Réfugiés

Un colloque sur la migration en Libye doute de l’efficacité des résultats du Sommet d’Abidjan

7 décembre 2017

Un colloque sur la migration clandestine en Libye, organisé par le Conseil national libyen pour le développement économique et social mardi, a mis l’accent sur les conséquences économiques, sociales et sanitaires auxquelles est confrontée la Libye, pays plongé dans le chaos et la crise politico-sécuritaire depuis sept ans. Ces conséquences ont aussi été à l’origine des difficultés et souffrances des dizaines de milliers de migrants bloqués dans ce pays de l’Afrique du Nord, situé sur les côtes de la Méditerranée.

Camp de réfugiés en Afrique du Nord. Photo By DFID - UK Department for International Development [CC BY 2.0 (http://creativecommons.org/licenses/by/2.0)], via Wikimedia Commons

Les participants au colloque sont composés notamment de responsables gouvernementaux, d’organisations internationales concernées par la migration dont l’Organisation internationale des Migrations (Oim) ainsi que des experts en sciences sociale, économique et sanitaire, des agents de la sécurité, des diplomates accrédités en Libye et des journalistes.

Ils ont affirmé, dans leurs conclusions, que les décisions du Sommet d’Abidjan sur la situation de la migration clandestine en Libye ne « sont pas réalistes et ne vont pas atténuer la souffrance des centaines de milliers de migrants notamment ceux détenus par les milices et organisations criminelles qui évoluent à l’intérieur de la Libye et dans les pays pourvoyeurs, limitrophes du Sud de la Libye.

Le président du Conseil national libyen pour le développement économique et social, Fadil al-Amine, a appelé lors de l’ouverture du colloque, à la nécessité de créer les mécanismes qui sont conformes à la réalité sur le sol libyen et d’adopter des politiques et stratégies communes entre les pays pourvoyeurs, de transit et de destination pour régler cette crise transfrontalière, affirmant que « le fait de faire porter le tort à un seul pays, à savoir la Libye, n’est pas dans l’intérêt des migrants ».

Trafic d’être humains

Selon lui, « la migration est un comportement humain qu’on ne peut pas criminaliser car la terre est pour tous », ajoutant qu’avec le progrès de la vie humaine, ce mouvement humain a été codifié par les nations et les sociétés ».

Il a fait remarquer que la situation sécuritaire dégradée en Libye, les politiques des pays voisins du Sud qui ont tourné le dos à cette tragédie humaine et la léthargie dont a fait preuve la Communauté internationale, ont contribué à la naissance des organisations criminelles qui trafiquent des êtres humains, traitant des migrants comme de simples marchandises.

« Nous faisons face aujourd’hui à une catastrophe humaine, marquée par le mouvement de près d’un million de personnes de jeunes dont l’âge varie entre 16 et 25 ans, d’enfants et de femmes à travers des routes de migrations traditionnelles dans plusieurs pays africains comme le Niger, le Tchad, le Soudan et l’Egypte vers la Libye et ce après la fermeture des passages Est (Asie) et Ouest (Océan Atlantique). Il ne reste devant ces migrants que le passage Centre qui mène en Europe via la Libye », a-t-il dit.

Il a ajouté que ce mouvement a entraîné la naissance de groupes de trafiquants d’êtres humains tout au long des passages Centre jusqu’aux frontières libyennes et à l’intérieur de la Libye où ils exploitent les migrants qu’ils transportent dans des embarcations de fortune depuis les côtes libyennes.

Rechercher les causes de l’émigration

Selon lui, ceux parmi les migrants qui disposent de l’argent pour payer depuis leurs pays d’origine le prix de leur voyage sont une minorité, comparés aux milliers qui convergent vers la Libye et espèrent y travailler pour réunir le prix des embarcations de la mort vers l’Europe. M. al-Amine a mis en garde contre l’implication des organisations terroristes et de trafiquants d’êtres humains dans cette tragédie humaine, affirmant que les organisations terroristes trouvent des partisans parmi les migrants qu’elles arment et intègrent dans leurs rangs.

