Politique de l’immigration : durcissement en France et en Europe
Rafles sauvages, rétentions indignes, expulsions inhumaines...

... Un seul objectif : les étrangers dehors !

3 janvier 2008

La France de 2008 ? Une terre d’écueils pour des milliers de familles sans papiers, d’indésirables étrangers. Quotas et lois faisant foi, le gouvernement, libéré de toute opposition politique crédible, poursuit son inqualifiable entreprise d’expulsions massives. Autour du RESF pourtant, le mouvement de résistance grandit, se renforce mais cela suffira-t-il quand s’annonce la multiplication des centres de rétention à l’échelle nationale et européenne ?

Mardi 1 janvier. Pas de fêtes, pas de trêve pour les militants du Réseau Education Sans Frontière (RESF) qui se sont à nouveau rendus dans l’après-midi devant le Centre de Rétention Administrative (CRA) pour étrangers de Meslin-Amelot (situé aux abords des pistes de Roissy). En dépit des pressions policières, des menaces d’expulsions anticipées, ces 120 détenus sont parvenus à se fédérer pour dénoncer la promiscuité, la crasse, les traitements indignes qui leur sont réservés dans ces zones de non-droit, et réclamer la fin de la chasse à l’homme dont ils sont la cible.

Rallonger la durée de rétention à 18 mois : «  on va se couvrir de camps  »

Ce ne sont pourtant ni des criminels, ni des délinquants. Loin de menacer la cohésion sociale en France, ils y travaillent depuis plusieurs années pour la grande majorité. Ils y payent leurs charges, y élèvent leurs enfants, tentent d’y construire une nouvelle vie, loin des guerres et famines qui les ont poussé à fuir dans un pays, la France, qui se prévaut de conventions internationales garantes des droits et de la dignité humaines. A la révolte et aux revendications des détenus de Mesnil-Amelot, le gouvernement a d’abord répondu par le silence, cette constante indifférence, puis ceux d’entre eux qui avaient entamé une grève de la faim ont finalement étaient séparés, isolés. Les responsables du Centre n’ont quant à eux pas eu l’autorisation de s’exprimer. Alors RESF, comme tous les après-midi depuis bientôt 15 jours, à Mesnil-Amelot, à Vincennes, se poste devant les murs de ces prisons de barbelés qui risquent fort de se multiplier. Comme nous l’explique Pierre Cordelier, membre fondateur du Réseau, « une proposition de directive européenne veut allonger la durée de rétention de 32 jours à 18 mois. 18 mois pour statuer sur la situation des étrangers : c’est insensé ! » Si cette directive est adoptée, elle aura pour conséquence d’entraîner la multiplication de nouveaux Centres de rétention. « On va se couvrir de camps », s’indigne Pierre Cordelier qui, n’en déplaise au gouvernement, comme pour les traques, les rafles, pèse et assume ses mots. A Lyon, Toulouse, partout en France et en Europe : les conditions de détention, l’état de délabrement de ces centres sont pourtant connus, nombreux rapports à l’appui. Si la Cour européenne des Droits de l’Homme a condamné en avril 2007 la France pour défaillance dans sa procédure d’asile à la frontière* - accusant l’insuffisance des mesures relatives à l’entrée sur le territoire et la zone d’attente figurant dans l’avant projet de loi sur l’immigration du gouvernement - il est à craindre que l’Europe cette fois, pas plus que la France, ne prenne en compte la souffrance de ces détenus, les horreurs des rafles, les vies brisées. « Le durcissement en matière d’immigration se généralise un peu partout en Europe, explique Pierre Cordelier. La police européenne aux frontières, la Frontex, est de plus en plus efficace. »

«  Un nouveau projet de décret va encore fliquer tous les étrangers...  »

