
C’était un 30 juin
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Samuel, SDF...
5 juin 2007
Sa femme le quitte et c’est la descente aux enfers pour Samuel. Prénom d’emprunt pour ce SDF qui actuellement “séjourne” à Saint-Denis. Il est menu, barbu, les cheveux grisonnants, et porte un pantalon usé et une chemise dans le même état. Il porte des chaussures trop grandes pour ses pieds. Mais que voulez-vous ! Notre homme ne roule pas sur l’or. C’est le moins que l’on puisse dire. Il vit d’aumône.
Je vous invite à passer une journée avec lui. Il se réveille de bonne heure. Dès 5 heures, il est « sur la route ». Son lit : la banquette d’une voiture. Un “quatre étoile” pour Samuel. Son sommeil n’est pas de tout repos. La nuit, il dort d’un œil. Il écoute, il regarde si un autre SDF ne rode pas dans le coin. Car il arrive que pour cette banquette, il se bagarre pour la sauvegarder. Un fois se souvient-t-il « ils étaient deux à se précipiter sur moi pour me donner des coups au visage, au ventre, l’un avec une barre de fer et l’autre avec ses poings ». Il a passé un sale quart d’heure. Il pensait mourir ! Il est resté sur le sol et personne pour le secourir. Il se rappelle d’une personne qui s’est approchée de lui. Elle l’a regardé puis s’en est allée sans même prendre la peine de s’inquiéter de la santé de Samuel. Et s’il était réellement mort ? Ce sont ses compagnons de rue qui sont venus l’aider. Il était paralysé sur sa banquette pendant quelques jours. Il connaît ses agresseurs. Ils se rencontrent assez souvent, mais Samuel se garde d’être violent à leur égard.
De l’indifférence à son égard
Revenons à la journée de Samuel. Levé tôt, il sillonne la ville le sac sur son dos. Dans celui-ci, un morceau de pain rassis et des morceaux d’un rougail saucisse d’il y a deux jours au moins, si ce n’est plus. Ce qu’il mange, il le trouve dans les poubelles. Des morceaux de pommes, d’oranges, de poires. Des restes de viandes. Un peu de riz et le fond d’un litre de lait. Voilà où il trouve ses repas quotidiens. Sinon il se poste à l’entrée d’un restaurant pour demander à ses semblables un “kari”. Certaines personnes manifestent ouvertement leur indifférence face à Samuel « allé travay » ou « si ou lé kom sa sé out fot ». Ces paroles le blessent même s’il fait mine de ne pas les entendre. Une personne lui a « craché dessus une fois », dit-il avec les larmes qui roulent dans les yeux. Un restaurateur lui a demandé de s’éloigner de son commerce car selon lui, il faisait fuir les clients. Voilà où nous en sommes aujourd’hui. Bravo monsieur pour votre fraternité. Repoussé violemment, l’un d’entre eux l’a fait débarrasser le plancher et ce devant des personnes. Aucune d’entre elles n’a levé le petit doigt. Certaines ont même dit « lé bon li mèm ». In proverb kréol i di bon dié i pini pa lo roch mesdames et messieurs.
Un ami lui propose de l’aide
Toutes les personnes n’ont pas une telle attitude vis-à-vis de Samuel. Un ami d’enfance lui a proposé de venir se doucher et prendre le repas chez lui. Comme on dit chez nous “in main i lav lot”. Cela l’a touché. Mais en tout et pour tout, il s’est rendu deux fois seulement. Il dit « avoir honte ». Mais de quoi donc ? Il n’arrive pas à le dire. De gêner peut-être ? Lorsque qu’on tend la main à Samuel, rarement il l’a prend. « Mi pans mi déranz a zot », explique-t-il. Samuel a perdu l’estime de soi.
Ses enfants, il ne les reverra peut-être plus
Le voilà à marcher pendant des heures dans la rue. Sait-il au moins où il va ? Non me confiera-t-il. Il est déboussolé et il ne reconnaît plus personne ou plutôt, il ne souhaite pas les reconnaître. Il passe son chemin. Assez souvent, il se rend au Barachois pour regarder l’horizon. En ce lieu, il est au calme personne pour l’ennuyer avec des remarques blessantes. Il se rappelle du temps où avec femmes, enfants et amis, il allait à la pêche. Et pourtant ce temps n’est pas si lointain. Huit ans à tout casser. Il est sur le point de pleurer lorsqu’il pense à ses enfants qui comme leur mère ont quitté La Réunion. Peut-être même définitivement ? Plus jamais, il ne reverra ses marmailles. Il ne sent pas bien. Samuel ne sait plus où donner de la tête. Ses enfants incontestablement lui manquent. Enfin, il reprend ses esprits.
