Droit du sol, droit du sang

Sudel Fuma, historien : Attention... dérive extrémiste

29 septembre 2005

Dans un entretien à “Témoignages”, Sudel Fuma estime que la remise en cause du droit du sol relève ’d’une pure stratégique politique - liée à une méconnaissance totale de l’histoire de la zone océan Indien’.

Que se serait-il passé en 1848 si l’on n’avait pas, de fait, appliqué la reconnaissance du droit du sol aux affranchis ? Et après 1848 ?

- Sudel Fuma : Si en 1848, le droit du sol n’avait pas été mis en application de fait et de droit, les 62.000 réunionnais esclaves accédant à la liberté, n’auraient pas été reconnus comme citoyen de la République, ce qui veut dire que plus de la moitié des Réunionnais d’aujourd’hui n’aurait pas été des français. C’est dire l’importance de ce droit dans l’histoire de La Réunion dès le moment où La France décide de rompre avec le système inique de l’esclavage.
Après 1848, avec cette fois ci l’application de la loi de 1889, ce sont tous les descendants de la communauté indienne issue de la période du servilisme (engagisme) qui bénéficieront de cette loi à leur majorité. Il faut se rappeler que tous les Réunionnais dont les ancêtres sont venus de l’Inde ne sont français que depuis 124 ans ! Le risque, aussi minime soit-il, existe donc pour que demain des extrémistes de tous bord contestent le droit de nationalité que certains considèrent comme un droit acquis !

Pourquoi remettre en question ce droit à la nationalité alors que d’autres mesures peuvent s’avérer plus efficaces pour diriger et contrôler les flux migratoires ? Quelles conséquences voyez-vous à cette remise en cause ?

- La remise en cause de ce droit relève selon nous d’une pure stratégique politique - liée à une méconnaissance totale de l’histoire de la zone océan indien - destinée à récupérer les peurs et angoisses d’une population réunionnaise et mahoraise, confrontées aux problème de l’immigration et plus particulièrement de l’immigration clandestine.
Le même débat se pose en France avec autant d’acuité concernant l’immigration clandestine venue d’Afrique du Nord. Le danger réside alors dans la surenchère des autorités politiques élues : pour paraître crédible, on veut faire mieux que l’autre et on donne dans un registre proche du fascisme : c’est par exemple la triste histoire des test ADN pour reconnaître quel enfant né à Mayotte bénéficiera de la nationalité française. On n’est pas loin de la France de Vichy.

Y a-t-il une différence entre un enfant mahorais et un enfant comorien ?

- Eh bien non, l’enfant né sur le sol d’un pays n’est pas responsable de sa naissance et il a droit à la citoyenneté en fonction du droit du sol... Il se trouve que certains hommes politiques, dont Ibrahim Dindar, veut le rendre responsable... C’est grave, encore plus grave dans un pays comme le nôtre qui s’est constitué par addition d’étrangers...
On pourrait dans ce cas appliquer des tests ADN aux enfants des français d’origine maghrébine ou autres résidant sur le sol "métropolitain"... Voilà un bon terrain d’expérience pour un Jean-Marie Le Pen ou ceux de la droite dite démocratique qui veulent faire “mieux” que lui...


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Messages

  • on vient de nous communiquer qu’un ministre français (l’information est passée si vite sur RFO que je n’ai pas pu retenir son nom) déclare que les enfants nés à Mayotte de parents étrangers ne seraient plus reconnus français. C’est une remise en cause du droit du sol et la dérive vers l’identité héréditaire, risque que le Professeur Sudel Fuma dénonçait déjà il y a plus de deux ans dans cet article de Témoignages.


Témoignages - 80e année


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