Prostitution

Une vie amère

12 décembre 2012

On a rencontré une femme qui, par obligation, se livre, comme on le dit, au « plus vieux métier du monde ».

La nuit venue, la voie du Butor (Saint-Denis) est moins bruyante depuis lundi. Le va-et-vient incessant de voitures, motos, vélos et “randonneurs” a cessé depuis l’interpellation d’un couple soupçonné de proxénétisme. Ce fait est interdit par la loi, la prostitution, non.

Grande-Île - Ile de La Réunion

Dans des appartements refaits à neuf, des filles recevaient des hommes pour le compte de ces “esclavagistes”. On a rencontré l’une d’entre elles qui, depuis quelques, mois a changé de résidence. Aujourd’hui, elle reçoit sur rendez-vous « une clientèle de messieurs “fidèles”, discrets et compréhensifs ».

Elle séjourne un temps à La Réunion et un autre à Madagascar. Dans la région sud, elle naît au sein d’une famille modeste et nombreuse. Très tôt, elle doit affronter les aléas de la vie. Très tôt aussi, elle est amenée à la prostitution.

« Tu gagneras plus »

Une de ses « copines » lui confie : « Si tu te rends à La Réunion, tu gagneras plus ». Elle réfléchit, s’informe et décide de venir après des mois d’économie. Dans un immeuble de la rue du Butor, elle se retrouve avec pour voisines des femmes malgaches.

Elles font connaissance, lui expliquent de quelle manière elles opèrent : les tarifs en vigueur, les hommes et les endroits fréquentables, où trouver les préservatifs… Lorsque l’une est avec un client, l’autre veille sur le sac, et vice-versa.

Sélection et pas de négociation

Après ces recommandations, le soir même, elle exerce son activité. « Je sélectionne la personne avec qui je souhaite avoir un rapport sexuel… », explique-t-elle. Et de préciser : « Je ne négocie pas mes prestations et je confie mon numéro à certains ». De cette manière, elle se constitue petit à petit un carnet d’adresses.

Menacée par un sabre

De fait, elle peut les rencontrer la journée. « Je ne me sens pas en sécurité le soir depuis qu’un homme m’a menacée avec un sabre », murmure-t-elle. Elle n’a pu porter plainte : « je me croyais coupable ». Cet épisode l’a « traumatisée ». Il lui a fallu quelques jours de repos avant de recouvrer tous ses esprits et décide de quitter le logement. « Jour et nuit, on se livre à la prostitution », souligne-t-elle.

Elle ne nous dit pas si elle était tributaire d’un proxénète. On peut penser que oui. Ce qui est sûr, c’est qu’aujourd’hui, « je travaille pour mon compte ». Cet argent gagné, elle le destine essentiellement à sa famille désœuvrée.

« Retrouver une vie normale »

Leur condition de vie s’améliore petit à petit. Elle peut désormais manger correctement tous les jours, se vêtir. Ses frères et sœurs vont à l’école. Ces derniers ignorent ce qu’elle fait à La Réunion. Elle leur a dit qu’elle y était « en formation ».

Cette femme malgache n’a qu’un souhait : « retrouver une vie normale ». Sur une petite parcelle qu’elle a achetée à proximité de la case paternelle, elle compte réaliser des bungalows en location.

Comme vous l’aurez compris, c’est par nécessité qu’elle se prostitue. Cet épisode de sa vie restera amer.

Correspondant

Proxénétisme ?

La loi définit le proxénétisme comme «  le fait, par quiconque, de quelque manière que ce soit : d’aider, d’assister ou de protéger la prostitution d’autrui ; de tirer profit de la prostitution d’autrui, d’en partager les produits ou de recevoir des subsides d’une personne se livrant habituellement à la prostitution ; d’embaucher, d’entraîner ou de détourner une personne en vue de la prostitution ou d’exercer sur elle une pression pour qu’elle se prostitue ou continue de le faire  » (art. 225-5 du Code pénal).

Selon les auteurs de faits, le statut de la victime, les moyens de contraintes, les peines varient. L’article 225-10 prévoit de punir le proxénétisme hôtelier, c’est-à-dire le fait de détenir ou gérer un établissement de prostitution, de permettre à une personne de se prostituer dans un établissement ouvert au public ou de tolérer que cette personne y cherche des clients, de vendre ou de tenir à disposition des locaux à des personnes en sachant qu’elles s’y livreront à la prostitution, de vendre, de louer ou de tenir à la disposition des véhicules en sachant qu’ils serviront à la prostitution.

La sanction est de 7 ans de prison et de 150.000 euros d’amende.
Les formes modernes de l’esclavage

Les formes contemporaines d’esclavages — trafic de personnes, prostitution forcée, enfants soldats, travail forcé et asservi, et utilisation des enfants dans le commerce international des stupéfiants — fleurissent encore aujourd’hui, en grande partie à cause de la vulnérabilité exacerbée par la pauvreté, la discrimination et l’exclusion sociale.

- • On estime à plus de 250.000 le nombre d’enfants exploités aujourd’hui comme enfants soldats dans une trentaine de zones de conflit dans le monde. Un grand nombre des filles enlevées et transformées en enfants soldats deviennent également des esclaves sexuelles.

- • L’Organisation internationale pour les migrations estime que chaque année, 700.000 femmes, filles, hommes et garçons font l’objet d’une traite transfrontalière et réduits en esclavage.

- • On estime à 5,7 millions le nombre d’enfants soumis à un travail forcé et asservi, ce qu’on appelle aussi servitude pour dettes, et à 1,2 million le nombre d’enfants victimes de la traite.


• La traite s’accompagne de l’exploitation commerciale sexuelle d’enfants dont 1 million, essentiellement des filles, sont chaque année forcés de se prostituer. Ces filles sont vendues comme prostituées ou à des fins de pornographie infantile tant dans les pays développés que dans les pays en développement.

Source : http://www.un.org/fr/events/slaveryabolitionday/modernslavery.shtml

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