Conséquence d’un système qui impose l’exil ou le chômage à la jeunesse

Violences dans un lycée à Saint-Benoît : aucun sanctuaire protégé de la violence du chômage et de la pauvreté à La Réunion

30 mars 2022, par Manuel Marchal

A La Réunion, près d’un enfant mineur sur deux vit dans une famille rejetée sous le seuil de pauvreté. C’est la conséquence de la violence d’un système qui met de côté la moitié de la population réunionnaise, considérée comme juste bonne à consommer des produits vendus à des prix exorbitants en échange d’un revenu minimum. Il est évident que si les jeunes impliqués dans les affrontements d’hier dans le lycée Patu-de-Rosemont à Saint-Benoît avaient des perspectives d’avenir, ils n’auraient pas été là à en découdre malgré la présence de policiers à l’extérieur. Ceci rappelle donc que la priorité des politiques publiques doit être de lutter contre les causes de la pauvreté massive qui gangrène La Réunion. Si ce système violent n’est pas remis en cause, les violences vont continuer à se multiplier sans qu’aucun sanctuaire ne puisse être à l’abri.

Photo Toniox.

Hier matin, des violences ont eu lieu dans le lycée Patu-de-Rosemont à Saint-Benoît. Selon le maire de la commune, le dispositif policier avait pourtant été renforcé pour prévenir ce type de phénomène. Cela n’a pas empêché ce qui a été qualifié d’affrontement entre bandes rivales, avec à la clé sept jeunes arrêtés. Parmi les explications invoquées par le premier magistrat de la ville figure la démission des parents, compte tenu du nombre de mineurs impliqués.

Cette affaire a suscité de nombreuses condamnations. En effet, l’école a notamment pour fonction d’être un sanctuaire, où les violences présentes dans une société sont bannies. Mais dans l’état actuel, la seule mesure de protection est de renforcer l’arsenal répressif, par la présence d’un nombre toujours plus important de policiers. Placer des lycées sous protection policière témoigne de l’impasse d’un système responsable de ces violences.

Plusieurs générations de chômeurs et de pauvres

En effet, une étude récente de l’INSEE a révélé que près d’un enfant mineur sur deux vit dans une famille rejetée sous le seuil de pauvreté. Cette pauvreté s’explique notamment par le manque d’emplois à La Réunion. Cette situation dure depuis des décennies, et aucune solution durable n’a pu être trouvée.

Il n’est pas rare que dans une famille, les grands-parents et les parents soient victimes du chômage. De plus, plus de la moitié de jeunes sortis de l’école sont au chômage. Voilà la perspective offerte par un système dont une des raisons d’être est de convertir des transferts publics en provenance d’Europe, sous forme de salaires, d’aides économiques, et de prestations sociales, en profits privés qui sont ensuite rapatriés en Europe.

L’objectif de ce système n’est pas de développer La Réunion, comme le rappelle des indicateurs sociaux qualifiés de « hors normes » : la moitié des jeunes dans une famille sous le seuil de pauvreté, plusieurs dizaines de milliers de familles contraintes de vivre dans des logements insalubres ou suroccupés, plus de 110.000 illettrés…

Cela explique pourquoi les jeunes constituent la majorité des milliers de migrants qui quittent chaque année La Réunion pour la France à la recherche d’une échappatoire à ces injustices.

Remettre en cause un système qui exclut la moitié des Réunionnais du droit à un travail durable

Dans la société actuelle à La Réunion, la moitié de la population est mise de côté, contrainte d’enchaîner de longues périodes de chômage entrecoupées de contrats précaires. Le système se contente de verser un revenu minimum afin que ces Réunionnais puissent consommer des produits et services vendus à un prix exorbitant, afin d’alimenter les profits de sociétés privées.

Aussi n’est-il pas étonnant qu’une économie parallèle se soit développée, ainsi qu’un sentiment de défiance vis-à-vis des règles d’une société qui produit du chômage, de la pauvreté et donc de l’exclusion. La Réunion partage là un point commun avec de nombreux pays victimes du sous-développement.

Il est évident que si les jeunes impliqués dans les affrontements d’hier avaient des perspectives d’avenir, ils n’auraient pas été là à en découdre malgré la présence de policiers à l’extérieur.
Ceci rappelle donc que la priorité des politiques publiques doit être de lutter contre les causes de la pauvreté massive qui gangrène La Réunion. Si ce système violent n’est pas remis en cause, les violences vont continuer à se multiplier sans qu’aucun sanctuaire ne puisse être à l’abri.

M.M.

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Messages

  • Révélateur en effet de la triste situation qui hélas perdure, comme ailleurs aussi, aux Antilles, Guyane, Mayotte, Kanaky-Nouvelle-Calédonie... Entre misère, magouilles, débrouilles, trafics, addictions, tout est lié, nous y voilà ! Avec les bêtises qui circulent sur la TV, internet, les jeux, les séries, les pubs infantilisantes aussi, qui, au final, renferment sur soi, font "vivre" par procuration, comme disait si bien la chanson, devant son poste de télévision. Ce qui apporte la résignation, "c’est comme ça, ça ne changera jamais", ou " on se contente de ça !" Où est alors l’ambition, le courage de se débrouiller, de se lancer ? C’est vrai que cela signifie aussi prendre des risques mais la vie elle-même n’est-elle synonyme de risques, de responsabilités, de réflexion, de choix, avec des amis qu’on espère"bons" ? Si !

    C’est le système qui veut cela, faire miroiter des produits nouveaux, à la mode, fabriqués ailleurs, importés à grand frais, octroi de mer inclus au passage à l’importation, bref, rien de bien sérieux surtout lorsqu’on pense à tous ces déchets qui eux, ensuite, resteront "bien" ici, dans la terre, les ravines, ou les centres d’enfouissement technique pour les oublier vite fait. sans oublier la mer, les tortues qui vont aller ingérer les films plastiques transparents, les confondant avec les méduses qui les nourrissent, un sacré beau cadeau pour les générations futures, nos enfants nés ou à naitre ce siècle, aie aie aie à long terme, moche... Arthur/


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