Débat sur le budget de l’Outre-mer au Sénat

Alerte générale sur le logement social

10 décembre 2004

Mercredi dernier, la ministre de l’Outre-mer défendait son budget devant les sénateurs. La séance a été marquée par plusieurs interventions liées au logement, un problème constamment d’actualité à La Réunion. À chaque fois, les sénateurs de l’Outre-mer ont rappelé au gouvernement ses engagements et les conséquences des gels de crédits sur la LBU, source de financement du logement social dans nos pays.

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Mercredi au Sénat, il a notamment été question du logement. En début de semaine, trois événements d’actualité à La Réunion nous ont à nouveau montré la précarité dont souffrent de trop nombreux Réunionnais en ce début de 21ème siècle.
Et au fil des interventions des sénateurs mercredi, il s’avère que le droit au logement est une préoccupation partagée dans tout l’Outre-mer, avec des problèmes comparables aux nôtres. Car dans ces pays-là également, quand le gouvernement ne respecte pas ses engagements et gèle les crédits affectés au logement social, les conséquences sont aussi dramatiques que chez nous.
Intervenant sur le volet logement, le rapporteur spécial de la Commission des finances, Henri Torre (UMP), note que "le principal problème tient aux énormes annulations de crédits en cours d’année. Des chantiers ont dû être ralentis faute de crédits ; cela met les entrepreneurs en difficulté".

Et de préciser que "26 millions d’euros ont été gelés cette année, après 50 millions les années précédentes. Aucune mesure ne figure dans le collectif budgétaire ; 16 millions ont été "dégelés" pour 2004 et le ministère n’a subi aucune annulation de crédits : sur les 26 millions gelés,16 sont donc disponibles et dix sont reportés".

"Les besoins sont immenses"

"On peut comprendre la nécessité de régulations budgétaires", poursuit le sénateur UMP, "mais celle-ci est pour le moins surprenante, puisqu’elle affecte une mission prioritaire de l’État, dans un domaine où les besoins sont immenses".
Un point sur lequel le rejoint le rapporteur pour avis de la commission économique, le sénateur de la Martinique Claude Lise, qui indique que "les besoins demeurent considérables en matière de logements : il en faut 15.000 nouveaux chaque année. Comme la commission des finances, nous regrettons les annulations massives de crédits - le dernier décret date du 28 novembre".
"Faute de paiement, certains chantiers sont suspendus, fragilisant la situation financière des entreprises artisanales impliquées et réduisant encore l’offre de logements sociaux déjà tellement insuffisante", précise Claude Lise.
Pour le sénateur martiniquais, "le logement social est marqué par le retard. Or, la LBU est à peine reconduite : en Martinique, il manque 15 millions en autorisations de programme et 6 millions pour payer les entreprises, secteur (bâtiment et travaux publics) et familles sont pénalisés, alors que nous pourrions faire plus. Comment appliquer la loi sur les responsabilités locales dans des départements où les conseils généraux avaient fait leurs preuves ?"

"Les annulations se multiplient"

La question de la ligne budgétaire unique interpelle également le sénateur de la Martinique Serge Larcher : "la LBU a vu ses crédits gelés, ce qui a des conséquences graves pour la Martinique où le taux est le plus bas depuis cinq ans ; nombre de chantiers sont aujourd’hui arrêtés, ce que nous ne pouvons, pas plus que les professionnels de la construction, accepter, d’autant que les besoins sont considérables".
"Les annulations se multiplient"
, poursuit Serge Larcher, "au point que le locatif social souffre, phénomène aggravé par le coût du foncier. La programmation de la LBU doit être pluriannuelle et permettre un rattrapage, car elle a un effet de levier déterminant. Il convient aussi d’améliorer les modalités d’attribution de l’APL, de revaloriser le forfait "charge" et de calculer l’allocation en fonction de la taille du foyer".
Pour Jacques Gillot, sénateur de la Guadeloupe, "tous les partenaires doivent se mobiliser alors que la LBU a connu des annulations drastiques". "L’offre de logement n’est pas à la hauteur : une ligne particulière doit être affectée au logement social afin de le préserver des annulations", précise-t-il.

"Une obligation de résultat"

Le Guadeloupéen Daniel Marsin montre la réalité de son pays, qui "compte 21.000 habitations insalubres, soit 15% du parc immobilier et 66% de l’habitat insalubre des départements français d’Amérique. Or, ce budget ne permettra pas d’éradiquer rapidement ce véritable fléau. Il faut accroître encore l’effort en ce domaine : la location accession gagnerait ainsi à être mieux connue, car elle touche des populations de niveau intermédiaire, un peu laissées pour compte. De même, on attend encore que le prêt à taux zéro joue le rôle pour lequel il a été instauré. Ces dispositifs ont le mérite d’exister mais vous devez vous fixer une obligation de résultats".
Même la sénatrice Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour les aspects sociaux, tire la sonnette d’alarme : "Vous en attendez la réalisation de 1.000 logements supplémentaires. Le Conseil économique et social en souhaite 60.000 par an ! Il est certain que la crise du logement n’est pas seulement budgétaire : à La Réunion, ce sont des blocages administratifs qui font problème".

