Lorsque la lutte contre la pauvreté n’est pas la première priorité

Quand la pauvreté tue à La Réunion

30 janvier 2018, par Manuel Marchal

La mort dans la quasi-indifférence d’une personne sans domicile fixe à Saint-Denis rappelle que le système en place à La Réunion est incapable de faire reculer la pauvreté. Les conséquences sont tragiques. La lutte contre la pauvreté est la première priorité des Objectifs de développement durable adoptés en 2015 par les membres de l’ONU, ce n’est la cas à La Réunion.

Photo Toniox.

En 2015, les États du monde ont adopté les Objectifs de développement durable. Ces objectifs doivent être atteints en 2030. Le premier est « éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le monde ». Dans le rapport 2017 sur l’état d’avancement de ces objectifs, l’ONU écrit ceci au sujet de la réduction de la pauvreté :

« En 2013, on estimait que 767 millions de personnes vivaient en dessous du seuil de pauvreté, contre 1,7 milliard en 1999. Cela représente une réduction du taux mondial d’extrême pauvreté, qui est passé de 28 % en 1999 à 11 % en 2013.

En 2016, dans le monde, un peu moins de 10 % des travailleurs vivaient, avec leur famille, avec moins de 1,90 dollar par personne et par jour. Les conditions de vie des jeunes travailleurs étaient beaucoup plus précaires : 9 % des travailleurs adultes et leur famille vivaient dans l’extrême pauvreté, contre 15 % des jeunes travailleurs.

En 2016, seulement 22 % des chômeurs dans le monde recevaient une allocation chômage, 28 % des personnes gravement handicapées une pension d’invalidité, 35 % des enfants des allocations familiales, 41 % des femmes qui avaient eu un enfant des prestations de maternité, et 68 % des personnes ayant atteint l’âge de la retraite une pension.

Les pertes économiques dues à des catastrophes naturelles atteignent maintenant une moyenne de 250 à 300 milliards de dollars par an, et les petits pays vulnérables sont touchés de manière disproportionnée. »

Nécessité de lutter

Ces données diffusées par l’ONU ont un sens particulier à La Réunion. Dans notre île, plus de 40 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Cette proportion ne change pas alors que dans le monde, elle a été diminuée de moitié. Les progrès ont été réalisés dans des pays en développement, qui ne disposent pas d’autant de moyens que les anciennes puissances coloniales comme la France. Ils démontrent que quand la volonté politique place la lutte contre la pauvreté comme une priorité, alors des résultats positifs peuvent être obtenus.

C’est ce que rappelle la comparaison des taux d’indemnisation des chômeurs. En mai 2015, Sur 135.000 personnes inscrites à Pôle emploi déclarant avoir été privés de travail pendant au moins le mois précédent, près de 60.000 étaient indemnisées. Cela représente 44 %. C’est un taux représentant le double de la moyenne mondiale, et c’est la conséquence des luttes qui ont été menées pour que l’égalité sociale s’applique à La Réunion. En effet, avant que cette égalité sociale soit obtenue, l’indemnisation du chômage n’était pas garantie pour les travailleurs privés d’emploi même s’ils répondaient aux critères ouvrant ce droit en France.

Mort dans la quasi-indifférence

La bataille pour l’égalité sociale a permis aux plus pauvres d’avoir le droit à un revenu minimum. Mais il est bien insuffisant pour survivre, et certaines personnes renoncent à ce revenu minimum pour pouvoir léguer leurs biens à leurs héritiers. Le retard pris par la lutte contre la pauvreté à La Réunion peut provoquer des drames. La presse d’hier relatait le décès d’une personne sans domicile fixe dans le quartier de La Rivière à Saint-Denis. L’homme est mort dans la quasi-indifférence dans un abri de fortune. Ce sont deux personnes qui l’ont découvert. Deux personnes qui agissent bénévolement contre la pauvreté en allant à la rencontre des abandonnés. Elles déplorent la difficulté d’accéder aux soins pour ces personnes qui sont mises à l’écart de la société.

En cette période cyclonique, des Réunionnais survivent sous des ponts, d’autres dans des maisons à l’abandon, car ils n’ont pas les moyens de se payer un toit. Cette pauvreté ne peut avoir que des conséquences dramatiques. Mais le système qui prévaut à La Réunion est bien incapable de régler ce problème. Pour que la lutte contre la pauvreté soit une priorité, une autre politique est nécessaire.

M.M.

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