Pourquoi un tel retard pour dénoncer un acte très grave ?

Un anti-racisme de commande ?

13 juillet 2010, par Geoffroy Géraud-Legros

Luc Châtel a fini par annoncer que son administration allait prendre des sanctions contre Serge Copy. Une ’affaire’ qui en dit long sur le délabrement citoyen qui ronge notre société.

Face à l’inertie des institutions et des faiseurs d’opinion à La Réunion, il a fallu la plainte déposée par le Collectif "Non au racisme, respekt anou", ainsi que les interventions répétées de ce dernier, pour qu’enfin quelque chose se passe.
Du côté de l’institution, l’expression décomplexée du racisme et de la haine des femmes a été reçue avec indifférence qui confine à la complaisance. Parallèlement au silence persistant du Rectorat, les magistrats n’ont, aux dires des observateurs que mollement réagi aux propos tenus par Serge Copy dans l’enceinte même du Tribunal. Étonnante réserve, qui tranche avec les sommets d’art oratoire que sont capables d’atteindre nos juges : la presse rapporte avec régularité les moucatages bien ciblés qui résonnent dans les prétoires, envers la masse des "petits" justiciables créoles, pauvres, illettrés.

«  Circonstances atténuantes  »

Même laxisme du côté des médias réunionnais. Notoirement portés à exalter les faits divers, ceux-ci ont fait preuve dans l’affaire Copy d’une réserve inhabituelle, allant jusqu’à contourner l’affaire et à minimiser les faits. Un comportement ressenti par Emilie Assati, membre du collectif contre le racisme : « La presse locale, après avoir dénoncé l’inertie des institutions judiciaires commençait à trouver à cet individu des circonstances atténuantes : l’état d’ébriété ! n’est-ce pas plutôt une circonstance aggravante ? Nous assistons à un phénomène de banalisation du racisme dans notre île qui est inquiétant. Et pourquoi a-t-il fallu attendre que le ministre intervienne pour commencer à s’emparer de ce problème et le trouver grave ? Ne définit-on pas le mot racisme de la même manière ici qu’en Métropole ? ».

L’émotion vient-elle de Paris ?

Monté au créneau sous la pression des plaintes et des appels lancés par le collectif, le ministre de l’Education nationale a annoncé que « l’Académie de La Réunion engagera une procédure disciplinaire qui pourra, au vu des faits, prononcer la révocation définitive de Serge Copy, professeur de lettres modernes en poste dans l’île. ».
Cette déclaration a sensiblement modifié l’attitude des médias. Ainsi, le "JIR" a-t-il immédiatement publié le communiqué ministériel… sans pour autant y ajouter de commentaires.
Inquiétante morale de l’histoire : la lutte contre le racisme à La Réunion est loin d’être évidente pour tout le monde. Pire : il semble que dans notre société, on peut impunément injurier les Réunionnais noirs, insulter les femmes réunionnaises, avec le tranquille assentiment de la bonne société. Et on ne songe finalement à s’émouvoir que lorsque Paris en a donné l’ordre.

Geoffroy Géraud-Legros


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Messages

  • Mais si "Paris en a donné l’ordre", n’est-ce pas justement parce que des Réunionnaises et des Réunionnais se sont mobilisés à travers un collectif ? Une belle victoire je trouve et la démonstration que la résistance est une des voies qui permet d’imposer le respect et de réveiller éventuellement tous ceux qui sont assoupis par le ronronnement s’échappant insidieusement des écrans aux yeux morts : la télévision, et qui végètent dans le confort ouaté de leur indifférence. Réveillez-vous.


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