Ni formation, ni emploi pour tous les jeunes Réunionnais

Pourquoi refuser à la jeunesse réunionnaise le droit de se préparer à être responsable de son pays ?

19 janvier 2013

Les jeunes Réunionnais sont particulièrement victimes de la politique inégalitaire et discriminatoire qui divise notre société en deux mondes. À La Réunion, en 2009, 47,7% des jeunes n’étaient déjà ni en emploi, ni scolarisés, ni en formation. Des injustices qui n’ont cessé de s’aggraver et qui interdisent à la jeunesse réunionnaise de prendre en mains l’avenir de son pays. Or, c’est à cela que doit se consacrer avant tout le système éducatif. Mais que font les politiques au pouvoir pour changer ce système ?

De plus en plus de jeunes Réunionnais sont privés de formation et d’emploi. Inacceptable ! Ce qui justifie le combat de l’AJFER (Alliance des jeunes pour la formation et l’emploi à La Réunion).

Les inégalités entre jeunes se creusent avec la crise. La ligne de fracture s’établit entre jeunes diplômés et non diplômés. Non seulement le système scolaire ne corrige pas les inégalités sociales, mais il les reproduit. L’accumulation de mesures sectorielles pour les non diplômés n’a pas permis d’enrayer la spirale de l’exclusion.

L’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) a organisé, au Conseil économique, social et environnemental (CESE), le 4 décembre dernier, les premières Rencontres de l’Observatoire de la jeunesse et des politiques de jeunesse à l’occasion de la publication du rapport intitulé "Inégalités entre jeunes sur fond de crise".

« Une des causes majeures »

Plus de 300 personnes se sont ainsi donné rendez-vous sur les bancs de l’hémicycle de la troisième Chambre de la République, en présence de Valérie Fourneyron, ministre des Sports, de la Jeunesse, de l’Éducation populaire et de la Vie associative, Jean-Paul Delevoye, président du Conseil économique, social et environnemental, ainsi que Philippe Da Costa, président du Conseil d’administration de l’INJEP.

Ce dernier a notamment rappelé que « la cause de la jeunesse est une des causes majeures » de notre société. Et que « les crises qui secouent l’Europe et le monde méditerranéen démontrent, s’il fallait encore le démontrer, que cette question de la jeunesse interpelle l’ensemble des générations et engage l’avenir de nos sociétés » , a-t-il déclaré.

Nombreuses inégalités

Évoquant le rapport "Inégalités entre jeunes sur fond de crise", Olivier Galland, président du Conseil scientifique de l’INJEP et contributeur à l’ouvrage, a souligné que la société française présente non pas une jeunesse, mais des jeunesses, dont les nombreuses inégalités constituent un puissant révélateur. Et le système éducatif est une des causes de ces inégalités. (voir encadré)

Évoquant les trajectoires professionnelles, le directeur de l’INJEP a estimé que le « sur-chômage de la jeunesse est en partie lié au fait que les jeunes sont des entrants dans le marché du travail, mais l’écart avec le chômage des adultes a cependant tendance à s’accroître sur une longue période ».

Par ailleurs, si l’accès à l’emploi est très différencié selon le niveau de diplôme, il l’est aussi selon le genre : « Pour la première fois, le taux de chômage des jeunes hommes a dépassé celui des jeunes femmes ».

Des chiffres explosifs outre-mer

Enfin, Olivier Toche a alerté sur cette nouvelle catégorie de jeunes découragés, en retrait du marché du travail, qui ne sont même plus repérés par le taux de chômage. Sa progression est préoccupante et sa répartition territoriale devrait interroger, « notamment dans les territoires du bassin méditerranéen et les territoires ruraux en voie de désindustrialisation, sans compter l’Outre-mer où, là, les chiffres explosent ».

Quand on connaît les chiffres qui deviennent de plus en plus explosifs à La Réunion, quels enseignements en tire la classe politique au pouvoir ? Aucun, puisque sa priorité est la défense de ses intérêts personnels. C’est pourquoi Paul Vergès ne cesse de tirer la sonnette d’alarme sur ces problèmes et appelle le peuple réunionnais à lutter pour le respect de ses droits, notamment ceux des plus pauvres et des jeunes, de plus en plus privés de formation et d’emploi.

L’École ne joue pas son rôle

Dans nos sociétés, « les inégalités se sont accrues depuis 30 ans. Et si les origines sociales et géographiques sont porteuses d’inégalités "héritées", l’idéal d’équité voudrait qu’un correcteur intervienne pour que ces inégalités ne soient pas reconduites à l’infini », selon Olivier Galland.

Or, l’École, estime le président du Conseil scientifique de l’INJEP, « joue mal ce rôle de correcteur ». Pire : « Il semble qu’elle le joue de moins en moins bien ».

Il existe de profondes disparités entre ceux qui réussissent et ceux qui échouent. Non seulement « un jeune sur 5 sort sans avoir en poche le Brevet des collèges » , mais les écarts entre les meilleurs élèves et les moins bons se creusent davantage, a exposé Olivier Galland, citant l’enquête PISA de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). De plus, un nombre important d’élèves finissent leur scolarité sans les compétences élémentaires.
La France, une société très statutaire

« La France développe, pour des raisons culturelles, un culte du diplôme qui fait que ceux qui en sont dépourvus sont durablement sanctionnés par le marché du travail » , a expliqué Olivier Galland. Commentant un graphique sur le taux de chômage des 15-29 ans, au sens du Bureau international du travail (BIT), le chercheur a également établi que le décrochage des non-diplômés vis-à-vis de l’emploi s’est opéré dans les années 80, pour ensuite s’accélérer.

« La France est une société très statutaire où le diplôme joue un rôle d’affectation à des statuts sociaux très hiérarchisés. Le diplôme occupe une fonction de tri social qui se conjugue mal avec celle d’atténuation des inégalités. La conjonction du classement académique, de l’hyper-valorisation des diplômes, et le dédain pour les métiers manuels contribuent à la fabrication de cette machine à exclure qui caractérise la société française aujourd’hui », a dénoncé Olivier Galland.

Circonstances aggravantes, ces non-diplômés sont mal indemnisés par les aides publiques : « Pas d’emploi, pas d’indemnisation chômage, pas de RSA… Ils dépendent totalement des solidarités familiales. Si la rupture intervient avec la famille, ces jeunes se retrouvent dans le plus total dénuement » , a résumé Olivier Galland. Et pourquoi applique-t-on ce système injuste à La Réunion, au lieu de changer de statut ?
Quelle réponse aux jeunes sans diplôme ?

Une personne est intervenue dans le débat du CESE du 4 décembre pour soutenir « la nécessité d’améliorer notre système éducatif afin qu’un maximum de jeunes accèdent au diplôme, qui est une porte d’entrée » . En même temps, il faut « se poser la question de savoir ce qu’on fait avec ceux qui n’accèdent pas à un diplôme et qui, dans le cursus scolaire, en arrivent à une condition de rejet parce qu’ils ne trouvent plus en eux-mêmes les ressources qui leur permettent d’accéder à ce sésame ».

« Dans l’école publique, il faut donner accès à cette découverte de soi qui permet de rentrer dans la vie active à travers des dispositifs de volontariat comme le service civique », a-t-il dit, en ajoutant que la « politique qui consiste à mettre en place des emplois-jeunes ciblés que sont les emplois d’avenir est aussi une réponse, car tant que nous n’aurons pas apporté de réponse aux jeunes sans diplôme, sans reconnaissance de la valorisation de leur expérience, je pense que nous aurons failli ».

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