L’immigration ’choisie’

Une loi contestable et contestée...

8 juin 2006

L’Assemblée nationale a voté, mi-mai, sans surprise le projet de loi sur l’immigration ’choisie’ présenté par le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy. Un texte qui durcit les conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, avec notamment des conditions plus strictes pour le regroupement familial et l’abrogation du dispositif de régularisation automatique après 10 ans de présence illégale sur le territoire français.
Le Sénat, à son tour, examine ce projet de loi. Une fois adoptée par les sénateurs, le gouvernement ayant déclaré l’urgence, une commission mixte paritaire Assemblée-Sénat sera convoquée afin de mettre au point un texte commun qui sera ensuite soumis aux 2 assemblées pour adoption définitive.

On sait les réactions que ce texte a suscitées lors de la récente visite du ministre en Afrique. L’image de la France, terre d’accueil et des droits de l’Homme, se trouve bien écornée, pour des raisons uniquement électoralistes : conforter un électorat de droite dans ses peurs avec des mesures soi-disant sécuritaires. Si le ministre de l’Intérieur a estimé - sans rire - que son texte "était conforme à l’idéal républicain", les réactions ne se sont pas fait attendre. Au nom du PS (Parti socialiste), Serge Blisko, député de Paris, a dénoncé un texte "inacceptable, intolérable, marqué par son désir d’affichage électoraliste. Il va compliquer la vie de milliers de familles". Et de conclure : "C’est un texte qui nie les droits fondamentaux, il renforce la xénophobie". Contesté dans les milieux catholiques, ce projet l’est aussi évidemment par les associations de défense des droits de l’Homme. Pour le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples), "ce jour est et restera un jour de honte et de colère pour tous les défenseurs et les promoteurs des droits et libertés fondamentales des immigrés".

... par les autorités religieuses

Parmi les opposants à ce projet de loi, il faut compter également les chrétiens - catholiques, protestants et orthodoxes - qui ont fait part de leurs réserves. Pasteur de l’Église réformée du Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne) qui accueille en son temple 50% environ d’Européens et 50% de Malgaches, Vietnamiens, Camerounais, certains sans-papiers, Olivier Maes a défini les raisons de cette opposition : "la vocation des chrétiens est de prendre le parti des plus fragiles".
En outre, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) estime que le projet de loi Sarkozy sur l’immigration "favorise le fort au détriment du faible" et fait peser des "risques sur les libertés fondamentales et les droits de l’Homme". Elle juge le concept d’ "immigration subie" utilisé par le ministre de l’Intérieur "incompatible avec le respect de la dignité humaine". "Les premiers à subir l’émigration sont ces hommes et ces femmes que la misère et l’extrême pauvreté, l’oppression voire la terreur poussent à choisir l’exil et l’éloignement", rappelle la Commission.

Un geste "humanitaire"

Alors, le ministre de l’Intérieur, devant cette levée de boucliers, est revenu légèrement sur sa loi sur l’immigration en acceptant de ne pas expulser les sans-papiers "les plus intégrés", les familles où un enfant est scolarisé. Évoquant un "devoir d’humanité" et qu’il "serait très cruel de reconduire de force (l’enfant étranger né en France)", il a ainsi prévu d’assouplir les règles de l’expulsion du territoire pour les familles de sans-papiers ayant des enfants scolarisés. De strictes conditions devraient donc être observées : que l’enfant soit né en France, qu’il ait effectué toute sa scolarité dans l’Hexagone et, enfin, qu’il ne parle pas la langue de son pays d’origine. Dans ces situations, la famille entière se verra régularisée, et on remettra aux parents de l’élève un titre de séjour. Ce geste "humanitaire" fait suite à la mobilisation sans précédent dans les établissements scolaires, à l’approche des vacances d’été, en faveur des enfants menacés d’expulsion.
Ce projet de loi est donc en examen par les sénateurs, depuis le 6 juin. Les dispositions parmi les plus dangereuses pour les droits et les libertés, qui figuraient dans la première, sont réapparues, ciblant notamment les jeunes et les membres de famille, éloignant plus encore les perspectives de regroupement familial. Pour faire bonne mesure, la figure du travailleur étranger "jetable", trop exposé à la critique dans le contexte social actuel, a été "lissée", le gouvernement se disant attentif aux critiques du réseau chrétien. Mais on aurait tort d’en déduire que l’étranger pourra envisager un avenir durable et stable sur le territoire français.
On serait en droit d’espérer que les sénateurs témoigneront d’une vision moins méprisante que leurs collègues députés, des droits des étrangers.