Devant ce message d’alerte de l’Outre-mer adressé au gouvernement, la ministre annonce l’intention de Paris de vouloir lutter contre l’habitat insalubre notamment, et promet une hausse des crédits affectés au logement de 6% et la construction de 8.000 logements sociaux neufs, pour tout l’Outre-mer, ce qui, soit dit en passant, semble déjà insuffisant.

Mais malheureusement, l’expérience montre qu’entre les effets d’annonce et les actes, il y a un fossé qui se traduit en particulier par des gels et des annulations de crédits qui maintiennent dans la précarité une grande partie des habitants de l’Outre-mer.

Manuel Marchal


Impayés et crédits gelés

Le gouvernement ne respecte pas ses engagements

Membre du groupe CRC, le sénateur Robert Bret souligne le désengagement de l’État.
"L’habitat précaire et insalubre, l’accroissement de la population, le nombre très élevé de jeunes ménages et la croissance des villes imposent la construction d’un grand nombre de logements.
"Or ce secteur se caractérise à la fois par l’insuffisance du nombre de logements et la persistance d’un habitat insalubre, qui prend parfois la forme de véritables bidonvilles.
"Pour mettre un terme à cette situation catastrophique, il faut construire des logements sociaux. Malheureusement, ce budget se contente de maintenir le niveau d’effort de 2002 et 2003. Le désengagement de l’État a un effet encore plus pervers quand il met brusquement un terme à ses engagements.
"La commission des Finances de l’Assemblée nationale a d’ailleurs exprimé ses inquiétudes : pendant des années, l’intégralité des crédits inscrits sur la ligne budgétaire pour le logement n’a pas été consommée et les reports ont été importants ; depuis deux ans, le ministère a décidé que la régulation budgétaire porterait sur cette ligne. Aujourd’hui, les crédits de paiement ne permettent pas d’honorer les engagements et 20 millions de factures impayées sont en instance dans les directions départementales de l’équipement alors que 26 millions sont gelés !"


Catastrophe en Martinique

LLS : financement au plus bas depuis plus de 14 ans

Mercredi, le sénateur Serge Larcher a rappelé à la ministre de l’Outre-mer les graves conséquences des gels de crédits de logements locatifs sociaux.

"Madame la Ministre, j’ai eu l’occasion fin octobre de m’entretenir avec vous sur les conséquences pour le département de la Martinique du gel des crédits de la ligne budgétaire unique. Vous avez promis d’obtenir le dégel de 26 millions et de puiser dans vos dotations, pour aider les entreprises martiniquaises confrontées à des difficultés particulières. Malgré un déblocage partiel, nombre de chantiers sont encore arrêtés !
"(...) L’aide à l’amélioration de l’habitat (AAH) et le logement évolutif social (LES) constituent des solutions durables pour le logement et aussi pour l’emploi. Les entrepreneurs seront d’autant plus enclins à embaucher, qu’ils auront reçu l’assurance des versements des crédits de la LBU. Ce n’est malheureusement pas le cas aujourd’hui.
"Depuis trois ans, le gouvernement, par le biais d’annulations et de gels de crédits, diminuera les financements de la LBU, ce qui se traduit par une baisse importante de la production du locatif social (LLS). Le phénomène est amplifié par la rareté du foncier aménagé qui renchérit le coût de la construction.
"Résultat : le nombre de logements neufs LLS financés en 2003 est le plus bas depuis plus de 14 ans. La programmation de la LBU doit être pluriannuelle pour permettre à la filière de mieux se structurer. Il faut également opérer un rattrapage proportionné aux besoins de nos populations plutôt que de se baser uniquement sur le montant de la LBU attribuée au cours des dernières années. Cette ligne joue indéniablement un rôle d’entraînement de la commande du bâtiment avec un effet multiplicateur de trois en moyenne sur l’activité économique. Nos départements ont donc besoin d’un montant plus important de LBU."


Augmenter l’allocation logement

Le sénateur martiniquais Serge Larcher estime qu’"il convient d’améliorer d’urgence les modalités d’attribution de l’allocation logement. Il faudrait premièrement la calculer dans les D.O.M. dans les mêmes conditions que pour les logements de la région parisienne, compte tenu des coûts actuels de la construction outre-mer.
"Deuxièmement, il faudrait revaloriser le forfait “charges” au minimum à 70% de celui applicable en Métropole. Enfin, il conviendrait de calculer cette allocation en tenant compte de la composition effective du foyer sans limitation du nombre de parts. C’est, là encore, une question de justice sociale".


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