Être mère sans vivre en couple : une norme en outre-mer ?

26 juin, par Rédaction Témoignages

Dans les départements d’outre-mer, près d’une femme sur deux qui devient mère ne vit pas en couple, configuration familiale bien plus fréquente qu’en France hexagonale. Que révèlent ces trajectoires sur les dynamiques conjugales et familiales dans les Drom ?

Dans son nouveau numéro de Population & Sociétés, publié par l’Institut national d’études démographiques (Ined), le démographe Arnaud Régnier-Loilier analyse les spécificités de ces parcours à partir de l’enquête Migrations, famille et vieillissement*.

Des familles monoparentales deux fois plus fréquentes dans les Drom

Dans les départements et régions d’outre-mer (Drom), les familles monoparentales représentent près d’une sur deux (46 %), soit deux fois plus que dans l’Hexagone (23 %). Aux Antilles, 54 % des familles en Martinique et 52 % en Guadeloupe sont constituées d’un parent seul avec enfant(s). Cette configuration concerne 47 % des familles en Guyane et 39 % à La Réunion. Dans plus de 90 % des cas, il s’agit de mères élevant seules leurs enfants, une proportion plus élevée que dans l’Hexagone.

Une parentalité qui commence souvent hors couple

Contrairement à la France hexagonale où la monoparentalité découle le plus souvent d’une séparation, dans les Drom elle est fréquemment présente dès la première naissance. En 2021, 44 % des femmes ayant accouché dans les Drom n’étaient pas en couple cohabitant, contre 8 % seulement dans l’Hexagone. Chez les femmes nées entre 1941 et 1980, 36 % ont eu leur premier enfant sans jamais avoir vécu en couple auparavant. Cette proportion atteint 49 % en Guyane, 25 % à La Réunion.

Des naissances précoces et socialement marquées

Les premières naissances hors couple surviennent plus tôt que les autres premières naissances : la moitié des mères dans ce cas ont eu leur enfant avant 22 ans, contre 25 ans pour celles en couple. Les maternités adolescentes (avant 18 ans) concernent 17 % des premières naissances hors couple, cette proportion atteignant 23 % en Guyane. Ce mode d’entrée dans la parentalité est également associé à un faible niveau d’éducation : 45 % des mères sans diplôme ont eu un premier enfant hors couple, contre 17 % parmi les diplômées de l’enseignement supérieur.

Une situation durable et souvent précaire

Lorsqu’un premier enfant est né hors couple, la probabilité d’un deuxième enfant hors couple est élevée : 67 % des mères dans ce cas n’étaient à nouveau pas en union à la naissance du second. Cette configuration est particulièrement fréquente en Guyane, où 39 % des femmes ont eu leurs deux enfants en dehors d’un couple. La monoparentalité dans les Drom est souvent synonyme de précarité : 32 % des familles monoparentales vivent en situation de grande pauvreté en Guyane, 24 % à La Réunion, 17 % aux Antilles, contre 5 % dans l’Hexagone.

Un enjeu démographique et social majeur

À rebours d’une vision homogène de la famille en France, cette étude met en évidence la diversité des parcours de fécondité et des modèles familiaux en outre-mer. Elle souligne la nécessité de mieux comprendre les logiques sociales, économiques et culturelles qui conduisent à cette parentalité précoce et non conjugale, pour mieux accompagner les familles concernées.


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