au mois de novembre dernier, ils ont été foudroyés quand le Royaume-Uni a annoncé qu’il refusait tout retour, en dépit d’une étude commandée par son gouvernement et concluant à la faisabilité d’une réinstallation. Vous seul désormais avez le pouvoir d’aider les Chagossiens à retourner vivre sur la terre de leurs ancêtres, en consolidant par là-même votre héritage de défendeur des droits humains.

Nous tenons à insister sur le fait que les Chagossiens ne vous demandent pas de fermer ni de transformer la base américaine. Ils demandent seulement de pouvoir retourner dans leurs îles pour y vivre dans une coexistence paisible avec la base.

Les ancêtres des Chagossiens arrivèrent dans l’archipel des Chagos comme esclaves venus d’Afrique et travailleurs sous contrat venus de l’Inde. Depuis une époque qui remonte à la Révolution américaine jusqu’à leur déplacement forcé, des générations de Chagossiens ont vécu sur ces îles en développant une culture faite de dignité.

Dans un accord de 1966 passé entre les Etats Unis et la Grande-Bretagne, les Etats-Unis ont promis à la Grande-Bretagne la somme de 14 millions de dollars pour les droits à une base militaire et pour l’éviction de tous les Chagossiens hors de Diego Garcia. Entre les années 1968 et 1973, les agents britanniques, assistés du personnel de la Marine U.S., ont déporté les Chagossiens à quelque 2.000 km de là, dans des bidonvilles à l’ïle Maurice et aux Seychelles. Les Chagossiens n’ont reçu aucune assistance à leur arrivée pour leur réinstallation.

Depuis leur expulsion, ils ont vécu dans une extrême pauvreté et ils ont lutté pour le retour sur leur terre natale. Malheureusement, toute possibilité de retour a été bloquée par les gouvernements américain et britannique, qui ont totalement ignoré les souffrances de ce peuple.

Aujourd’hui, le soutien à la cause chagossienne, pour leur retour, a pris une ampleur internationale. Force a été de constater que des populations civiles vivent à côté de bases américaines un peu partout dans le monde. Des experts militaires reconnaissent qu’une réinstallation ne poserait aucun risque de sécurité à Diego Garcia. La toute récente prorogation de l’accord américano-britannique de 1966 fournit l’occasion historique idéale d’honorer enfin le droit des Chagossiens à vivre sur leur terre natale. En conséquence nous vous demandons :

(1) d’affirmer publiquement que les Etats-Unis ne s’opposent pas au retour des Chagossiens dans leurs îles ;

(2) de reconnaître le droit fondamental des Chagossiens de vivre sur leur terre natale, avec des droits égaux pour accéder à des emplois civils sur la base ;

(3) de fournir une assistance significative à la réinstallation des Chagossiens, ainsi qu’à leur recherche d’emploi sur la base ;

(4) de garantir et sauvegarder ces droits des Chagossiens dans l’accord américano-britannique ;

(5) d’engager des négociations directes avec les représentants des Chagossiens sur l’ensemble de ces questions.

Vous avez le pouvoir de réparer cette injustice historique. Vous avez le pouvoir de montrer au monde que les Etats-Unis font respecter les droits humains fondamentaux. Garantissez que la Justice est faite aussi pour les Chagossiens.

Très cordialement.

Archbishop Desmond Tutu
Nobel Peace Prize, 1984

Jody Williams
Nobel Peace Prize, 1997

Tawakkol Karman
Nobel Peace Prize, 2011

Mairead Corrigan Maguire
Nobel Peace Prize, 1976

Dr. Yu Joe Huang
Nobel Peace Prize, 2007, member of Intergovernmental Panel on Climate Change

Dr. Stephen P. Myers
Nobel Peace Prize, 2007, member of Intergovernmental Panel on Climate Change

Dr. Edward L. Vine
Nobel Peace Prize, 2007, member of Intergovernmental Panel on Climate Change

Traduction Alain Dreneau, CSCR

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