Manger des restes
Il est presque midi. Le moment pour lui d’aller chercher son déjeuner dans les poubelles du front de mer. Le menu n’est certes pas varié, un peu de “kari” d’hier fera très bien l’affaire. Pour ce midi, ce sera un peu de shop suey et du rougail tomates. Enfin ce qui reste ! Comment fait-il pour déguster avec tant d’appétit ces restes ? Il est habitué aujourd’hui. Plus rien ne l’écoeure. Il a un cœur à toute épreuve. Il a connu pire par exemple, il a mangé des fruits pourris ou du lait périmé. Il a terminé son déjeuner et le voilà reparti.
Il fait comme si
Sur son chemin, il se penche fréquemment. Il ramasse des mégots de cigarette. Il n’a que quelques euros dans la poche de son pantalon. Pas de quoi acheter un “kari”. Il poursuit sa route doucement mais sûrement. Il est maintenant parmi de nombreuses personnes à attendre le bus à la station du Petit Marché à la rue Maréchal Leclerc. Lui, il fait comme si. Il regarde chaque bus et se met à parler à lui-même. Il dit des mots qui - pour moi - sont incompréhensibles. Il se remet à marcher tout en continuant à se parler. Que lui arrive-t-il ? Nul ne le sait. Un moment de déprime.
Il avait une vie normale
Le temps pour lui de reprendre ses esprits et d’entamer notre conversation. Il ne sait pas ce qui lui est arrivé. Il n’a aucun souvenir de ce qui vient de sa passer. C’est l’affolement me dit-il doucement. Il est comme qui dirait “déconnecté”. Maintenant qu’il a les pieds sur terre, il insiste et me dit « vouloir avoir une vie normale ». Car avant cet épisode, Samuel travaillait. Il avait même un poste à responsabilité. Il avait pour cela accompli un cursus scolaire sans faute. Il avait mené avec ses parents décédés une vie normale. Un enfant sans histoire qui pilotait sa vie avec précision. Il était organisé, serviable, jamais en retard et surtout prêt à aider ses amis. Jamais, il n’a prononcé de mots qui fâchent.
« Je n’ai jamais commis de faute »
Du jour au lendemain, sa vie a basculé. Et pourtant, affirme-t-il « je n’ai jamais commis de faute ». Tout son argent était pour la maison. Sa femme, mère au foyer ne manquait de rien. Comme ses enfants par ailleurs. Il a même investi dans une maison. Un bien aujourd’hui à l’abandon et dans lequel il ne souhaite pas habiter. Cela lui rappelle trop d’instants merveilleux. Il revoit ses enfants courir dans le jardin. Il se voit aller les rejoindre à l’école, les aider dans leurs devoirs ou aller pique-niquer le dimanche. Cette page de son histoire est bel et bien tournée. Il en a “conscience”.
« Prendre conseil auprès d’une assistante sociale »
« Je peux retrouver une vie normale », me confie-t-il. Mais « je n’en ai plus la force », insiste-t-il. Il a gardé ses relations de travail. Et puis, son visage n’est pas marqué par des années de vie dans la rue. Il me dit vouloir « prendre conseil auprès d’une assistante sociale ». Il le fera et nous l’espérons. Nous sommes déjà en fin de journée. Nous sommes en hiver. La nuit tombe et Samuel attend encore un peu pour prendre place dans sa banquette.
Il dort d’un oeil
Il va dormir une énième nuit dehors. Il gardera toujours un œil ouvert sur tout ce qui se passe dans les alentours. Samuel ce soir n’aura rien à se mettre sous la dent. Il s’endort le ventre vide en pensant à un lendemain meilleur.
On ne joue pas avec les SDF
Samuel n’est pas le seul à vivre pareille situation. Combien sont-ils à dormir dehors tous les soirs à Saint-Denis ? Si nous prenons la peine de circuler, nous constaterons qu’ils sont nombreux. Ils s’installent devant les immeubles, dorment à même le sol. Parmi eux certains sont malades. Mais au fait que fait-on réellement pour ces SDF ? Juste leur donner à manger. Certes, c’est une très bonne chose. Mais hélas, c’est insuffisant. D’autres se servent des SDF en voulant à tout prix médiatiser leur action. Certes, elles sont louables. Mais pour les SDF, nous pouvons accomplir des actions tout en restant dans l’ombre. Ces SDF méritent réellement une autre vie à nous de nous retrousser les manches pour les sortir de cette impasse. Car qui sait de quoi demain sera fait ?
Jean-Fabrice Nativel
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