Marche Blanche pour l’élimination des violences à l’égard des femmes

« Y’en a assez ! »

20 novembre 2006

En classant les actes de violences faites aux femmes à la rubrique “Faits divers”, les médias occultent le phénomène de société qu’elles représentent. L’universalité de cette violence ne doit pas conduire à sa banalisation. Déplorer, ce n’est pas refuser. Signer une déclaration d’intention, ce n’est pas agir. C’est pourquoi, dans le cadre de la Journée internationale de l’élimination des violences faites aux femmes, 48 associations réunionnaises montent à nouveau au créneau en reconduisant la Marche Blanche de l’année dernière pour dire assez à cette violence. Allons agir ensemble.

Utiliser la médiatisation est une extrémité pour ces associations qui ont grand mérite à œuvrer chaque jour dans la plus grande discrétion. Elles souhaitent par là sensibiliser le maximum de Réunionnaises et de Réunionnais sur les violences faites aux femmes et s’assurer de leur présence à la marche silencieuse de samedi. Car derrière ce phénomène de société, c’est la cohésion sociale qui est en jeu.

« Une affaire d’État »

Selon les rapports, 9% des femmes de l’Hexagone sont victimes de violences contre 15% à La Réunion. Le phénomène est-il plus développé ici ? A moins que les Réunionnaises, grâce au travail des associations, sont plus nombreuses à porter plainte. Cet écart mérite une analyse plus fine, estime la Présidente de l’UFR (Union des Femmes Réunionnaises) qui rappelle néanmoins que « les chiffres sont terribles : 78 femmes sont tuées chaque année en Métropole, toute les 2 heures une femme est violée... ».
Huguette Bello soutient encore que si l’ONU a acté les violences faites aux femmes comme une de ses 10 préoccupations majeures, c’est que « cette violence est universelle ». La Marche Blanche qui marquera samedi la Journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes sera donc aussi « un jour de solidarité pour les femmes du monde entier ».
En Chine, en Corée, au Pakistan, en Inde, les écographies sont largement utilisées dans le but d’interrompre la grossesse si le futur enfant s’avère être une fille. Aujourd’hui, on est au moins 100 millions de femmes et d’ici 2020, il faudra compter le double. Mais l’on en parle pas ou peu. « A part ça, on dit : c’est la civilisation ! », commente Huguette Bello. Si le phénomène est malheureusement universel, il n’en demeure pas moins « une affaire d’Etat », « un problème de santé publique ». Les institutions seront certes présentes samedi, seulement « il y a beaucoup de paroles, mais le constat des associations au quotidien est qu’il n’y a pas beaucoup d’actes ».
Combien de familles déchirées, de femmes tuées faudra-t-il encore avant que la loi cadre mise en place au Canada, en Espagne soit aussi appliquée en France et à La Réunion ? « Il y a des textes, mais ils sont appliqués très difficilement. Il existe des inégalités de traitement des dossiers selon les régions, explique encore la Députée. Certains procureurs poursuivent les investigations même quand les plaintes sont retirées ; ils n’hésitent pas à exclure le mari violent du domicile ».

Addiction de la violence : « Osons le dire ! »

Le 115 est un outil, mais de nombreuses réponses sont encore nécessaires. Pour Thérèse Baillif, « il y a d’autres choses à mettre en place. La prévention est vitale. Le travail de sensibilisation permanente des jeunes dans les collèges, les lycées est indispensable ». Le respect entre un homme et une femme dans une relation amoureuse, l’engagement du couple...
Cette journée doit aussi permettre de réfléchir à l’éducation que nous voulons transmettre à nos enfants comme de dénoncer une nouvelle fois le flot d’images dégradantes de la femme qui leur sont proposées. C’est aussi bien pour l’image de la femme que de l’Humanité.
Thérèse Baillif retient aussi parmi les actions à engager rapidement la prise en charges médicalisée des hommes violents. « On les met en prison, mais cela aggrave encore leur violence, leur haine, leur colère, soutient la Présidente de l’AMAFAR (Association des maisons et des familles de La Réunion). Osons dire que c’est de la pathologie, qu’ils sont malades. Ils sont dans l’addiction de la violence. Osons le dire enfin ! ». Prévention permanente et soins : « Il faut être déterminé sur ces actions ».
Et Mireille Ramiandrisoa de l’association Femmes Solid’Air de rajouter que ce phénomène d’addiction de la violence ajouté à la dépendance affective des femmes conduit parfois à constater qu’« il y a 2 malades dans cette affaire ». Un homme et une femme qui ont inéluctablement besoin d’un soutien psychologique adapté. Prenant plus distance, Jacques Pénitot, Vice-président de la Ligue des Droits de l’Homme, relèvera que « la violence est le stade ultime, mais il y a tout un processus avant cela, souvent parce que les femmes ont une mauvaise perception de leurs justes droits. Le combat des femmes n’est pas contre les hommes mais c’est un combat global, universel et mixte ».

