Logement social en crise

Alerte !... le système est bloqué - 1 -

27 novembre 2006, par Alain Dreneau

Alors que le ministre Borloo se félicite avec éclat de la relance de la construction de logements sociaux dans la France hexagonale, la situation à La Réunion et dans les D.O.M. est à l’exact opposé : la production du logement social est tombée à un niveau si bas, si éloigné des besoins, que la situation s’apparente à un état de coma prolongé, dont on ne voit pas se dessiner la fin. C’est dans ce contexte alarmant que le Premier ministre, lors de son passage en Guadeloupe le mois dernier, a annoncé « un effort financier important en faveur du logement outre-mer ». Un examen objectif des chiffres affichés conduit malheureusement à relativiser sévèrement l’impact à escompter sur le redressement des financements. Mais au-delà de cet “effet d’annonce” auquel une fois de plus on n’a pas échappé, le problème de fond demeure, dans toute sa gravité : il tient dans le fait que les paramètres de financement qui déterminent aujourd’hui le subventionnement des logements sociaux est totalement insuffisant. La plupart des programmes ne sont pas faisables, les opérations ne peuvent sortir de terre, et c’est toute la chaîne qui est grippée. À quand une prise de conscience, et des mesures adaptées pour sortir enfin de l’impasse ?

Accusé, lors de sa visite en Guadeloupe, de mener une politique de « désengagement financier de l’État » sur le logement outre-mer, le Premier Ministre a annoncé, le 12 octobre dernier à Basse-Terre, avec une solennité appuyée, que ... l’État allait payer ses dettes avant la fin du premier trimestre de 2007. On n’a pu que se réjouir de cette bonne résolution, qui met quand même en relief le fait, dénoncé à maintes reprises depuis des années, que le non-respect des engagements financiers de l’État a contribué au marasme actuel, en agressant durablement le tissu des entreprises et en retardant le déroulé des programmations. Ce retour à la norme de base du fonctionnement de l’État ne méritait à l’évidence pas de faire l’objet d’une telle annonce par le Premier Ministre... mais passons, et examinons le second volet financier de l’intervention de M. de Villepin.

Effet d’annonce, effet trompeur

Il sera rajouté sur les autorisations d’engagement (A.E.) 120 millions d’euros sur 3 ans. Telle a été l’annonce faite à Basse-Terre, en précisant les dotations annuelles : 60 millions d’euros pour 2007, 30 millions d’euros pour 2008 et 30 M€ pour 2009. Immédiatement une question s’est posée : à quelles autorisations d’engagement ces dotations viennent-elles se rajouter ? S’agit-il des 270 millions d’euros qui représentent les montants des A.E. des lois de finances de 2004, 2005 puis 2006 ? Ou va-t-il s’agir du montant des A.E. retenu pour la loi de finances du budget 2007 qui vient d’être débattue la semaine dernière à l’Assemblée Nationale ? Un montant qui a été réduit à 221 millions d’euros (1), malgré les protestations et mises en garde de plusieurs élus des D.O.M.

Si la seconde option s’avérait être la réalité, le calcul est simple. Pour l’année 2008, le montant s’élèverait à 221 + 60 = 281 millions d’euros. Soit en tout et pour tout 11 millions d’euros de plus que les années 2004-06. Autrement dit aucune mobilisation accrue de crédits, compte tenu de la hausse des coûts de la construction et du foncier. Quant aux exercices suivants, 2008 et 2009, les annonces officielles recouvriraient alors une baisse des crédits, de 19 millions d’euros l’an !

On le voit, les super-annonces du Premier Ministre cachent en fait une dégradation du financement par l’État de la question du logement social dans les D.O.M., contrairement, répétons-le, à ce qui se passe en France hexagonale depuis la loi de cohésion sociale de janvier 2005. Dégradation encore plus visible quand on observe que les crédits de paiement (C.P.) n’ont jamais atteint le montant des autorisations d’engagement sur la période 2004-06 (2). Pour 2007, le décalage sera toujours là, puisque les C.P. devraient être de 176 millions d’euros seulement.

Subventions insuffisantes, opérations infaisables

Telle est la mesure exacte de ces “super-annonces”, qui ne constituent en aucune façon le signal d’une relance du logement social dans les D.O.M. Mais au-delà de ces chiffres concernant les financements, c’est l’impasse dans laquelle on se trouve qu’il faut pointer à nouveau. Cette impasse provient de nombre de facteurs déjà répertoriés, qui vont du coût du foncier aménagé au coût de la construction, des effets pervers de la défiscalisation aux loyers de sortie excessifs, incompatibles avec le public visé... L’ensemble de ces éléments trouvent leur conjonction dans le fait qu’aujourd’hui les paramètres de financement de la L.B.U. (Ligne Budgétaire Unique), trop longtemps figés, ne correspondent plus à la réalité des opérations de logement. En particulier les prix plafonds imposés par l’État sont trop bas, par rapport aux prix pratiqués dans la réalité. Résultat : la plupart des appels d’offre se retrouvent être infructueux. Et faute de subvention suffisante, les promoteurs sociaux ne peuvent boucler les plans de financement des opérations, qui sont de plus en plus nombreuses à être déprogrammées ou retardées.

Alain Dreneau

à suivre

(1) ... comme le laissaient prévoir les préconisations contenues dans le rapport élaboré par la “mission d’audit de modernisation” (sic), composée de hauts fonctionnaires, mission dépêchée dans les D.O.M. en avril dernier (voir “Témoignages” des 12 mai et 13-14 mai 2006)
(2) Les crédits de paiement sont les crédits effectifs, versés par l’État pour honorer ses engagements budgétaires. Ils ont été de 173 millions d’euros en 2004, 2005 et 2006. À comparer avec les 270 millions d’euros d’engagements annuels.


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