Affaire de la Banque Centrale des Comores - 5 -

’Sommes-nous dans une Communauté de Droit de l’océan Indien ?’

22 juin 2005

Depuis le 8 juin, Ibrahim Ben Ali est détenu à la Maison d’arrêt des Comores, malgré le pourvoi en cassation formé par ses avocats. Pour Maître Rémi Boniface, ce procès est une suite d’entorses aux règles fondamentales du droit.

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"Sommes-nous dans une Communauté de Droit de l’Océan Indien ou ailleurs ?", se demande Maître Rémi Boniface, un des avocats d’Ibrahim Ben Ali, gouverneur de la Banque Centrale des Comores. (Voir Témoignages depuis vendredi 17 juin) Il revient avec nous sur l’arrêt de la cour d’appel qui condamne le gouverneur selon deux motifs.

Complicité par abstention, ça n’existe pas

Le premier motif donné est que le gouverneur n’apporte pas la preuve qu’il a toujours fait son travail au mieux. Or s’il l’avait fait, la cour estime qu’il aurait pu avoir connaissance que des agents volaient. Il aurait donc pu empêcher la poursuite de ces vols. Ce motif est pour maître Rémi Boniface un inversement de la charge de la preuve : "il revient au Ministère publique de prouver la culpabilité, et non pas au prévenu de prouver son innocence, il y a là quelque chose d’incompréhensible... Une inversion prohibée en droit." Il formule aussitôt une autre critique car le motif reconnaît qu’on ne reproche aucun acte positif de complicité de la part du gouverneur Ben Ali et "la complicité par abstention ça n’existe pas, tout comme il n’existe pas de délit par abstention."

Motifs sans preuve et contradictoires

Le deuxième motif de condamnation est tout aussi éloquent. Il consiste à dire que les agents qui ont volé ont indiqué que beaucoup de personnes étaient informées, dont le caissier, Yahaya, qui serait selon certains, un ami du gouverneur, qui pouvait le rencontrer soit au bureau soit à son domicile. Yahaya a dû lui faire des confidences et donc Ben Ali savait et s’il n’a rien fait, c’était pour conserver son poste de gouverneur. L’incompréhension des avocats de la défense grandit davantage : "Ce deuxième motif est inadmissible car c’est un raisonnement par pure supposition, c’est une nouvelle fois la reconnaissance de l’absence totale de preuve. De plus, les deux motifs son contradictoires. Ou il savait, ou il ne savait pas, quand veut condamner quelqu’un, on doit savoir pourquoi, il faut choisir. Cela montre que nous avons bien eu raison de faire un recours."

Recours ou pas ? Recours, toujours.

La conférence de presse des avocats d’Ibrahim Ben Ali a eu lieu simultanément aux Comores et à La Réunion le jeudi 16 juin dernier. Le lendemain, dans son édition du vendredi 17 juin, le journal Al-Watwan, proche du gouvernement, livre une interview donnée par le procureur général qui indique que "les recours sont possibles, mais seulement dans certains cas." Maître Rémi Boniface bondit à cette lecture : "Faux ! Ils sont possibles dans tous les cas." Il contredit ainsi la Cour d’Appel pour qui on ne peut pas faire de recours. "Que les hauts magistrats se mettent d’accord", réclame l’avocat, "un recours peut-être accepté ou pas. Il ne s’agit pas de rejuger, mais de dire que les règles de droit, les règles de fonds, ne sont pas respectées, et qu’on ne condamne pas dans de telles conditions."

Eiffel


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