Logement social et partenaires sociaux : des acteurs qui jouent leur rôle

Besoin de synergie pour sortir de la crise du logement

20 mars 2008

Actrices à part entière du 1% Logement, les Confédérations syndicales veulent s’impliquer davantage par la réflexion et l’action dans la problématique du logement social. Jean-Luc Berho, Secrétaire national de la CFDT en charge du Logement social, invite les élus et l’Etat à travailler main dans la main avec les partenaires sociaux.

Réfléchir et avancer sur la question de la prise en charge syndicale dans la problématique du logement social : tel est l’objet de la visite de Jean-Luc Berho qui, outre ses fonctions syndicales, est également Vice-président de l’Union d’Economie Sociale pour le Logement (1), Président de l’Association pour l’Accès aux Garantis de Risques Locatifs et membre de la Commission Dalo. Un acteur qui maîtrise son sujet.

La part du logement dans le « décrochage du pouvoir d’achat »

La question du logement social n’est pas du ressort complet des élus, de l’Etat, mais les partenaires sociaux ont aussi leur légitimité, comme le rappelle d’abord Jean-Luc Berho. « Pendant des années, nous n’avons pas fait valoir notre contribution au 1% Logement. L’ANRU (Agence Nationale de Rénovation Urbaine), a été abondé à hauteur de 6 milliards d’euros par les acteurs économiques, mais on n’a jamais entendu un élu dire que ce dispositif se faisait en partenariat avec les partenaires sociaux, les confédérations syndicales ».
Le logement ayant de plus en plus fortement un impact sur le pouvoir d’achat, la CFDT manifeste une volonté accrue d’écoute et d’implication pour faire entendre l’intérêt des salariés et, de façon générale, des Français. Les syndicats peuvent certes négocier chaque année l’augmentation des salaires sur la base de l’inflation, mais elles doivent aussi faire entendre au patronat la flambée des prix du logement, devenu le premier poste de dépenses des Français. « En 7 ans, le coût du logement a augmenté de 70% et jusqu’à 115% dans des zones tendues comme la région parisienne, alors que le revenu moyen n’a, lui, augmenté que de 24%, rappelle Jean-Luc Berho. Dans le décrochage du pouvoir d’achat, le logement occupe ainsi une part prégnante ». D’autant plus prégnante que la texture du contrat de travail a évolué en faveur d’un appauvrissement des salariés. Le CDI du plein emploi a fait place à la multiplication des temps partiels : « On compte aujourd’hui en France 4,7 millions de temps partiels dont 63% sont subis ou contraints à 82% par des femmes qui perçoivent en moyenne 700 euros par mois », relève encore Jean-Luc Berho. Le salariat aujourd’hui, ce sont aussi 1,6 million de CDD, 2,4 millions de salariés intérimaires, alors les emplois saisonniers dans le tourisme ou encore l’agriculture gagnent du terrain.
Le secrétaire national de la CFDT n’oublie pas ici de faire référence aux sans emplois, aux érémistes, aux retraités, qui sont également touchés de plein fouet pour l’augmentation du coût du logement, victimes d’un pouvoir d’achat en berne. Que proposer alors aux 2,5 millions d’étudiants qui arrivent derrière ?

Dalo : « un "bug" énorme » fin 2008

Concrètement, la crise du logement en France, c’est « 55 à 60% de la population qui éprouvent des difficultés pour accéder, voire se maintenir dans un logement », et ce n’est malheureusement pas la loi sur le Droit au logement opposable qui pourra, à elle seule, solutionner le problème. « La loi Dalo est une excellente idée que nous avons soutenue, sauf que, d’ici la fin 2008, à coup sûr, ce sera un "bug" énorme », assure Jean-Luc Berho qui, en tant que membre de la Commission Dalo au plan national, peut soutenir ce qu’il avance. « Les logements ne vont pas sortir de terre comme ça. 600.000 familles sont déjà classées prioritaires, alors que seulement 70.000 logements pourront être dégagés ».
Privé, accession, social : en 20 ans, ce sont en entre 280 et 400.000 logements par an qui ont été construits, alors qu’il aurait fallu soutenir une production annuelle de 370.000. Erreur d’estimation des démographes, mutation du schéma familial avec une augmentation des familles monoparentales ou encore besoin croissant des salariés en saisonnalité de pouvoir accéder à un second logement à titre professionnel sont autant de facteurs, soulignés par Jean-Luc Berho, qui ont participé au déficit actuel. Certes, depuis 2004, il y a un sursaut de la production de logement, mais hiatus : « trois quarts des logements sont accessibles au quart supérieur des ménages ». Certes, il y a urgence à sortir de terre des logements, mais des logements adaptés aux revenus des Français.

