Affaire de la Banque centrale des Comores - 4 -

Quand le procureur et le premier président de la cour d’appel attaquent l’intégrité des avocats de la défense

21 juin 2005

Le vendredi 10 juin, l’agence HZK-Presse/Kalaweni, titrait que le premier président de la Cour d’appel regrette l’attitude des avocats dans l’affaire Banque centrale des Comores. On trouvera cet article ci-dessous (les intertitres sont de “Témoignages”) et en encadré, la réaction d’un des avocats d’Ibrahim Ben Ali.

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Le procureur de la République, Idi Bazia, vient de transmettre à la brigade judiciaire la plainte déposée hier mercredi par les avocats de M. Ibrahim Ben Ali, gouverneur de la banque centrale des Comores, incarcéré à la maison d’arrêt de Moroni depuis 48 heures, dans le cadre d’une affaire de détournement de fonds mettant en cause des employés de la BCC.
Interrogé ce jeudi matin par l’agence HZK-Presse/Kalaweni, sur les suites qu’il entend donner à cette plainte qui dénonce "une détention arbitraire" du gouverneur Ben Ali, le procureur déclare avoir "agi en son âme et conscience" dans ce qu’il considère comme une "petite affaire" qui suit son cours normal.

Manque de sincérité et d’honnêteté ?

Il affirme en outre, n’avoir subi "aucune pression politique", rappelant que "le parquet a pour mission d’exécuter les décisions rendues par les tribunaux et cours." Quant au premier président de la Cour d’appel, qui a prononcé la condamnation, il dit "regretter l’attitude des avocats" de la défense. M Nourdine Abodo, qui s’exprime rarement dans la presse, reproche aux avocats leur "manque de sincérité et d’honnêteté", car selon lui, "ils ne jouent pas franc jeu dans cette affaire." Ce haut magistrat, proche du colonel Azali, sort de sa réserve pour donner une autre lecture du débat soulevé par le pourvoi en cassation, qui dans le contexte juridique actuel, ne serait pas recevable en l’absence de la cour suprême. "Sans avoir à justifier une décision de justice déjà rendue, je me dois de rappeler que les règles, ce n’est pas seulement les textes, c’est aussi les usages, les pratiques, la jurisprudence, voire même la notion d’équité" ajoute-t-il.
Le premier président qualifie de "manœuvre dilatoire" le refus de se conformer à "une règle unanimement admise par tous, y compris les avocats." en citant l’exemple du Sénat, une institution prévue par la constitution de 1992, mais qui n’a jamais été mise en place. Pour l’instant cette affaire n’a encore donné lieu à aucune réaction officielle du gouvernement comorien, ni des autorités de tutelle, tant à Moroni qu’à la Banque de France. Il faudra sans doute attendre le prochain conseil d’administration, qui se tiendra dans les prochains jours, pour se fixer sur le sort du gouverneur de la BCC, et des conséquences politiques et financières qui en découleront.


La défense demande uniquement l’application de la loi, toute la loi, rien que la loi

Suite à cette dépêche, maître Rémi Boniface a écrit un communiqué. Il rappelle trois choses.
Tout d’abord "que le recours en cassation est prévu par la Constitution des Comores" et "qu’il n’appartient pas à un magistrat de la Cour d’Appel d’apprécier la recevabilité d’un recours en cassation contre une décision de la Cour, tout comme il n’appartient pas à un magistrat du Tribunal d’apprécier la recevabilité d’un appel formé contre un jugement du Tribunal." Et enfin que "dans un état de Droit, la Loi s’impose à tous : d’une part, on ne peut condamner comme complice de vol une personne à qui on ne reproche aucun acte positif de complicité ; d’autre part, on ne peut légalement incarcérer une personne qu’une Cour a condamné à un mois de prison, lorsque cette personne a formé un recours en cassation. Les avocats du Gouverneur avaient donc raison de former ce recours."
Il termine : "Ce ne sont pas les avocats qui ont créé les règles, c’est la Constitution et la loi applicable aux Comores. Et l’article 28 de la Constitution impose comme seul devoir aux magistrats d’appliquer la loi. Nul n’est autorisé à s’en affranchir, surtout en invoquant que le non-respect de ces règles constitutionnelles et législatives serait “une règle unanimement admise par tous”. L’on ne peut pas sérieusement se voir reprocher de manquer de sincérité et d’honnêteté, lorsqu’on demande uniquement l’application de la loi, toute la loi, rien que la loi."


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