Un racisme ordinaire

17 juillet 2010, par Geoffroy Géraud-Legros

Violence des mots, des attitudes et de l’institution : jour après jour, le racisme envers les Réunionnais se banalise.

« Vous n’enseignerez jamais cette merde chez moi ! ». La « merde » dont il s’agit ici, c’est notre langue, le créole. Rapportés par le "Journal de l’île", ces propos ont été tenus rien moins que par un proviseur de lycée qui travaille à La Réunion. Comme les injures proférées par Serge Copy, pour qui les Réunionnais sont des « nègres » et les femmes réunionnaises des « putes », ces invectives rejoignent le tristement riche répertoire de la banalité raciste et néocoloniale, dont notre pays s’imprègne chaque jour un peu plus. Car il ne faut pas s’y tromper : ni le professeur Copy ni le proviseur cité par notre confrère Véronique Hummel ne sont des cas isolés.
Au contraire, ils pourraient presque être considérés comme les porte-parole de toute une couche sociale, pour laquelle le Réunionnais est un étranger tout juste toléré dans son propre pays… surtout lorsqu’il est ravalé au rang de "petit" par une société où le racisme social s’ajoute au racisme tout court.

Violence…

Serge Copy n’a finalement eu qu’un tort : celui de proférer ses invectives publiquement, face à un parterre de magistrats et de juristes, qui ne pouvaient que réagir. Encore le firent-ils mollement.
Mais il aura fallu qu’une mobilisation citoyenne fasse pression sur les autorités centrales pour que prenne fin l’inertie de leurs représentants à La Réunion. Mais ce racisme ordinaire n’est pas fait que de mots : il prend aussi la forme d’une violence institutionnelle devenue elle aussi presque banale. Et lorsque ses manifestations viennent à être connues — ce qui demeure l’exception —, elles montrent le degré du mépris qui s’exerce envers la population… et peut atteindre à la brutalité.
En octobre dernier, les membres des forces spéciales envahissaient le domicile d’Isabella Françoise, situé dans un quartier populaire de Saint-Louis. Sans préciser le motif de la descente, les hommes en armes "ouvraient" la porte de plusieurs coups de feu, saccageaient le mobilier, pointaient leurs armes en hurlant contre les membres de la famille, dont un enfant en bas âge. Avant de se retirer : ils n’avaient pas "perquisitionné" le bon domicile.
Il y a quelques mois, les gendarmes débarquaient chez une autre famille, cette fois dans un quartier populaire du Port : il s’agissait de la maison d’Aafifoudine Aboudou, dont la disparition venait d’être signalée. Les parents, déjà en proie à la plus terrible inquiétude, durent supporter le comportement de militaires les accusant absurdement de "couvrir" une fugue, et les menaçant de "leur faire payer" l’éventuel déplacement d’un hélicoptère.
Malgré l’issue tragique que connut la disparition, les parents du jeune homme n’eurent pas plus droit à des excuses que la famille de Saint-Louis. Ces deux affaires ont en commun de mettre aux prises avec l’Administration des Réunionnais Noirs, pauvres, ou encore "Comoriens"… en un mot, ceux qui, 60 années après la décolonisation, sont encore et toujours mis en marge de la société.

… et mépris banalisés

Car les grandes professions de foi en faveur de l’Égalité n’y changent rien : les "erreurs" ne sont pas distribuées au hasard, et les forces de police n’entrent pas en défonçant les portes chez ceux qui portent suffisamment de signes extérieurs de richesse, ou ont en héritage la "bonne" couleur et les "bonnes" origines sociales.
Et force est de constater que la vie quotidienne des Réunionnais est infestée de petites et de grandes manifestations de ce racisme ordinaire : des injustices au quotidien qui vont des élèves d’un lycée de l’Ouest, à qui on rappelle brutalement « qu’ici on parle français, Monsieur », à cette jeune femme à qui il fut presque impossible de signaler les violences subies de la part d’un homme, plus riche et… plus "métro". Dans les salles des tribunaux, les moqueries des magistrats visent plus souvent les petits Créoles, ceux qui ne parlent pas Français, que les gros "zozos", lorsque d’aventure ils se font prendre.

Geoffroy Géraud-Legros

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Messages

  • La brèche "Copy" s’est ouverte, ce n’est que par la révocation qu’elle se refermera.

    Oui, le racisme anti-réunionnais existe et ce sont ceux qui ne devraient pas l’être qui le provoquent.

    A quand l’assermentation permettant à nous réunionnais de contrer ces gendarmes, ces policiers, ces" pro-fesseurs", ces tous ceux qui...... ils sont trop nombreux, qui appliquent un règlement qui ne correspond pas à la Vérité.

    Alorssssss !!! Nou nana l’affaire "Copy", faisons en des "Foto-Copy" jusqu’à la révocation ici, après na dire à lu "de mounde comme ou nou la pa besoin de ça ici"

    Oté !! tien bo bien l’affaire "Copy", " Dan’Sa même, même Na gaingne nout dignité, Oté !!", "largue pas li" tout le temps QUE LI Lé PA RéVOQUé".

    Moin lé "contre tout racisme, Oté !!! , Respekt a nou".

  • Le racisme est une honte ; mais dans tous les sens car qui n’a jamais entendu "zoreille" dit d’une voix peu sympatique ? Et ceux des Réunionnais qui se disent victimes de racisme se regardent’ils devant la glace quant à leur attitude envers Comoriens, Malgaches et autres communautés ?

  • Justement jacou97436, le titre de "Balayer devant sa porte. " du message "Le racisme est une honte ; mais dans tous les sens........." s’arrête là.

    Car nous attendons de la part de la Justice qu’un coup de balai soit passé devant la porte du Tribunal afin que le racisme n’y rentre plus, mais nous nous impatientons surtout de voir le Rectorat donner un coup de balai à la porte du lycée de St-Paul, en révoquant ce triste "pro-fesseur", afin que ceux qui ont proféré des propos racistes sortent de ce lycée avec l’unique possibilité de ne plus pouvoir y rentrer.

    Ni ici, ni ailleurs.

    la suite du message de jacou97436 dans "qui n’a jamais entendu "zoreille"......." n’est que la réponse à celui qui a commencé.

    chercher l’erreur, De toute façon je suis "Contre tout racisme, Oté !!! Respekt à nou"


Témoignages - 80e année


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