De « grandes lois » qui s’entrechoquent : « on marche sur la tête »

Disponibilité du foncier, application du SRU, prise en compte de la mixité dans l’aménagement... la problématique du logement est complexe. Comment travailler de façon globale et parallèle sur toutes ces données ? « Nous ne sommes pas là pour prendre la place de quelqu’un, mais il s’agit bien d’un sujet qui touche l’intérêt général », répond alors Jean-Luc Berho, qui interroge à son tour. « Comment alors mettre en place la synergie nécessaire pour sortir de cette crise du logement ? Une crise qui n’est pas un marronnier journalistique servant à remplir des pages en période creuse, mais qui a bien une réalité : il manque 900.000 logements économiquement accessibles. Comment produire en tenant compte du foncier, du pouvoir d’achat, du maintien dans le logement, de la solvabilité avec les aides personnalisées ? Ce sont toutes ces questions qui sont en filigrane ». Pour en débattre et tenter d’y répondre, Jean-Luc Berho plaide en faveur de la mise en place d’un lieu de concertation et de travail réunissant les élus, les partenaires sociaux, les acteurs économiques et l’Etat. Un lieu qui permettrait de travailler sur les mécanismes à partir des outils disponibles comme l’ANRU (voir par ailleurs). La France qui légifère beaucoup a dans son escarcelle des lois pertinentes pour agir sur la problématique du logement, mais là encore, comme entre les acteurs, Jean-Luc Berho déplore le manque de synergie.
Les populations qui ne sont pas accueillies dans les communes qui refusent de construire au moins 20% de logements sociaux se retrouvent alors concentrées dans des zones urbaines sensibles déjà surpeuplées. Ce sont dans ces mêmes quartiers que l’on retrouve les bénéficiaires potentiels de la Dalo et dans ces quartiers encore que le PNRU (Programme National de Rénovation Urbaine) compte agir. « Depuis 2000, la France a mis en place 3 grandes lois (SRU, PNRU, Dalo) - grandes lois car elles ont une raison d’être -, mais comment trouver de la synergie, de la complémentarité là où les dispositifs s’entrechoquent au point que l’on marche sur la tête ? ».
La CFDT souhaiterait, au titre de l’ensemble des confédérations syndicales, que cette question soit débattue au plus tôt par l’ensemble des acteurs concernés, partenaires sociaux induits, on l’aura compris.

Stéphanie Longeras

(1) L’Union d’Economie Sociale pour le Logement (UESL) est la Fédération nationale des organismes gestionnaires du 1% Logement. Société anonyme coopérative à capital variable, régie par une loi spécifique en date du 30 décembre 1996, elle a été créée le 23 janvier 1997 pour donner au Mouvement du 1% Logement les moyens de se moderniser et d’améliorer son efficacité, tout en renforçant le rôle des Partenaires Sociaux. Ses missions : la représentation des intérêts communs de ses associés, notamment auprès des Pouvoirs publics ; la conclusion avec l’Etat de conventions définissant des politiques nationales d’emploi du 1% Logement, favorisant la coopération entre ses associés, et harmonisant les modalités d’emploi des fonds ; le pilotage de la mise en œuvre pour les CIL/CCI de ces conventions. Pour mettre en œuvre les politiques nationales d’emploi des fonds du 1% Logement, elle dispose d’un fonds d’intervention permettant d’adapter les ressources aux besoins locaux et d’instaurer une solidarité financière entre les associés collecteurs. Elle est par ailleurs soumise au contrôle de la Cour des Comptes. Ses associés collecteurs sont : les Comités Interprofessionnels du Logement (CIL) et les Chambres de Commerce et d’Industrie (CCI) agréés par l’Etat pour participer à la collecte et à la gestion du 1% Logement ; les organisations interprofessionnelles de salariés représentatives au plan national (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, CGT-FO) ; les organisations interprofessionnelles d’employeurs représentatives au plan national (MEDEF, CGPME). La participation des associés collecteurs est obligatoire. Chaque associé dispose d’une action de 153 euros.

