L’ORPH avait raison

Quel gâchis !

16 mai 2006

La Cour de Cassation de Paris vient d’annuler la décision de la Cour d’Appel de la Chambre sociale qui a conduit à la fermeture de l’ORPH (Office réunionnais des personnes handicapées) en novembre 2003. La convention collective appliquée par l’association était finalement la bonne. Si cette décision de justice permet de réhabiliter l’ORPH auprès de l’opinion publique, c’est une compensation bien maigre au regard du vide laissé par sa disparition.

En 2003, plusieurs affaires de détournements de fonds mettent à mal l’intégrité des associations parapubliques. Dans un climat de suspension, "nous avons été très salis, un peu meurtris car assimilés à un mauvais gestionnaire, explique Huguette Vidot, ancienne présidente de l’ORPH. Je n’ai pas souhaité alors faire de déclaration publique, mais notre trésorerie était saine".

Trésorerie saine

Pour preuve, à sa fermeture, plus de 516.000 euros ont été confiés à Maître Badat, mandataire judiciaire à la Caisse des dépôts et consignation. Si l’association a déposé une déclaration de cessation de paiement, c’est uniquement par soucis de bonne gestion, pour anticiper la dette qu’allait engendrer les arriérés de paiements à verser à 10 anciens salariés de l’entreprise qui ont engagé une démarche auprès des prud’hommes, estimant que la convention collective alors appliquée par l’ORPH n’était pas la bonne. "Il nous était impossible d’assumer près d’1 million d’euros de salaires pour 10 personnes avec 5 ans de rétroactivité, confie Daniel Minienpoullé, ex-directeur de l’ORPH. Mais la Cour d’Appel, en confirmant la décision du prud’hommes, a fait une erreur. Nous n’étions pas concernés par l’application de cette convention collective du 15 mars 1966". À l’époque, l’ORPH a proposé au représentant syndical la mise en place d’une grille interne pour l’étalement du paiement, soutenue dans ce sens par le Département. Mais le refus a été catégoriquement contre l’avis de la majorité des salariés qui voyait son emploi menacé. Au final, les perspectives d’intégration des contrats précaires ont été anéanties, 111 salariés se sont retrouvés au chômage, dont 98 assistants de vie scolaire (AVS) qui permettaient à 145 enfants handicapés d’être scolarisés en milieu ouvert. À ce jour, ce sont plus de 1.000 enfants qui sont inscrits sur la liste d’attente du Rectorat pour intégrer un établissement public, si tant est qu’il puisse bénéficier d’un AVS.

Un grand vide

"Ce qui est fait est fait, constate Huguette Vidot, mais c’est regrettable que dans beaucoup de commissions, les personnes handicapées n’aient plus droit à la parole. Il n’y a plus de structure de conseil pour l’accessibilité". Lié par une convention triennale avec le Département, soutenu également par la Région Réunion et l’État, après 14 ans d’existence, l’ORPH était le médiateur privilégié des institutions, comme des associations et familles d’handicapés qu’il accompagnait dans leurs actions collectives ou individuelles. Mandaté par le Département pour élargir sa mission, l’ORPH conseillait communes, privés et particuliers, pour rendre accessibles aux personnes handicapées les lieux publics ou privés. Pour Jean-Claude Sautron, ex-administrateur de l’association, "cette décision de justice prouve que l’on avait raison, mais aujourd’hui, il n’y a plus de suivi dans l’accessibilité, cela fonctionne au coup par coup. Depuis la fermeture, on reçoit toujours individuellement des appels pour des conseils ou informations sur ce sujet. Il n’y a plus d’offre pour répondre à la demande". L’ORPH a donc encore une raison d’être ? "Sûrement, mais pas sous la même forme dans un contexte de mise en place de guichet unique avec l’installation de la Maison départementale du handicap. Si l’on devait repartir, on le ferait avec un fond de roulement, les anciens bénévoles seraient prêts, mais à ce jour, on ne souhaite pas se prononcer. On verra selon la place qui nous est laissée, selon les partenaires". Huguette Vidot ne veut pas s’avancer. Dans le courant de l’année, la Cour d’Appel doit rendre un nouveau jugement.

Estéfani


Commentaire

Maître Philippe Cers : "C’est le système qui a détruit l’ORPH"

"Dans cette affaire un peu triste, on ne peut pas reprocher à quelqu’un d’avoir commis une faute, une erreur. Une partie des salariés défend leur bout de gras, alors que la majorité défend son travail.L’association est saine, bien gérée, elle a de la trésorerie, ses missions répondent à un besoin". Maître Cers ne revient pas sur la décision des prud’hommes ou de la Cour d’Appel qui ont leur propre appréciation. Dans cette affaire, chacun a défendu ses intérêts, mais ce qui "inquiète, interpelle" Maître Cers, c’est que "le système est fait pour tuer l’entreprise. Alors même que l’association va gagner son procès, elle est déjà anéantie. Je suis révolté par ce constat". Maître Cers tient à nous offrir un exemple des mécanismes qui tue l’entreprise. "Quand une entreprise est en liquidation judiciaire, un représentant des salariés est élu. Si la majorité des salariés n’est pas en phase avec ce représentant, un nouveau délégué devrait pouvoir le remplacer, mais la loi prévoit que c’est le premier délégué qui reste, et là, en l’occurrence, cela s’est retourné contre les salariés. La loi du redressement judiciaire est là en principe pour protéger l’entreprise, mais elle ne fonctionne pas et c’est le système qui a détruit l’ORPH". En attendant, c’est l’ASSEDIC, donc la collectivité, qui paie les ex-salariés.


Alain Grondin, ancien bénévole de l’ORPH : "Il faut regarder devant"
En 2000, Alain intègre l’ORPH comme administrateur bénévole au service de l’amélioration de l’accessibilité des lieux publics, un sujet qui le touche particulièrement, lui même en fauteuil roulant. Il nous parle du "rôle important" que jouait l’ORPH dans ce domaine, en réalisant à la fois les prescriptions, les devis et constituant même les dossiers de demandes de fonds. "Avec un architecte et 4 techniciens, l’ORPH avait un service structuré capable d’assurer un suivi auprès des communes et sur le plan départemental. Aujourd’hui, chacun est dans son coin, il n’y a plus de relais, de travail de fond. Les aménagements urbains se font et ce n’est qu’après que l’on constate qu’ils ne répondent pas aux normes d’accessibilité pour les personnes handicapées". Depuis la fermeture de l’ORPH, Alain qui habite à l’Étang Salé n’a pas trouvé d’autres structures qui lui permettrait de mener ce travail. Mais suite à la décision de la Cour de Cassation, l’espoir renaît : "aujourd’hui l’ORPH peut être réhabilitée... Si l’équipe qui était en place m’appelle, je viens tout de suite. Il faut regarder devant, se fédérer, avancer, pour les personnes handicapées".


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