Plus de 50 000 demandes

Crise du logement social à La Réunion : un système à remettre en cause

18 février, par Manuel Marchal

La Réunion est confrontée à une crise du logement social sans précédent, avec près de 50 000 demandes en attente en 2024, un chiffre qui a doublé en une décennie. Cette situation alarmante est exacerbée par une offre de logements sociaux insuffisante, ne permettant de satisfaire que 13 % des demandes cette année, contre 38 % en 2014. Un des principaux problèmes est le coût de la construction. Comment expliquer qu’un logement social coûte au moins 150 000 euros à La Réunion alors que des logements équivalents à Madagascar sont produits pour 10 000 euros ? La différence de salaire ne peut pas être la seule explication. C’est tout un système qu’il est nécessaire de revoir. Cette question doit s’inscrire dans un projet global de développement pour La Réunion dont un objectif sera le respect du droit à un logement digne pour tous les Réunionnais.

La Confédération Nationale du Logement (CNL) dénonce une baisse continue des livraisons de logements sociaux neufs. En 2018, 2 200 logements avaient été livrés avec une subvention de 171 millions d’euros. En 2023, malgré une augmentation du budget à 184 millions d’euros, seulement 1 613 logements ont été construits. Cette diminution de l’offre accentue le surendettement des locataires et rend les loyers inadaptés aux revenus des familles.
Le rapport 2024 sur le mal-logement à La Réunion de la Fondation Abbé Pierre souligne que cette crise est profonde. La construction de nouveaux logements est au point mort, les familles qui ne sont pas riches peinent à accéder à la propriété, et les banques rendent plus difficile l’accès aux prêts immobiliers. De plus, dans certaines communes, les locataires ne trouvent plus de logements à des prix abordables ou sont contraints d’accepter des conditions de vie précaires. « L’hébergement d’urgence ne fait plus face à l’urgence de la mise à l’abri pour toute personne en situation de détresse psychique, médicale ou sociale comme le prévoit pourtant la loi. En 2023, le 115 a reçu près de 60 000 demandes d’hébergement d’urgence, dont 28% sont restées non pourvues. Il y a un enjeu fort pour maintenir des dispositifs de mise à l’abri, d’autant que le nombre de domiciliations administratives a doublé en 3 ans (4200 personnes domiciliées) (…) L’enjeu est de produire du logement très social (LLTS) puisque 88 % des demandeurs y sont éligibles. », a indiqué la Fondation Abbé Pierre lors de la présentation de son rapport annuel en avril 2024.

Au moins 150 000 euros un logement social à La Réunion

Un des facteurs aggravants de cette crise est le coût de la construction à La Réunion. Actuellement, un logement social coûte en moyenne 150 000 euros à construire, un prix excessif pour un logement destiné en priorité à des personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté. Ce montant élevé est dû à plusieurs facteurs : l’importation des matériaux de construction, les normes et la spéculation foncière. En conséquence, les bailleurs sociaux répercutent ce coût de la construction dans des loyers élevés pour rentabiliser les opérations. Cela limite encore davantage l’accès au logement des ménages les plus précaires.
Dans ces conditions, il est important de comparer le système français importé à La Réunion à celui de pays proches dans le domaine du logement.

10 000 euros pour une location-vente à Madagascar

À Madagascar, le Secrétariat d’État aux Nouvelles Villes et à l’Habitat (SENVH) pilote cette politique. Parmi les initiatives notables, le programme "Mora" propose des logements en location-vente, destinés aux familles éligibles au crédit bancaire. Par exemple, une maison "Mora" en duplex est proposée à un prix légèrement supérieur à 10 000 euros. Pour les immeubles "Mora" livrés à Ivato, le taux d’intérêt des prêts bancaires a été réduit à 6 %, bien en deçà des taux habituels. Depuis le lancement de ce programme, environ 3 700 logements ont été livrés, et l’objectif est d’atteindre près de 55 000 unités d’ici 2028.

Remettre en cause le système à La Réunion

Parallèlement, le gouvernement explore des solutions innovantes pour accélérer la construction de logements. En avril 2022, une expérience pilote a été menée à l’Université de Fianarantsoa, où une école a été construite à l’aide d’une imprimante 3D. Si cette technologie s’avère concluante, elle pourrait être déployée à plus grande échelle pour la construction rapide et économique de logements et d’infrastructures éducatives.
Comment expliquer qu’un logement social coûte au moins 150 000 euros à La Réunion alors que des logements équivalents à Madagascar sont produits pour 10 000 euros ? La différence de salaire ne peut pas être la seule explication. C’est tout un système qu’il est nécessaire de revoir. Cette question doit s’inscrire dans un projet global de développement pour La Réunion dont un objectif sera le respect du droit à un logement digne pour tous les Réunionnais.

M.M.

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