(Source : www.uesl.fr)


SRU ou la « conception clientéliste » de certains élus

151 communes
« hors la loi et qui le revendiquent »

Dans le cadre du Programme National de Rénovation Urbaine*, coordonné par l’ANRU (Agence Nationale de Rénovation Urbaine), cette dernière dispose d’une enveloppe de 40 milliards d’euros pour tenter de sortir 530 quartiers de l’impasse d’ici 2013 et d’améliorer ainsi la vie de près de 4 millions d’habitants. Souvent sur le terrain, Jean-Luc Berho constate que « des actions extrêmement intéressantes vont permettre à certains quartiers d’entamer une nouvelle vie. C’est passionnant. La plupart sont encore en chantier, ce n’est pas simple, mais il faut mener d’autres actions volontaires de la sorte et que les élus apprennent à travailler avec les partenaires sociaux que nous sommes. Nous sommes prêts, certains d’entre eux le sont aussi, alors que d’autres ont encore une conception clientéliste, un égoïsme territorial ».
En effet, en 8 ans, l’article 55 de la loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbains), qui oblige les communes - dont la population est au moins égale à 1.500 habitants en Ile-de-France et 3.500 dans les autres régions - à construire au moins 20% de logements sociaux, est loin d’avoir trouvé sa pleine expression sur les 883 communes concernées en Métropole. « Un bon tiers fait de gros efforts et va même au-delà des 20% (autour de 36%). Un autre tiers joue plus ou moins le jeu, et le dernier petit tiers ne le joue absolument pas, dont 151 communes qui disent clairement qu’elles ne veulent pas construire de logements sociaux et qui le revendiquent même lors d’élections. Elles sont hors la loi et elles le revendiquent ! ».

SL

* Il prévoit la conduite de projets de rénovation sur les quartiers fragiles classés en ZUS (Zones Urbaines Sensibles) qui se traduisent par l’amélioration des espaces urbains, le développement des équipements publics, la réhabilitation et la résidentialisation de logements locatifs sociaux, la démolition de logements pour cause de vétusté ou pour une meilleure organisation urbaine de logements, ou le développement d’une nouvelle offre de logements.


Politique du logement : implication croissante des partenaires sociaux

« Des acteurs incontournables »

« Depuis quelques années, nous sommes devenus des acteurs incontournables de la politique du logement de ce pays », défend Jean-Luc Berho, quoi qu’aient pu dire certains élus ou responsables d’Etat qui ont parfois accusé les confédérations syndicales d’entretenir certaines velléités à l’égard du 1% Logement. Autant que les acteurs économiques, notre interlocuteur veut ici rappeler que chacun apporte sa pierre à l’édifice, notamment au sein de l’Union d’Economie Sociale pour le Logement (UESL). En 7 ans, le 1% Logement a contribué à soutenir 200.000 salariés par an. Reformaté, vulgarisé, il a également été étendu aux salariés qui n’y cotisaient pas. A ce jour, ce sont plus de 1 million de produits et de services qui ont été distribués, et avec l’Accès aux Garantis de Risques Locatifs dont Jean-Luc Berho a la présidence, ce chiffre devrait atteindre le million 300.000 d’ici à la fin de l’année. « Cela ne suffit, mais d’ici une semaine, nous allons lancer une grande campagne d’information télé/ radio/ presse sur cette garantie qui correspond bien à la réalité des besoins ». C’est la première fois que l’Etat confie une mission d’intérêt général aux partenaires sociaux. Ce sont les acteurs du 1% Logement qui seront chargés de sa mise en œuvre.

SL


An plis ke sa

Après une réunion de travail, la semaine dernière, avec les délégués CFDT de La Réunion, Jean-Louis Berho était cette semaine à Mayotte afin de voir : « Comment anticiper l’application du 1% Logement en fonction de la réalité mahoraise et ne pas cloner le dispositif de Métropole ? ». La problématique du logement est d’autant plus forte à Mayotte que les retards sont colossaux, l’insalubrité monnaie courante, et que le déficit ne cesse de s’accroître du fait des mouvements importants de population. « Si l’on maintient le projet de départementalisation à Mayotte, il est fondamental d’anticiper pour répondre aux besoins », soutient Jean-Luc Berho, qui insiste pour que les réponses soient adaptées au contexte local particulier.

SL


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