À l’Assemblée Nationale

Pour un contrôleur général des lieux de privation de liberté

26 septembre 2007

L’Assemblée Nationale examinait hier le projet de loi instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Huguette Bello, Députée de La Réunion, est intervenue à la tribune de l’Assemblée dans le cadre de la discussion générale. Elle a à nouveau attiré l’attention du gouvernement sur la situation des prisons de La Réunion. Le texte ci-dessous avait été adopté en juillet dernier par les sénateurs.

« Réclamé depuis bientôt dix ans par l’Office national des prisons, attendu par tous les acteurs et, notamment par l’Administration pénitentiaire, le contrôle des lieux de privation de liberté par un organe indépendant va donc être finalement institué. Ce projet de loi permet à la France de respecter les textes européens et ses engagements internationaux. Adoptées en janvier 2006, les règles pénitentiaires européennes prévoient en effet le contrôle indépendant des conditions de détention, alors que le Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies contre la torture, signé par la France en septembre 2005, prévoit un système d’inspection régulière des lieux de détention.
Au-delà de cette mise en conformité législative devenue urgente, la question qui se pose est de savoir comment l’instauration d’un Contrôleur général des lieux de privation de liberté contribuera à améliorer les conditions de détention, particulièrement dégradées, on le sait, dans les prisons françaises.
Les modalités de la nomination de ce Contrôleur, qui demandent à être encore affinées, les pouvoirs qui lui seront reconnus, notamment quant à ses conditions d’accès aux établissements et, bien sûr, les moyens humains et budgétaires qui lui seront attribués nous éclaireront dès la fin de nos travaux sur l’importance réelle que le Gouvernement entend accorder à cette autorité.
Plus largement, le texte adopté nous donnera des indications sur les intentions gouvernementales en matière pénitentiaire. Il constitue, en effet, la première étape d’un processus qui doit conduire à cette grande loi pénitentiaire elle aussi tellement attendue.
S’il est nécessaire de constater et de contrôler, il est plus nécessaire encore de transformer les établissements pénitentiaires pour qu’ils deviennent de véritables lieux de réinsertion et cessent d’être des bouillons de culture de la récidive.

Si les prisons françaises, comme on l’affirme, sont les pires d’Europe, celles de La Réunion sont les pires de France.

Après la venue sur place, en 1999, d’une délégation parlementaire, une commission d’enquête sur les prisons a été constituée à l’Assemblée nationale. On lit au début de ce rapport, à propos de la maison d’arrêt de Saint-Denis de la Réunion : « L’état lamentable de cet établissement, une honte pour la République, comme a cru devoir le qualifier un des membres de la délégation, a permis d’entamer une nécessaire réflexion sur le système pénitentiaire français. »

Il est à craindre que ce terrible constat soit toujours d’actualité. Au cours de ces dernières semaines, deux syndicats de surveillants de prison alertaient les médias et le gouvernement sur la surpopulation carcérale et les conditions de détention dans les prisons réunionnaises. Un courrier vous a été adressé Madame la Ministre. De manière plus inattendue, le directeur de la prison Juliette-Dodu de Saint-Denis lui-même aurait insisté sur les conditions de détention indignes qui y sont faites aux prisonniers. Il faut savoir que 326 personnes s’entassent actuellement dans des conditions insupportables à Juliette-Dodu, alors que cette prison compte seulement 123 places.
En 2005, le comité européen pour la prévention de la torture avait rédigé un rapport sur les conséquences de la situation des prisons à la Réunion. Ce rapport déplorait les conditions de vie dégradées et dégradantes des détenus, en même temps qu’il soulignait « le dévouement et le professionnalisme du personnel de surveillance. » Il insistait sur la fréquence et la gravité des violences entre codétenus et stigmatisait une prise en charge sanitaire déficiente : présence médicale insuffisante et vétusté des locaux de consultation et d’hospitalisation.
On imagine que, dans ces conditions, la réinsertion relève du miracle et que la privation de liberté constitue une atteinte à la dignité humaine.
Exerçant mes prérogatives de parlementaire, je visite régulièrement les prisons réunionnaises sans jamais manquer d’alerter le Ministre de la Justice sur la gravité de ce que je constate. Il faut savoir, par exemple, que les trente cellules de 15m carrés de Juliette-Dodu accueillent parfois jusqu’à quinze détenus. Certains prisonniers n’y ont pas de matelas et dorment à même le sol.

Nous savons qu’un nouvel établissement est prévu sur le site de Domenjod. Pouvez-vous, Madame la Ministre, nous en confirmer officiellement l’ouverture en 2008 ?
Qu’en sera-t-il, par ailleurs, de la maison d’arrêt de Saint-Pierre, installée dans un bâtiment tout aussi vétuste et qui connaît également un taux d’occupation qui frôle les 300% ?
Qu’en sera-t-il du centre pénitentiaire du Port qui, quoique installé dans un bâtiment plus récent, connaît des difficultés très comparables : le quartier des mineurs, au mépris des Règles pénitentiaires européennes, connaît un taux d’occupation de 220% ?

Devant une situation aussi grave, aussi dangereuse pour la sécurité du personnel et des détenus, je souhaite que les prisons de La Réunion reçoivent très vite, en priorité, la visite du futur Contrôleur général et que le Comité d’orientation restreint que vous avez installé pour l’élaboration de la future loi pénitentiaire leur accorde une attention particulière. »


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