Forum sur les violences conjugales

Un fléau : 15% de femmes victimes

28 novembre 2009, par Edith Poulbassia

Dans le cadre de la Journée internationale pour l’élimination de la violence faite aux femmes, le Conseil général a mis en place des activités destinées à sensibiliser l’opinion à ce fléau. Le forum organisé hier au Palais de la Source avait pour objectif d’échanger, de dialoguer, de partager les expériences et de construire des projets d’actions 2010/2011 pour la prévention, l’accompagnement des familles et l’écoute des auteurs de violences, au cours d’ateliers. Associations, gendarmerie, police, victimes de violence étaient invités à ce forum-débat.

A La Réunion, 15% des femmes sont victimes de violences. C’est deux fois plus qu’en France. Déjà huit femmes ont perdu la vie depuis le début de l’année, parfois avec leurs enfants. 32% des tentatives de meurtre sont dues à des ex-conjoints, 22% des agressions.

Des dispositifs existent, notamment le 115, dispositif de veille sociale, ainsi que les relais familiaux pour accueillir les victimes. Le 115 reçoit également des appels d’hommes qui, pour certains, regrettent leurs gestes, pour d’autres, continuent à trouver normales les violences physiques « du moment que le sang ne coule pas ».

Les brigades de gendarmerie disposent d’un référent qui travaille en lien avec les associations. La lutte contre les violences intra-familiales fait aussi l’objet du travail de la brigade de prévention de la délinquance juvénile. La police dispose de brigades spécialisées en charge des violences intra-familiales depuis le mois d’octobre et des policiers sont formés à recevoir les victimes en cas de plainte.

Pour Thérèse Baillif, présidente du CEVIF, la société doit prendre conscience que la lutte n’est pas réservée à quelques services institutionnels et aux associations. « Le drame dans notre société, c’est que la parole de la femme n’est pas crédible », affirme-t-elle. Quant à la famille, lieu de construction de l’individu, elle est aujourd’hui fragilisée.

Thierry Malbert, anthropologue et maître de conférence, a proposé un éclairage sur l’évolution de la famille réunionnaise, la place de l’homme et de la femme dans la société.

« Un fait culturel ? »

Pour lui, la violence est un « fait culturel », à l’origine de l’histoire de l’île. D’abord, avec le début du peuplement où les femmes, peu nombreuses, étaient sans doute l’objet de convoitise. Ensuite, avec l’esclavage, violence en soi, qui a donné lieu à des abus sexuels, des libres sur les esclaves et peut-être entre esclaves. Les femmes avortaient, se suicidaient. Qu’est-ce alors la famille pour ces esclaves avant et peu après l’abolition ? Souvent la monoparentalité, puis la famille recomposée. « L’homme n’a pas de lien avec ses enfants. La représentation du père leur est donnée par le maître, puis le propriétaire. Il n’y a pas d’autre modèle du vivre-ensemble ». Ces rapports de force vont perdurer à l’intérieur des foyers. En encourageant le mariage, l’Eglise va donner des règles à la famille. Les rôles de la femme et de l’homme sont délimités. Mais quelle liberté pour la femme ? Quels droits ?

Avec la départementalisation, l’homme se retrouve « comme dans une impasse ». L’image de l’homme qui transmet les valeurs économiques, les métiers traditionnels, est menacée. La scolarisation permet aux enfants, notamment aux filles, d’accéder à des emplois. « Les rôles peuvent s’inverser. Les femmes apportent de l’argent au foyer. Certains hommes se retrouvent à la marge », explique le chercheur. Avec la précarité, les stratégies pour fonder une famille sont souvent en lien avec les aides sociales. L’homme est là encore au second plan et les ruptures surviennent. Hier, les violences existaient, mais « la société d’interconnaissance favorisait la résolution des conflits par des médiateurs interfamiliaux », soutient Thierry Malbert.

Aujourd’hui, les familles vivent souvent ces situations dans l’isolement. Cependant, face à l’émancipation des femmes et à la répercussion sur les jeunes couples, le milieu familial (parents, grands-parents) a parfois tendance à influencer pour la transmission d’un modèle plus traditionnel.
Mais le tableau n’est pas totalement noir. Si 62% des hommes pensent encore que les tâches doivent être partagées en fonction des sexes, 81% estiment que l’éducation des enfants est l’affaire du couple.

EP 


Marche blanche lumineuse

Comme chaque année, une marche est organisée à l’occasion du 25 novembre, Journée internationale pour l’élimination des violences à l’égard des femmes. Rendez-vous est fixé ce soir à 18h30 devant le Jardin de l’Etat à Saint-Denis pour un défilé jusqu’au Barachois pour des interventions d’artistes. Un hommage aux victimes, mais aussi message d’espoir.

Spécial 50 ans du PCR

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