« Appel au soutien des citoyens »

Les institutions ont un rôle à jouer, tout comme les médias qui devraient aller au-delà du fait divers pour mettre en exergue les conséquences de ces violences à l’échelle de la société. « J’aimerais bien que l’ensemble des médias prenne en main ce problème et le répercute pour que toute la population se rassemble pour dire : Y’en a assez !, soutient Thérèse Baillif. J’entends parler du plan de cohésion sociale, mais la priorité dans la cohésion sociale est bien là. Les violences intrafamiliales contribuent à la destabilisation de notre société et cette lutte doit donc être inscrite en bonne place dans ce plan ». Et Jeanne Macé, Présidente du Mouvement de Soutien pour les Femmes en Détresse, de rappeler le rôle des médias publics soulignant que « rien ne sert non plus d’en parler toute cette semaine pour qu’après, le soufflet retombe ».
Battre le pavé encore cette année pour réveiller ceux qui sont endormis, ceux qui déplorent peut-être dans leur coin les violences faites aux femmes sans pour autant manifester clairement leur refus. Le droit des femmes, conquis à force de luttes, est extrêmement fragile. « Il suffit d’un amendement pour revenir en arrière », rappelle la Députée Huguette Bello. Alors il faut mobiliser. Et pour cela, les médias sont sollicités, mais aussi les 24 communes de l’île pour mettre à disposition du public et des jeunes des bus qui les conduiront samedi à 15 heures au Jardin de l’Etat à Saint-Denis. « On lance un appel au soutien des citoyens, explique pour sa part Patrick Sabatier de l’association Momon Papa lé la. Les gens en parlent à la radio, nous appellent, proposent des dons... maintenant, il faut descendre dans la rue pour nous soutenir en silence. Nous sommes obligés, même en démocratie, de passer par là pour faire entendre nos revendications ».

Stéphanie Longeras


Le Collectif “Marche Blanche”

ACMLR, AEPHS, AFAB, AFOI du Tampon, AJBP, AMAFAR EPE, AMARE, ANIMA RUN, APAL, ARAJUFA, AREP, ARIV, ASAC, Association Culturelle des Jeunes de Labourdonnais, Association culturelle Loisirs les Rochers, ATD Quart monde, Chancegal, Coco Studio, Communauté Baichoo, Connect OI, EFOIR, FAFCR, Femmes actuelles, Femmes Solid’air, FNARS, Fondation Abbé Pierre, Groupe de Dialogue Interreligieux, ICASE, IRTS, JCF, Ligue des droits de l’Homme, Maya Rose, Momon papa lé la, MSFD, Rois, SOS Détresse, SOS Papa, UDAF, UFR, avec la collaboration de 115, Conseil général, Etat (DRASS, Délégation régionale aux droits des femmes et Rectorat de La Réunion).



Débat public refusé pour cause d’élections !

Les associations qui participent à la marche de samedi ont demandé à la Préfecture que la réunion de l’ACODEV, qui se tient vendredi en présence de tous les partenaires de la lutte contre les violences faites aux femmes (institutions, psychologues, gendarmes...), soit rendue accessible aux citoyens par le biais de la radio, des télés. « Nous avions demandé un débat public sur le problème des violences, explique Huguette Bello, mais le Préfet a refusé en raison des élections et de leur emprise. Comme si nous avions attendu tel ou tel événement pour protester, ce n’est vraiment pas nous connaître ». Qui a-t-il de secret pour que le public ne puisse pas voir tous les partenaires réunis et que les vraies questions soient posées ?, interroge en substance la Députée. Puisque c’est un sujet de société, les citoyens doivent être impliqués.


Et les enfants dans tout ça ?

Protéger la mère, c’est protéger l’enfant

Impossible en ce lundi, Journée internationale des droits de l’Enfant, de faire l’impasse sur le lien évident de cette revendication avec la lutte contre les violences faites aux femmes. Comme le soulignait Thérèse Baillif, « les droits de l’enfant, c’est d’abord protéger leurs mères ». Combien d’enfants témoins, victimes eux-mêmes des violences intrafamiliales, sont en danger ? Combien d’entre eux, privés de repères et d’équilibre affectif, parviendront à se structurer, à porter en eux les valeurs fondatrices de la famille ? L’enfant, réceptif à toutes les émotions qui l’entourent, vient au monde le cœur et le corps entier remplis d’amour pour ces parents. On ne peut admettre que cette innocence soit aussi vite brisée et avec autant de violences physiques et mentales, que la culpabilité soit la seule réponse qu’il peut alors mettre à la détresse des adultes. Avec quelles images du couple et de l’amour va-t-il se construire ? La marche blanche de samedi est donc aussi bien pour les femmes que pour les enfants, l’avenir de notre société.

SL


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