Quand des médias banalisent le crime contre les libertés

13 janvier 2005

(Page 16)

On nous annonce ça comme une nouvelle : cinq détenus de Guantanamo vont être prochainement libérés. Pas une seule once de critique. La presse (pas seulement "Le Monde") se contente d’énoncer les faits, sans prendre du recul ni de la hauteur par rapport à la gravité de ce qui s’est passé.
En effet, ces personnes ont pris 3 ans de prison, qui leur ont été infligés dans des conditions hors la loi : aucun jugement, aucune défense, aucun droit de regard sur les interrogatoires et les conditions de détention, aucune visite, bref des conditions remontant à plus d’un siècle en arrière. D’autant que ces personnes ont été emprisonnées parce que soupçonnées d’appartenance à des organisations politiques déclarées "terroristes" par leur geôlier.
L’opinion publique internationale est anesthésiée par certains journalistes qui ne font plus leur travail.
La seule critique contenue dans cet article du “Monde” consiste en l’énoncé d’un fait : "M. Straw a rappelé mardi que cinq Britanniques avaient déjà été libérés de Guantanamo en mars 2004. A leur retour en Grande-Bretagne, ils avaient été interrogés par la police, puis remis en liberté."
Le crime contre les libertés est ainsi décrit de façon banale, pateline : depuis 2001, cinq personnes ont été arrêtées, jetées au secret dans un bagne illégal, jamais jugées, et finalement libérées - parce que britanniques (les autres, on s’en fiche...!) - au bout de 3 ans de geôle puis renvoyées dans leur pays, libres. Elles étaient donc innocentes. Mais qui, à part ces 5 personnes et leur famille, s’en soucie ?
Oui, décidément, un nouvel “ordre mondial de l’information” est nécessaire. Et si les médias sont en crise (voir l’article "Médias en crise", signé Ignacio Ramonet dans “le Monde diplomatique” de janvier 2005) c’est aussi sans doute parce qu’ils se révèlent incapables de remplir leur rôle d’éclaireurs de l’opinion.


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