Débouté par le Conseil Constitutionnel, le décret relatif à l’instauration d’un fichier informatisé Eloi (pour éloignement) visant à conserver durant 3 ans les données de l’étranger expulsable, celles de ses parents et enfants, et ce afin de faciliter le suivi et l’exécution des expulsions, est actuellement en remaniement. « Un nouveau projet de décret va encore fliquer tous les étrangers en situation irrégulière. On nous prépare une nouvelle mouture, plus douce ou moins dure », commente le militant du RESF. Car de décrets en décrets, de lois en lois, le gouvernement met tout en oeuvre pour emmurer toutes les voies de régularisation possibles et parvenir à ses objectifs chiffrés d’expulsions : 25.000 en 2007. En dépit de tous ses efforts (convocations pièges, contrôles au faciès, interpellations sur le lieu de travail, au domicile, dans la rue, dans les écoles...), le gouvernement n’a pas encore rempli ses quotas. C’est ainsi que le 20 décembre, le Ministère de l’immigration, après avoir essuyer le courroux du Chef de l’Etat si prompt à voir respectés ses engagements, a transmis une circulaire aux Préfets de France, les invitant à multiplier les interpellations. « Il faut faire 125.000 interpellations pour réussir 25.000 expulsions », précise Pierre Cordelier. Cette politique du chiffre, cette traque à l’étranger, sème la terreur chez les familles en situation irrégulière. « Des gens se cachent en France ! Sont cachés ! Dans un Etat dit de Droits, pays démocratique, berceau des Droits de l’Homme », rappelle avec force le professeur retraité. Parmi eux, David Kasoian, 20 ans qui comptait sur la régularisation de sa situation pour obtenir son contrat de travail dans une menuiserie, est toujours introuvable depuis le renvoi de toute sa famille en Géorgie au début de l’année dernière !

Police, élus, citoyens : «  partout, il y a des gens qui ne sont pas d’accord  »

Il semble bien difficile de freiner ce gouvernement qui ne craint ni l’opprobre, ni de bafouer impunément les conventions internationales et qui ne ressent aucun remord à placer des enfants de plus en plus jeunes et nombreux dans ces prisons infâmes pour étrangers. « La machine gouvernementale avance lourdement, à marche forcée comme pour le reste : le droit du travail, le droit de grève, le service minimum... Plus ça va, plus c’est dur », accorde Pierre Cordelier. « Les forces dites d’opposition sont dans un tel état de délabrement qu’elles ne sont pas en mesure d’offrir une opposition crédible au gouvernement dont la politique d’ouverture, de débauchage, a par ailleurs bien marché. » Privilégiant l’action aux illusions, RESF est néanmoins parvenu à fédérer autour de lui de nouveaux soutiens. Des syndicats de justice et de police commencent à rentrer en résistance. Aller sortir de leurs lits des enfants à 6 heures du matin commence à poser un problème de conscience à certains policiers qui refusent d’être davantage détournés de leurs missions obligatoires. Dans les communes, les parrainages se multiplient. Voisins, amis, sympathisants continuent à entrer en désobéissance civique pour assurer la protection des familles menacées d’expulsions. Parlementaires et maires continuent eux aussi de monter au créneau. « Sans être bécheur, RESF reste dans le paysage politique une force de résistance crédible et efficace sur beaucoup de plans. On ne réussit pas tout, mais on arrive à faire sortir certaines personnes des centres de rétention », précise encore Pierre Cordelier. Le Réseau est aussi déjà parvenu à faire revenir sur le territoire, à ses frais (alors que les expulsions sont aux frais des citoyens), des étrangers injustement expulsés, car le traitement des dossiers n’est évidemment pas impartial. « Partout, il y a des gens qui ne sont pas d’accord. Des gens qui ne se posaient pas de questions jusqu’ici et qui ont été étonnés, stupéfaits, indignés par certaines révélations. Des gens nous rejoignent d’abord sous le coup de l’émotion, puis s’opère une prise de conscience politique, une maturation par rapport aux problèmes de l’immigration. RESF est apolitique et c’est rassurant de constater que des personnes de tous partis n’acceptent pas. » Preuve qu’il ne suffit pas de propulser des « minorités visibles » aux responsabilités d’Etat pour étouffer les relents nauséabonds de xénophobie qui “empuantent” la France. A bas les oeillères place aux masques à oxygène.

