Victoire de la lutte féministe en Argentine avec la conquête du droit à l’avortement

31 décembre 2020, par Mathieu Raffini

Hier matin le Sénat argentin a voté la légalisation du droit à l’IVG, droit fondamental enfin conquis par les femmes argentines.

A 38 voix contre 29 le projet de loi du gouvernement progressiste argentin a été voté après plus de douze heures de débats et ce malgré un Sénat majoritairement conservateur.
Cette loi, qui permet l’IVG gratuite jusqu’à la 14e semaine de grossesse, alors qu’elle n’était jusque-là permise qu’en cas de viol ou de danger pour la vie de la mère, est un progrès fondamental pour les femmes argentines dans leur quête de pouvoir disposer librement de leur corps et de leur vie en se libérant ainsi d’une partie des chaînes du patriarcat.
Pour autant, la conquête du droit à l’avortement, dont le combat n’est pas nouveau pour les femmes argentines, n’a pas été chose aisée.

Ainsi, jusqu’à la dernière minute, l’Eglise catholique, très importante dans le pays (en témoigne le fait que le pape François soit lui-même argentin) a fait pression sur les sénateurs afin qu’ils rejettent cette proposition de loi.
Mais la mobilisation des femmes, qui s’est caractérisée par de nombreuses manifestations où elles portaient des portaient des foulards verts et qui ont par exemple rassemblé plusieurs dizaines de milliers de manifestantes hier a permis de faire plier les parlementaires.
Avec cette loi, les femmes argentines vivent désormais dans un des rares pays de l’Amérique Latine où l’avortement est pleinement autorisé. Cela est en effet uniquement le cas en Uruguay, au Guyana et à Cuba.

Cette victoire en Argentine doit rappeler que le combat pour le droit à l’IVG, comme toutes les luttes féministes est en combat qui est malheureusement très loin d’être gagné de par le monde.
En effet, si le Haut-Commissariat des Nations-Unies aux Droits de l’Homme considère que « la pénalisation de l’avortement et l’impossibilité d’accéder adéquatement aux services d’interruption de grossesse non désirée sont des formes de discrimination basée sur le sexe », nombreux sont les pays à encore interdire de nos jours l’IVG.
Ainsi, par exemple l’avortement est encore totalement interdit dans des pays tels que le Salvador, la République Dominicaine, les Philippines, le Gabon, Madagascar ou encore Malte.
Dans d’autres pays encore des reculs importants sont à constater sur les dernières années par rapport au droit à l’IVG. Le cas le plus emblématique est la Pologne, où alors qu’elle n’était déjà autorisée qu’en des cas extrêmes, le tribunal constitutionnel, appuyé par le gouvernement ultra-réactionnaire a supprimé la possibilité d’avorter en cas de malformation grave du fœtus.
Certains Etats des Etats-Unis ont également fait adopter des lois restreignant le droit à l’avortement, mettant de fait en danger la vie de milliers de femmes.

Si dans la République, et donc à La Réunion le droit à l’avortement est une conquête acquise par les luttes féministes depuis 1975, il ne faut pas oublier que ce droit est sans cesse remis en question et n’est par exemple restreint qu’aux 12 premières semaines de grossesse, là où les Argentines y ont désormais droit jusqu’à 14 semaines.
De plus, certains chiffres éloquents montrent cette nécessité d’avoir accès à l’IVG, dans le monde comme chez nous :
Dans le monde, 225 millions de femmes sont dépourvues d’accès à la contraception. 300.000 femmes meurent de complications liées à la grossesse et à l’accouchement. Une femme meurt toutes les 9 minutes d’un avortement clandestin.
A La Réunion, 1,3 femme sur 100 de 17 ans ou moins a eu recours à une IVG au cours de l’année 2019. Au total, elles étaient près de 4500, de les tous âges confondus cette même année.
Ces chiffres, très importants, nous démontrent la portée de cette conquête pour les femmes argentines, la nécessité de défendre et d’élargir les droits à l’IVG durement acquis par les luttes féministes, et plus largement, de continuer à combattre les logiques patriarcales qui voudraient que les femmes n’auraient pas le droit à disposer librement de leur corps et de leur vies.

Mathieu Raffini

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