La Libye respecte les droits de l’homme et les conventions internationales signées mais compte tenu de l’anarchie sécuritaire et la circulation des armes, elle est incapable de parvenir aux centres sous le contrôle des milices armées et des bandes de trafiquants criminels, a-t-il dit, ajoutant : « De ce fait, il est convient à la Libye de travailler avec les pays partenaires pourvoyeurs et les pays de destination pour atténuer les souffrances des migrants et mettre fin à cette tragédie humaine ».

De son côté, le professeur des sciences sociales, Abdesalam al-Dhaouibi, a insisté sur la nécessité d’une coopération internationale efficace pour résoudre le phénomène lié à la migration clandestine et la protection des migrants, qualifiant de « solutions de maison », les résultats du Sommet Ua-Ue d’Abidjan. Il est temps, avant tout, de résoudre ce problème dans les pays pourvoyeurs, a-t-il affirmé, indiquant que la décision du Sommet d’Abidjan n’a pas examiné les raisons qui font que les migrants abandonnent leurs pays, mais a plutôt mis l’accent sur le sentimental sans avancer de solutions conformes à la situation catastrophique que vivent les migrants. Il a appelé à la nécessité de corriger les mentalités, affirmant : « Les campagnes faites sur l’oppression des migrants en Libye ne sont que des démarches journalistiques qui ne vont pas changer la réalité », faisant allusion à la vidéo de CNN. Il a aussi appelé les pays concernés, les Nations unies et les organisations spécialisées à accélérer la création d’un centre spécialisé pour les études et les recherches sur la migration qui serait en mesure de déterminer les données et la réalité au lieu de traiter anarchiquement ce phénomène. Le professeur libyen a mis en garde les pays contre la négligence des causes de la migration et d’éviter le sentimentalisme à l’égard des questions des migrants, indiquant que tous les pays sans exception travaillent conformément à ce que prévoit leur constitution en matière de migration clandestine.

Libye lieu de travail pour payer le passage

Pour sa part, l’expert en économie libyen, Nasser Sassi a soutenu que la migration clandestine est une question très compliquée, marquée par la volonté du migrant de chercher une vie meilleure à cause de la pauvreté, de la faim et de la marginalisation dans son pays ou fuyant des conflits armés ou encore parce qu’il est opposant politique au régime au pouvoir, des questions qui rendent difficiles de convaincre le migrant de retourner volontairement à son pays. Les « migrants qui sont estimés à 1,5 million de personnes en Libye ont causé des problèmes supplémentaires à l’économie libyenne, des problèmes que les Libyens ne connaissaient pas avant 2011, la Libye étant un pays riche », a-t-il dit.

Il a expliqué que le migrant travaille dans son pays pour avoir de quoi acheter un billet pour la Libye où il doit travailler pendant plusieurs années pour obtenir le prix du transport vers l’Europe.

Il a ajouté que 60 % des migrants sont venus en Libye parce qu’ils n’ont pas de travail chez eux, faisant la migration une réaction naturelle face au sous-développement économique.

Les pays africains pourvoyeurs de la migration sont incapables pour plusieurs raisons dont celles liées à la corruption, à exploiter convenablement leurs ressources naturelles, a déploré l’expert libyen, ajoutant que ces pays sont victimes de l’absence de politiques économiques complémentaires entre eux, alors que leurs balances commerciales sont déficitaires et dépendent des pays occidentaux qui continuent de les coloniser.

La Libye qui est accusée par tous les pays incapables de faire face à ce phénomène humanitaire transfrontalier, supporte les difficultés énormes malgré sa situation économique détériorée, a encore dit l’expert, indiquant qu’un seul migrant, par exemple, coûte à la Libye 1.250 dollars par an (frais sanitaires et des subventions), sans compter qu’il rend fragile l’économie du pays par le trafic de devises étrangères.

Le délégué du ministère libyen de la Santé a estimé que la migration clandestine a détérioré le système sanitaire de la Libye, déplorant, à cet égard, la présence de nombreuse maladies dont l’élimination a nécessité des millions de dollars durant les décennies passées, mais elles sont réapparues avec la présence des migrants. Parmi ces maladies figurent le paludisme, les hépatites, etc. L’apparition de ces maladies a nécessité des budgets supplémentaires pour mener des recherches afin d’y faire face, au moment où la Libye fait face à des problèmes économiques à cause de la lutte pour le pouvoir.

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