AIC


Les immigrés sur le marché du travail en France

Une population active immigrée fortement masculine

En 2004, les immigrés représentent 8,6% de la population active, soit davantage que leur part dans la population totale (7,6%). Leur taux d’activité (55%) est sensiblement identique à celui de la population non immigrée. Ce résultat global masque des différences notables entre les comportements d’activité des hommes et des femmes. Le taux d’activité des hommes immigrés est supérieur à celui des non-immigrés (65% contre 62).
L’immigration accroît l’emploi et le niveau d’activité de l’économie. L’arrivée d’immigrés accroît la demande de biens et de services dans le pays. Les entreprises vont faire face à cette demande nouvelle et accroître en conséquence leur demande de travail.
(Sources : “Immigration sélective et besoins de l’économie française” Rapport gouvernemental 14 janvier 2006)


L’immigration à Mayotte, vue par la Mission d’information de l’Assemblée nationale (extraits)

L’ampleur de l’immigration clandestine à Mayotte ne cesse de s’accentuer au fil des années au point de concerner un tiers de la population. Elle constitue une nouvelle forme d’esclavage dont les intéressés n’ont pas toujours conscience puisqu’ils fuient un pays qui ne leur offre aucune perspective d’avenir, pour gagner ce qu’ils considèrent comme un “Eldorado”. Pour y parvenir, ils doivent se soumettre à des conditions de transport dangereuses et coûteuses ; une fois à Mayotte, ceux qui trouvent un emploi sont exploités de manière éhontée. Enfin, la plupart de ces immigrés vivent dans des conditions de logement semblables aux “favelas” d’Amérique latine et qui ne sont pas gratuites.
Devant cette situation, on ne peut s’empêcher de penser à la formule employée en 1989 par M. Michel Rocard, alors Premier ministre : "La France [Mayotte] ne peut pas accueillir toute la misère du monde, raison de plus pour qu’elle traite bien la part qu’elle se doit d’en accueillir".
L’éloignement de la métropole a, trop longtemps, favorisé un désintérêt certain pour Mayotte. Nous avons constaté l’ampleur et la qualité des investissements entrepris ces dernières années pour rattraper ce retard. Le développement qui en résulte a accentué l’attractivité de Mayotte pour ses voisins, en particulier les Comoriens de l’île d’Anjouan.
Il est évident que la maîtrise de cette immigration passe par un renforcement et un développement de la coopération avec l’Union des Comores, et plus particulièrement avec l’île d’Anjouan.


"“Faire du chiffre” en matière d’expulsions"

Nous venons de recevoir cette correspondance de Mayotte :
Le 6 juin à 5 heures du matin, 12 camions de la gendarmerie, environ 60 militaires, ont investi le village de Combani. Après des contrôles qui ont duré environ 2 heures, plus de 60 personnes ont été raflées, dont de nombreux enfants : tout ce monde a été expédié vers Nzwani dans l’après-midi.
Selon les renseignements qui courent, la Préfecture aurait reçu l’ordre de montrer qu’elle s’active en raflant 40 personnes par jour. Dès l’instant où une personne est raflée, il est extrêmement difficile d’empêcher son expulsion. On y arrive dans certains cas très rares : par exemple quand il s’agit d’élèves scolarisés depuis plusieurs années à Mayotte, et si le chef d’établissement accepte d’appeler le centre de rétention de Petite Terre pour signaler le fait. (...) Rappelons pour ceux qui l’ignoreraient aujourd’hui que, de 1975 à 1997, les Comoriens circulaient librement dans tout l’archipel. L’instauration du visa "Balladur", accompagnée de l’interdiction d’importer à Mayotte des produits agricoles des autres îles, les crises au sein de l’Union des Comores, ont contribué à la naissance d’une immigration clandestine de plus en plus forte alors que, jusque-là, les gens allaient et venaient, et ne se fixaient qu’exceptionnellement à Mayotte. L’interdiction, le renforcement incessant des contrôles ont conduit à la constitution d’un "mirage" mahorais de plus en plus attirant.

Mansour


On m’avait dit qu’en Amérique, les rues étaient pavées d’or.
Quand je suis arrivé, j’ai découvert trois choses :
1. Elles n’étaient pas pavées d’or ;
2. Elles n’étaient pas pavées du tout ;
3. On attendait de moi que je les pave.

Un immigrant italien de la fin du 19ème siècle
(cité au musée de l’immigration d’Ellis Island, New York)


La loi Sarkozy affaiblira encore plus l’Afrique

L’OMS : L’Afrique malade de la fuite de ses médecins

Alors que l’Afrique est confrontée à de sérieux problèmes de santé, l’Organisation mondiale appelle les pays développés à ne plus recruter d’agents de santé originaires du continent. L’insuffisance du personnel de santé dans les pays pauvres expliquerait en grande partie, selon l’OMS, le fort taux de mortalité sur en Afrique. La saignée est telle qu’on ne parle plus seulement de fuite de cerveaux. Certains responsables de l’OMS estiment carrément qu’il s’agit d’un "véritable pillage des ressources humaines africaines". Le Dr Tim Evans, auteur du rapport consacré à ce phénomène, a déclaré à la BBC que "les pays riches devraient avoir honte de pratiquer des recrutements qui ne sont pas éthiques. Recruter des agents de santé dans des pays qui en ont le plus besoin est tout simplement inacceptable".


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