Stéphanie Longeras

*Voir édition Témoignages du 14.08.07


An plis ke sa

Nouvelle stratégie : les rafles mobiles

Depuis que RESF a mis en place un système d’alerte téléphonique dans les quartiers sensibles ou les interpellations au faciès se sont considérablement accrues, les forces de police ont reçu de nouvelles instructions : procéder à des rafles mobiles avec des escadrons renforcés. « Ils se baladent avec un camion et ramassent, explique Pierre Cordelier. C’est ce qui s’est passé dernièrement dans une épicerie asiatique où ils ont embarqué tous ceux qui n’avaient pas leur titre de séjour. Ils ont ainsi emballé des Français qui n’avaient pas leurs papiers sur eux et dont le seul tort est d’être bruns ou très bruns de peau. Parmi eux, il y avait d’ailleurs beaucoup d’Antillais. »

Les victimes témoignent

Depuis le 22 décembre, RESF reçoit chaque jour des dizaines de lettres de personnes en situation irrégulière qui témoignent de la traque dont ils sont victimes, de leur quotidien de fuyard, de l’indignation et de la honte que provoquent chez eux ces actes inhumains et déshumanisants. Jusqu’au 10 janvier, RESF collectera ces récits qui seront transmis au Ministre de l’immigration et de l’identité nationale « pour faire entendre que ces vies ne sont pas des quotas, pas des objectifs chiffrés à atteindre. » RESF gardera également une copie de ces lettres qui seront présentées, dans les prochaines semaines, par des personnalités, artistes, militants, lors d’une séance de lecture publique.

Les Préfets menacent les maires de poursuite

Le mardi 22 octobre à 11 heures 30 dans une salle de l’Assemblée Nationale, à l’invitation de Patrick Braouezec, député de Seine Saint-Denis et du RESF, des familles sans papiers et des jeunes majeurs scolarisés ont été parrainés par des parlementaires et des maires qui se sont engagés à leur garantir protection et solidarité face aux lois répressives qui menacent de briser leurs vies. Cette cérémonie s’est offerte également comme une réponse aux Préfets qui avaient menacé de poursuivre les maires des Hauts-de-Seine et de Seine-Saint-Denis pour avoir organisé des parrainages. Un autoritarisme auquel ces derniers ont répondu par : « Nous ne sommes pas à vos ordres ». On sait que depuis la décentralisation, les compétences des Préfets ont évolué, leurs responsabilités se sont accrues, mais de là à dicter la conduite des élus... la démocratie bat de l’aile !

5 défenestrations en deux mois

Le 9 août 2007, le jeune Ivan, 12 ans, chutait du 4ème étage de son immeuble pour échapper comme son père à la police qui était alors en train de forcer la porte de l’appartement. Tous ses recours déboutés, la famille Dembsky était menacée d’être expulsé vers la Tchétchénie d’où elle avait fui la guerre, 3 ans auparavant. Le 20 septembre 2007, dans un geste désespérée de terreur suscitée là encore par les policiers, ce fut au tour de Chulan Zhang Liu, asiatique de 42 ans, de se défenestrer. Elle a succombé à ses blessures à l’hôpital Georges Pompidou le lendemain, mais son décès n’a été annoncé que le 24 septembre. Avec Chulan, c’était la cinquième défenestration d’un étranger sans papiers en deux mois. La communauté asiatique de France a alors organisé une marche silence pour marquer son indignation, dénoncer un « climat de peur, attisé par des contrôles permanents d’identité, des arrestations, une attitude générale emprunte de xénophobie, alors qu’ils (les asiatiques) sont en France pour travailler, investir, créer de la croissance », comme l’a souligné alors dans un communiqué Liwen Dong, directeur de l’association Hui Ji. Ce dernier s’est dit « contre la peur identitaire et la crispation par rapport à l’étranger. »

Un parent d’élève appelle les médias à la rescousse

Voici un exemple des messages d’alerte qui arrivent jusqu’au RESF et qui témoignent de la souffrance, de l’indigne traitement réservé aux familles en situation irrégulière, jetées parfois en pâture aux forces de police.
« Une maman de notre école a passé la nuit dehors avec ses enfants (scolarisés à ..... Paris 20°) . Logée en ce moment par le SAMU à ......., elle s’y présente hier soir. Ne pouvant accéder à sa chambre (le pass ne fonctionnait pas), elle se rend à l’accueil. On lui dit que la chambre est de nouveau louée. On ne l’a pas prévenue. Elle demande où sont ses affaires. Personne ne sait... Et elle les retrouve dehors, sous la pluie. Il est tard, elle n’ose appeler personne et elle erre toute la nuit, avec sa petite de 6 ans et son garçon de 10 ans. La petite est de plus très handicapée. Elle a été brûlée au visage et aux membres. Passez l’info aux médias s’il vous plaît. »
SL



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